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Commentaire de Helveto

sur La vérité sort de la bouche des Anglais !


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Helveto Helveto 11 mars 2009 14:16


Le 8 mars, Krokodilo écrit deux choses distinctes, un doute et une question :
"L’Helveto, mi iom dubas pri la vereco de via atesto.
Kial vi citas HM, kiu ne partoprenas tiun ĉi debaton, kaj senrilate al la temo ?
"

Trois heures après, il ajoute : "Je traduis pour d’éventuels lecteurs, par politesse puisque c’est un forum francophone, mon message émet quelques doutes sur l’authenticité du témoignage de Helveto."

Ouh là là, il doute ! Euh... bon, je vais pas l’engueuler. Le doute n’est pas un fait mais un sentiment forcément intérieur. Puisqu’il l’exprime, je ne peux que le constater. Et éventuellement l’aider à lever le doute, si je le peux.

Pour l’authenticité, je peux fournir assez de preuves que je suis qui je suis et que mon témoignage précédent correspond à mon histoire. J’ai été assez proche de certains espérantophones pendant longtemps pour imaginer que Krokodilo et moi avons peut-être même des connaissances en commun, à Rotterdam, à Grésillon, à Bouresse, à La Chaux-de-Fonds ou ailleurs. Si il participe au Congrès mondial d’UEA, il connait même ma belle-mère (je parierais ma chemise). Qui sait, on s’est peut-être même déjà croisé par le passé... Mais je n’étalerai pas ici les détails qui lui permettrait de vérifier tout ça. Le web n’est pas la place pour ça. Même si n’importe quel esperantophone suisse qui nous lirait reconnaitrait tout de suite : "Ben, c’est évident. Je vois qui c’est". (Y’a pas plusieurs centaines d’enfants "denaskaj" qui ont l’esperanto comme langue acquise dès la naissance, n’est-ce pas ?). Et en plus, en Suisse, ma famille a déjà eu droit à une pleine page du journal Le Temps, sous la rubrique Société, et à des émissions radiophoniques ici ou là... Mais, c’est en Suisse évidemment. Etonnant, hein, ce cloisonnement pour deux pays francophones si proches ?

Quand à la question que me pose Krokodilo, elle n’est pas traduite, elle.

Bon, alors je veux bien me fendre d’une clarification, si besoin est. Par politesse, puisque mon commentaire est au bas d’un article publié par lui.

D’abord, j’ai souri en vous lisant, Krokodilo, me poser votre question EN esperanto. J’ai imaginé que vous vouliez vérifier si je le comprenais ? Ce serait un peu fort, car après avoir témoigné que je le parle depuis 20 ans et que mes enfants l’ont acquis comme langue de naissance, me tester pour voir si je peux lire votre question, c’est... comment dirais-je... irrévérencieux ? Mais vous avez peut-être raison, il y a tellement de mythomanes qui courrent les rues et le web, n’est-ce pas ?

Mais passons. Oui, j’ai compris votre message, et votre question (non retraduite) en français était : "Pourquoi citez-vous Henri Masson, qui ne participe pas à ce débat, et sans relation avec le thème.".

En effet, c’est d’abord ce point qui appelle une réponse, si la chose vous intéresse.
Effectivement, ce post scriptum n’est pas en rapport avec l’article. (Raison pour laquelle je l’ai mis en post scriptum, justement). Mais j’aurais dû en effet préciser à quelle phrase je réagissais.

