» En 1889, Pennelier crée le premier syndicat des locataires dont la tâche principale est d’organiser les déménagements clandestins des ouvriers sans le sou.
Jean Breton dit Constant, ancien communard et artisan en grève de loyers lui emboîte le pas en 1910 avec l’Union syndicale des locataires ouvriers et employés qui revendiquent l’assainissement des logements insalubres par les proprios et l’insaisissabilité du mobilier tout en amplifiant les déménagements à la cloche de bois.
Et enfin Cochon vint.
Nommé à la tête de l’Union syndicale des locataires en 1911, il porte sur la place publique la question du logement : « Vous avez créé ces maisons, j’ai inventé les moyens de s’en servir. » Accompagnés d’une fanfare charivaresque, le Raffut de la Saint-Polycarpe, Cochon exhibant une énorme cloche de bois, les membres du syndicat entassent les meubles et les frusques de la famille menacée d’expulsion dans une charrette à bras et partent gaiement à l’assaut des logements vides.
Lui-même, retranché dans son « Fort Cochon », va livrer bataille une journée durant aux forces de police venues l’expulser en 1912. Soutenu par une partie de la presse, Cochon ne recule devant aucun défi aux pouvoirs en place. Deux jours avant sa propre expulsion, il occupe l’allée centrale du Jardin des Tuileries à l’aide de la première maison en kit confectionnée par des compagnons ouvriers. Juste devant le préfabriqué, cette pancarte : « Maison avec jardin offerte par l’Union syndicale des locataires et le syndicat du bâtiment à une famille de dix personnes abandonnée par l’Assistance publique ».
Évidemment quand il voudra rééditer son tour de Cochon dans la cour de l’Hôtel de Ville ou de la préfecture de police, les heurts avec les pandores, les amendes, les peines de prison vont pleuvoir de toutes parts. Mais Cochon, dont les actions rassemblent jusqu’à 15 000 personnes, n’en a cure et réussit toujours à contraindre les autorités à reloger les familles.
Comme un peu partout en Europe, il faudra la boucherie de 14-18 pour décimer le premier mouvement social d’occupation des logements vides.
Peu avant de mourir en 1959, George Cochon aurait rencontré le déjà vieil abbé Pierre et lui aurait tenu à peu près ce langage : « Ah ! Mon père, si vous aviez des couilles ! » Mais ceci est sûrement un ragot d’un goût douteux...