Je ne vais pas intervenir sur l’ensemble de l’article. En tout cas, pas maintenant. J’interviens juste sur la question du Kosovo.
Les serbes présentent le Kosovo comme le coeur de la Serbie, comme l’âme de leur nation. Pourtant ces écrits ont une origine. Une origine historique qui démarre au début du dernier siècle et qui n’a pas grand chose à voir avec la réalité. Plutôt le besoin de rassembler les foules derrière un discours nationaliste faisant la part belle à la mythologie.
Lorsque l’armée serbe entre au Kosovo en 1912, la région est déjà majoritairement peuplé d’albanais. N’hésitez pas à rechercher le Memorandum de Vasa Cubrilovic, qu’il présente au Roi en 1937. Son plan : la colonisation du Kosovo par les serbes. Les moyens : l’expulsion de la population albanaise vers la Turquie.
Le plan a commencé à être appliqué. Malheureusement, la seconde guerre a éclaté. Voilà une piste qui explique pourquoi les albanais du Kosovo n’ont pas immédiatement considérés les allemands comme des ennemis.
Le malheur du Kosovo c’est d’avoir offert une belle plaine pour une grosse boucherie en 1389. Une époque où le sentiment national n’existait nulle part. Une période où les ancêtres des albanais et ceux des serbes ont combattus ensemble face à l’empire ottoman.
Quand le nationalisme est né, cette bataille épique et mythique a servie à créer une identité nationale serbe. Mais au moment où ce discours à été mis en place, le Kosovo était DEJA majoritairement albanais.
Sur 600 ans d’histoire, la Serbie n’a été souveraine au Kosovo que pendant une période de 48 ans :
- de 1912 à 1914
- de 1918 à 1941 (royaume de Yougoslavie)
- de 1945 à 1968 (RSFY - en 68 le Kosovo obtient un statut d’autonomie renforcé par la constitution de 74 qui en fait un entité fédérale à part entière)
- de 1989 à 1999 (abolition illégale et anticonstitutionnelle du statut du Kosovo par Milosevic, annexion de la région par l’usage de la JNA)
Et cette souveraineté, quelque soit la période concerné, la Serbie n’a pu l’exercer qu’en ayant SYSTEMATIQUEMENT recours à la force armée. L’opposition de la population du Kosovo à la Serbie ne date pas de l’ère Milosevic. Elle coïncide avec l’entrée des troupes Serbes au Kosovo en 1912.
Je ne vous demande pas de me croire sur parole. Lisez Dimitrije Tucovic, écrivain et penseur politique serbe du début du siècle dernier. Pour décrire l’entrée des troupes Serbes au Kosovo en 1912, il dit : "Nous entrons en terre étrangère". Mais il ne s’arrête pas là. Il explique également ce que l’armée fait pour mater l’opposition de la population : "des crématoriums barbares dans lesquels des centaines de femmes et d’enfants furent brûlés vifs".
Et comme il est perspicace et visionnaire, voici ce qu’il pense de cette annexion et de ses conséquences :
"Si on rattache l’ancienne Serbie [le Kosovo] à la Serbie, alors on aurait pour chaque Serbe libre, deux Albanais, Turcs, etc., opprimés. Nous voulons la liberté de notre peuple qui ne détruirait pas la liberté des autres. Ce but ne peut être atteint que par la création dans les Balkans d’une unité politique, dans laquelle tous les peuples seraient égaux, [...] sans égard à la question de savoir dans quelle région a régné, il y a quelques siècles, un souverain."
La phrase souligné vous permet de faire le calcul. Elle tord le cou à un autre mythe de la propagande (récente celle ci) de Belgrade : les albanais du Kosovo viennent d’Albanie !
J’ai vu qu’on parlait du président Wilson un peu plus haut. Sans lui, l’Albanie actuelle n’aurait pas existé. Les chancelleries européennes destinaient ce territoire à être partagé entre la Grèce, la Bulgarie et la Serbie. Si tel avait été le cas, qu’aurait t-on dit des albanais qui vivent non seulement dans les frontières tronqués du pays, mais aussi en Macédoine et au Kosovo ? Qu’il s’agit tout simplement de turcs arrivés sur ces terres dans les bagages de l’empire ottoman et qu’il faut renvoyer vers la turquie pour avoir la paix. Mais comme un Etat Albanais a été crée dans des frontières tronqués, pour expliquer la présence d’Albanais en dehors de ces frontières, il est tellement pratique de dire qu’il s’agit... d’immigrés ! C’est beau non ? Beau, mais faux !
Les mythologies nationalistes du Kosovo coeur de la Serbie ne sont que des gentils comptes pour enfant et ne tiennent pas face à la réalité historique. Des monastères construits au XIéme siècle, à une époque où encore une fois le sentiment national n’existait nulle par, ne peuvent et ne doivent pas décider de la vie d’hommes et de femmes dix siècles plus tard. C’est tout simplement impensable. Et c’est Tucovic qui le disait déjà en 1912 (que de temps perdu).