En fait, avant de publier mon commentaire, j’ai d’abord LU l’article et tous les autres commentaires. Notamment celui de l’intervenant Jovitourtiste, qui, deux jours avant, écrivait :
"(...) J’ai lu - ou plutôt survolé, aucun être humain ne dispose d’une vie suffisament longue pour lire en entier un pavé de Masson - un article de votre gourou, c’est tout à fait éloquent. Ce qui prouve à quel point votre cause est futile, puisque vous vous mangez dans la main. Comment peut-on vous prendre au sérieux ? (...) "

Comment peut-on vous prendre au sérieux ? Qui "vous". Les gens qui ont appris, ou qui utilisent, ou qui font la promotion de l’esperanto ? Tous, là, comme ça, en vrac ? Ouh là, là...
Quiconque parle une langue ne défend pas forcément une cause ! (Oups, je demande pardon à mes amis basques, catalans, québécois, miao, etc.)

Je disais au début de mon long témoignage que je n’intervenais pratiquement jamais sur les forums. Or, ici, c’est ce passage spécifique qui m’a donné envie d’intervenir. Parce que, bien que mon témoignage exposait pourquoi je ne ressens pas le besoin d’opposer l’esperanto et l’anglais, il se trouve qu’apres 20 ans d’esperantophonie, il y a quelque chose qui m’énerve ENCORE PLUS que ce débat-là, c’est l’amalgame fréquent (né de la peur et de la méconnaissance, je le comprends bien) qu’on nous rabâche entre la langue internationale esperanto et les sectes : "Ah, vous êtes esperantISTE ?" Et dans la bouche de ceux qui s’étonnent, ce mot sonne beaucoup plus comme "adventiste" ou "intégriste" que comme, disons, philatéliste, dentiste ou radio-sansfiliste.
Vous voyez ce que je veux dire ?
Alors, quand j’ai lu "(...) un pavé de Masson - un article de votre gourou (...)", j’ai décidé d’apporter mon témoignage.
Et c’est pour cela, spécifiquement, que j’ai ajouté mon P.S. ou je mentionnais qu’on pouvait parler esperanto sans trop vraiment savoir qui est Henri Masson spécifiquement (mais c’est vrai, j’aurais dû être plus clair).

Maintenant, juste en passant, c’est tout à fait possible, même à l’époque d’internet, d’être passé à côté de ce personnage par ailleurs sûrement incontournable. D’abord parce que je suis en Suisse, et pas en France (peut-être). Ensuite, parce que j’utilise régulièrement l’espéranto mais après la période initiale où j’ai travaillé dans un centre d’espéranto pendant quelques temps, j’ai suivi mon propre chemin, et j’ai lu plus de livres pour enfants en esperanto (à mes enfants) que de livres sérieux qui parlaient de l’esperanto comme tel, peut-être. Ce qui ne veut pas dire que je n’ai pas lu il y a longtemps des bouts de son livre "L’homme qui défia Babel". (Je viens de vérifer, j’avoue que j’avais oublié qu’il en était co-auteur).

En fait, je ne reçois pas et ne lis que très occasionnellement (dans les rencontres, où on les trouve souvent sur les tables) les revues "Esperanto", ou les publications de Esperanto-France, de Sat-Amikaro, etc. Pourquoi ? Je ne sais pas. Par inclination personnelle sans doute. Je lis plus volontiers du Albert Jacquart, du Umberto Eco ou du Jared Diamond, pour en nommer trois en vrac parmi plusieurs, que je ne lis la presse esperantophone en général.

Et, par rapport à l’esperanto, je ne suis pas prosélyte. Pendant que d’autres donnent des conférences SUR l’esperanto (dont je reconnais l’utilité), moi, je l’utilise dans ma vie de tous les jours, et j’accueille chez moi sans frais des gens qui voyagent dans le cadre du ’pasporta-servo’ (une dizaine de fois ces deux dernières années).
[Krokodilo (ou n’importe quel autre lecteur qui a accès au pasporta-servo) venez manger une fondue, si vous passez en Suisse... smiley ]
L’été (comme je le disais avant, je participe régulièrement à R.E.F. Ainsi j’utilise l’espéranto pour communiquer avec des gens de nombreux pays différents, mais je ne suis pas personnellement membre de UEA et je n’ai JAMAIS participé à U.K..
Eh oui, ça existe aussi, des esperantophones qui sont plus —phones que —istes. Ma foi. C’est comme ça smiley
Et si ce second long témoignage devait apporter quelque chose, c’est -il me semble- de faire réfléchir à la diversité.

