Merci Antoine pour ta réponse.
Enfin vous êtes d’avis que la publication des caricatures est une erreur et une provocation, une insulte je n’en suis pas sûr, par contre, je crois que c’est une erreur issue de la méconnaissance et de l’imprudence.
Ayant été journaliste pendant quelques années, il m’est arrivé de m’auto-censurer soit pour des raisons de respect du pluralisme ou parce l’information peu sûre pouvait engendrer un tort aux personnes.
Méconnaissance, imprudence, mépris et manipulation, il y a à boire et à manger dans les réactions européennes. Ce qui majoritairement me pose, c’est le jusqu’au-boutisme des journaux, reprenant sans relâche les caricatures, alors que le Moyen Orient s’enflamme. J’ai peine à croie qu’en cette affaire, il n’y ait rien d’autre que de la provocation.
Le journaliste a un double devoir moral : une bonne foi doit guider la rédaction de ses articles, puisqu’il est facile de travestir la pensée des individus interviewés, des modifier selons les besoins de la rédactions - pour des raisons diverses - les conclusions, etc. C’est une partie primordiale, à mon sens, du travail du journaliste. Le deuxième devoir concerne une responsabilité vis-à-vis du public : il doit se demander si une publication ne va pas détruire une famille, créer des troubles à l’ordre public, et en l’occurence augmenter gratuitement des troubles entre nations et peuples. Ce dernier devoir, sorte de devoir de réserve, est à graduer selon l’importance de l’information pour le public.
Car l’information doit servir un but - tu mets dans le mille en parlant de pragmatisme occidental. Encore une fois, liberté d’expression ne signifie pas liberté de dire n’importe quoi. Elle n’est pas absolue, elle doit servir un but légitime : la reprise des caricatures par la pluparts des journaux - majoritairement - secondaires tombe-t-elle dans cette définition ? La BBC, à renfort de précaution, a présenté à des fins d’informations les-dites caricatures. En petit, en bas d’écran. Pourquoi ? Il fallait, à des fins informatives, montrer au téléspectateur de quoi on parlait. Mais la BBC, certainement le média le plus indépendant au monde, restait conscient de sa responsabilité en tant que faiseur d’opinion, et émit de nombreuses mises-en-garde.
Les journalistes « chiens-de-garde » de la liberté d’expression, qui se trompent - IMHO - de combat, crient à une auto-censure inacceptable ; je pense que l’auto-censure est preuve de maturité. Ce n’est que lorsque les règles sont si bien établies, que l’on peut commencer à s’auto-restreindre. Plus on les sait solides et fermement installées, plus il est facile de se limiter : on n’a « plus rien à prouver », en quelque sorte. Plus on a de nourriture dans la cuisine, moins la peur de manquer est vivace.
Dans nos démocraties européennes, à l’aune de l’ardeur exprimée, il pourrait sembler que la liberté d’expression ne s’est pas encore solidement installée.