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Commentaire de David Biroste

sur La liberté d'expression, la violence et la paix.


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David Biroste (---.---.215.153) 14 février 2006 12:07

Plusieurs points de votre analyse m’inquiètent car j’ai l’expression qu’ils résultent d’une vision déformée de la réalité.

Sur le contexte danois : C’est bien parce qu’aucun dessinateur ne voulait illustrer un livre pour enfant sur la vie de Mahomet que le Jyllands Posten a souhaité tester l’autocensure des caricaturistes. On sait que, depuis l’assassinat de Théo Van Gogh en novembre 2004, les relations sont tendues entre les différentes communautés et les pays scandinaves s’interrogent sur l’efficacité de leur système d’intégration : le meurtrier du cinéaste hollandais, bien qu’étant d’origine marocaine, était né et avait grandi aux Pays-Bas. Et depuis cet attentat, on sait que des journalistes et dessinateurs pratiquent l’autocensure par peur de représailles de la part des islamistes. Il est quand même inadmissible que, dans des pays européens, la liberté d’expression soit limitée par la peur. Une peur qui n’est pas irrationnelle puisque la députée Ayaan Hirsi Ali, qui a écrit le film réalisé par Van Gogh sur l’islam fondamentaliste, vit cachée et protégée par la police depuis les menaces de mort qu’elle a reçues. Par ailleurs, il est vrai que Théo Van Gogh était un provocateur et tenait des propos des durs contre toutes les religions (et l’islam n’était pas épargné), mais rien ne peut justifier ce qui lui est arrivé. Voilà pour le contexte nordique. Il ne s’agissait pas de dessins de haine vis à vis de l’islam, mais de la représentation que les caricaturistes qui ont accepté le risque pouvaient se faire de cette religion. Le dessin le plus controversé, celui avec la bombe dans le turban n’était pas une stigmatisation de l’islam mais une illustration de vision qu’en ont les islamistes. Cette caricature était certainement mauvaise puisqu’elle a été mal comprise.

Sur le caractère de provocation des caricatures : Ces dessins sont parus en septembre dernier dans un Etat de droit. Les musulmams, qui ne les ont pas appréciées, ce qui est tout à fait compréhensible, ont saisi les tribunaux qui ont rejeté leurs requêtes : ces caricatures s’inscrivant dans la tradition de la critique satirique qui peut être faite d’une religion et n’étant pas discriminatoires puisque les autres cultes sont également soumis à la dérision. Ces dessins, qui étaient destinés à la société danoise, ont été exportés au Moyent-Orient par une bandes d’imams intégristes en décembre derniers, qui ont fait le tour des capitales arabes pour obtenir leur soutien. Au-delà de ce comportement irresponsable, ces imams ont également montrer à leur interloccuteurs d’autres photos, encore plus offensantes et qui n’ont jamais été publiées par les journaux : on pense à la fameuse photo d’un homme barbus déguisé en porc (photo prise dans une fête du cochon dans un village en France et détournée par les imams danois pour faire croire qu’il s’agissait une dégradation de l’image du prophète). L’AFP, Libération, Le Monde, L’Express et Le Figaro se sont fait l’écho de cette manipulation. Ensuite, les régimes du Moyent-Orient en difficulté sur la scène internationale (en particulier l’Iran et la Syrie, ou le Fatah en Palestine qui a voulu faire oublier sa cuisante défaite électorale face au Hamas)ont profité de l’occasion pour manipuler leurs foules et faire pression sur les pays occidentaux. Ainsi, les milliers de manifestants qui ont exprimé leur colère dans les rues n’ont jamais vu les dessins litigieux et s’en sont remis aux prêches des imams qui ont attisé un sentiment « d’humiliation » une fois de plus. Donc, sur le plan politique, on voit bien la manipulation qui a abouti à une crise internationale grave : cela permet à des régimes dictariaux d’orienter la frustration et la colère de peuples qui n’ont aucune liberté dans leurs propres pays. La provocation guerrière n’est pas, ici, le fait des Européens.

Sur une soit-disante liberté d’expression absolue : Parmi les journaux qui ont publié en France ces caricatures, personne n’a défendu une liberté d’expression absolue. Dans notre Etat de droit, tout le monde convient que la liberté d’expression doit être la plus large et que ses limites sont fixées par la loi : l’injure, la diffamation, l’incitation à la haine. Donc, quand une personne se sent offensée, elle peut saisir les tribunaux. Mais si la justice estime qu’il n’y a pas eu d’abus de la liberté d’expression, il faut accepter le verdict et ne pas aller attiser la violence dans les pays musulmams, comme l’ont fait certains imams danois. En outre, les caricatures de Mahomet qui ont été reproduites en France l’ont été avec, de la part des journaux, des commentaires d’explication et d’analyse des messages contenus dans les dessins. On n’a donc vu aucun message de haine à l’encontre de l’islam dans la presse française. Et même France Soir et Charlie Hebdo, qui sont considérés comme les deux organes les plus provocateurs dans cette affaire, ont bien distingué dans leurs colonnes l’islam et l’islammisme. Il n’y a eu aucune insulte à l’égard de l’islam, seulement de la pédagogie et de la solidarité envers un pays qui devenait la cible des intégristes de tous rangs. C’est pourquoi, à mon sens, l’affaire des caricatures est différente de celle de la Cène des publiciatires Girbault (en mars 2005). La jurisprudence (française et européenne)tolère que soient exprimées des opinions qui puissent choquer. Sinon, on n’aurait jamais remis en cause la domination de l’Eglise sur la société et on n’aurait pas évolué vers un pays sécularisé. Dans l’affaire de la publicité sur fond de Cène de Léonard de Vinci,le tribunal a condamné le fait que l’atteinte au sentiment religieux des chrétiens était gratuite (pour des raisons publicitaires). Or, ce n’est pas le cas dans l’exemple des caricatures, comme cela a été précisé plus haut.


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