Comme dans la nature, où la vie foisonne sous des milliers de formes différentes, dans la société humaine aussi, les gens sont divers. C’est ça qui est bien. C’est pour ça qu’il faut reconnaitre et préserver les cultures, les langues, etc. C’est pour ça que le meilleur des mondes d’Orwell n’est pas enviable du tout... Et c’est aussi pour ça que l’internet (incluant AgoraVox, Wikipedia, ou même wwww.esperanto.net) est une invention géniale.

C’est pour ça que j’ai appris l’esperanto. Mais pas pour militer.

Je m’attriste de tout ce qui veut niveller par la base, et je me réjouis de tout ce qui élève, que ce soit en littérature, en science, en oecuménisme,
en arts, etc.

Vouloir que les autres soient comme soi en espérant inconsciemment que ça va abolir la peur qu’ils me causent, c’est insidieux. Et c’est pourquoi j’ai appris l’esperanto. Pour parler à ceux qui sont différents de moi (de ma société, de ma culture). Et j’ai été servi, par exemple après avoir compati avec un convive de 75 ou 80 ans qui, autour d’une raclette il y a longtemps, me racontait sa participation à la deuxième guerre mondiale. Il nous parlait en esperanto (évidemment). Il racontait le froid, la faim et les privations, dans ces régiments ou il avait été enrolé (à 17 ans). Je le trouvais très courageux d’avoir traversé tout ça, et le remerciait intérieurement.

Je me disais que c’était grâce à des types comme lui que le nazisme avait été repoussé... jusqu’à ce que je réalise qu’étant polonais, c’est en fait dans l’armée d’Hitler qu’il avait servi de force...
Uhhhhhh ! ça a été un choc immense. Pour moi comme pour lui.

Quand il s’est aperçu que je n’avais pas compris ça, vous auriez dû voir sa tête ; il m’a sûrement pris pour un martien, mais il a été très très gentil avec moi ! Je vais vous sembler naïf (avec le recul, je trouve aussi), mais c’était en décembre 1988, j’étais jeune, j’arrivais du Québec, et je n’étais pas très au clair à l’époque avec la diversité et l’histoire des pays d’Europe. Je n’avais pas immédiatement tiré les conclusions qui s’imposaient du fait qu’il était Polonais (ce que je savais pourtant). Son témoignage en esperanto avait parlé à mon coeur, et je n’avais tout simplement pas réalisé, pendant une bonne heure... qu’il était dans l’autre camp ! J’ai alors compris que l’ennemi, c’est la haine et la guerre, et pas les "humains" qui sont en face.

L’esperanto m’a donné de nombreuses occasions d’élargir ainsi mes horizons. En discutant avec des bulgares, des japonais, des hongrois (j’adore la Hongrie), et d’autres. Pour moi, l’esperanto est un pont vers les autres, pas un milieu fermé où me réfugier. Je suis plus "mondano" que "movadano". (Euh, Krokodilo, ça va là ? J’utilise assez de mots en esperanto de manière juste pour lever vos doutes ? Sinon... kion mi devus ankorau fari por forpeli la dubon el via menso ?).

En conclusion, j’ai bien conscience que tout ceci ne répond qu’à votre commentaire et ne concerne nullement l’article principal comme tel. Que les lecteurs d’AgoraVox qui auront lu l’article et tous les commentaires qui s’ensuivent veulent bien me pardonner, en se disant au moins in petto que mes explications montrent que les esperantophones du monde sont tout aussi différents entre eux que les autres membres de la société. Si ce seul point pouvait faire la nique à un éventuel à-priori de "sectarisme", ça n’aura pas été inutile.

L’Helveto



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