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Commentaire de Gazi BORAT

sur Lettre ouverte à Houria Bouteldja


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Gazi BORAT 3 mars 2009 07:47

@ SNOOPY

Sur cette question des tournantes, qui revient aussi souvent sous votre plume que le fantôme du Mufti de Jerusalem, lire le travail du sociologue Laurent Mucchielli :

Les « tournantes » : mythes et réalités, Dérives médiatiques, contre-enquête sociologique

Invisibles pendant des années, les viols collectifs ont à partir de l’année 2001 fait une entrée fracassante sur l’écran médiatique. Depuis, journaux télévisés, reportages et plateaux-débats nous rappellent régulièrement que ces viols sont un phénomène nouveau, en pleine expansion, concentré dans les banlieues populaires, commis principalement par des enfants d’immigrés et motivés par un machisme d’inspiration musulmane. Chacune de ces affirmations est réfutée par l’enquête sociologique menée par Laurent Mucchielli. Cette enquête est parue en 2005 sous le titre Le scandale des tournantes. Dérive médiatique, contre-enquête sociologique. Le texte qui suit présente quelques unes de ses conclusions.

Article

Ce travail est né d’une interrogation face à la médiatisation aussi intense que subite de ce que les journalistes ont appelé « tournantes », reprenant à leur compte une expression argotique. Le comptage annuel de la fréquence des occurrences de l’expression « viol collectif » dans les titres des dépêches de l’Agence France Presse (source majeure d’information de l’ensemble des autres médias) et dans les quotidiens nationaux met en évidence le phénomène. Il s’agit d’un véritable incendie médiatique, aussi subi qu’éphémère [1]. L’analyse du contenu de ces articles de presse fait ressortir une version dominante présentant ce phénomène comme largement nouveau, en pleine expansion et propre à un lieu et une population donnés : les « jeunes de cités », c’est-à-dire les jeunes « issus de l’immigration ». Cette vision s’inscrit en effet dans le cadre plus large du débat sur l’« insécurité » et « les banlieues », amplifié encore par le thème des violences faites aux femmes et par la peur de l’Islam. Par là, le thème des viols collectifs s’est trouvé relié avec celui de « l’intégration » en général, ainsi qu’avec un mouvement politique (« Ni putes ni soumises ») dénonçant les violences faites aux femmes mais s’intéressant seulement aux familles maghrébines et africaines dans les milieux populaires, promouvant donc à son tour une lecture culturaliste des plus contestables. La médiatisation des « tournantes » s’est inscrite enfin dans le contexte des campagnes électorales de 2001 et 2002, centrées sur le thème de « l’insécurité ».

A bien des égards, et pour toutes ces raisons, l’on a assisté dans le débat public à un phénomène de « panique morale », selon l’expression consacrée dans la sociologie anglo-saxonne [2]. On s’efforcera au contraire dans ce texte de donner les éléments d’une analyse sociologique permettant de s’émanciper de ces représentations médiatico-politiques et de ces lectures culturalistes des problèmes sociaux.

L’indispensable détour historique

On ne saurait penser le présent sans connaissance du passé. En l’occurrence, le viol collectif est un comportement juvénile qui traverse toute l’histoire des sociétés urbaines. Dans son étude de la violence dans les villes françaises à la fin du Moyen-Âge, Nicole Gonthier écrit par exemple que « le viol, et surtout le viol collectif, se pratique de façon obsédante » [3]. A l’époque, on pratique le rapt de femmes à des fins de viols collectifs, en particulier dans les milieux estudiantins. Pour cette historienne, la situation est liée au déséquilibre des sexes, au contrôle des jeunes femmes par leurs familles et à l’étroitesse du marché matrimonial, situation qui provoque une misère sexuelle chez les jeunes hommes célibataires et peu argentés. Dans ce contexte mais aussi dans le cadre de ces sociabilités juvéniles, le viol collectif peut être compris comme « un rite de virilité entre jeunes mâles, comme une de ces orgies bacchiques qui sanctionnaient jadis les initiations ».

Beaucoup d’autres exemples pourraient être produits, sur des périodes plus ou moins anciennes. Attardons-nous ici sur les années 1960 car il existe un important corpus de recherches sur la délinquance juvénile, produites notamment au centre de recherches de l’Éducation surveillée à Vaucresson. A cette époque, le débat public est marqué par le surgissement de la figure des « Blousons noirs ». Et, parmi les choses les plus graves qui leur sont reprochées, figurent précisément les viols collectifs (« viols en réunion », selon la catégorie juridique). En témoigne par exemple cet article de presse dans lequel on lit :

« Le bilan du premier semestre 1966 - une soixantaine de procès - révèle une nouvelle poussée du fléau. Un garçon drague, ‘lève’ une fille. Généralement dans une fête foraine, un club de jeunes. Il offre le déplacement motorisé vers un second lieu de plaisir. Parfois, c’est sa petite amie qu’il immole ainsi à la bande. Dans un square, un bois. Dans une résidence secondaire de banlieue. Le plus souvent, une cave d’un grand ensemble. [...] Les violences qui suivent confondent. Tantôt l’acte se déroule en communauté, tantôt la bande fait passer isolément chaque partenaire près de la victime. Les voyeurs se dissimulent aux alentours. Presque toujours les scènes sont enregistrées au magnétophone. Fréquemment, l’avilissement de la ‘bécasse’, du ‘boudin’, termes employés par les jeunes crapules, s’accompagne de véritables tortures ».

Magistrats et chercheurs tentent à l’époque d’analyser ce phénomène qu’ils croient déjà nouveau. Au début des années 1970, le directeur du centre de Vaucresson, Henri Michard, fait le bilan d’une décennie de réflexion. Il caractérise d’abord les faits :

« Le scénario est relativement stéréotypé. Il se déroule en deux temps. En un premier temps, il y a recherche et ‘accrochage’ de la victime, par des procédés divers [...]. En un deuxième temps, la fille est emmenée dans un lieu solitaire ; bois, terrain vague, garage, cave, appartement inoccupé. Elle est contrainte d’avoir des rapports avec chaque garçon devant l’ensemble de la bande » .

L’usage de l’alcool et surtout la pression de conformisme du groupe (ne pas se « dégonfler » et « perdre la face » devant les autres) jouent un rôle très importants. Michard précise qu’il s’agit généralement de petits groupes de grands adolescents. Certains sont déjà connus de la justice, mais pas comme agresseurs sexuels. Du reste, quelques uns ont par ailleurs une petite amie. Autrement dit, il s’agit d’une pratique collective spécifique. Michard évoque aussi une dimension initiatique du viol collectif puisqu’il constate que, pour la plupart de ces jeunes, c’était la première expérience sexuelle. Il précise : « dans cette perspective, le viol en réunion pourrait être considéré comme un processus pathologique permettant de franchir une étape normale de la socialisation ».

Fin de citation.

La suite de l’article sur :

http://lmsi.net/spip.php?article413

gAZi bORAt


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