Ca fait un moment que je ne suis pas intervenu, mais je trouve ce texte assez terrifiant... J aimerais donc y répondre paragraphe par paragraphe :
- paragraphe 1 : sur l’inapplicabilité de l’HADOPI, pensez vous vraiment que le but de l HADOPI soit d’être applicable ? 2 mises en demeure de cesser par mail, puis une par voie de recommandé, puis enfin suspension du compte pour une durée d’au maximum 3 mois... Comparez cela aux peines de la contrefaçon, vous verrez que cela n’a rien à voir. L’idée n’est évidemment pas d’être "applicable", l’idée avouée est d’envoyer 10.000 mails par jour de manière à faire cesser l’idée que l’internaute est anonyme et peut faire ce qu’il veut. Et si je ne suis pas favorable dans le principe à une telle mesure, je suis néanmoins content de voir que l’Etat prend enfin au sérieux le fait que le net devienne une fosse à purin nauséabonde sur le point de déborder. C’est un rappel à l’ordre et une suite à mon crédo : une liberté ne se donne pas, elle se mérite.
- paragraphe 2 : par distributeur, vous voulez dire éditeur ? Je comprends qu’on n’admette pas le prêt à penser, mais devant l’avalanche de médiocrités déblatérées par ceux qui se sentent des vélléités artistiques, je suis heureux que certains se collent à la tache ingrate de déméler le génial du médiocre, comme autant de chercheurs d’or pataugeant dans les eaux boueuses. Inutilité sociale vous dîtes ? Industrie obsolète ? Comme vous y allez ! J’ai vu bien peu de e books dans le métro ces derniers temps...
- Sur les paragraphes suivants. Balayer l’auteur individuel au profit de la collectivité de création non rémunérée ? Mais qu’est ce que c’est que cette connerie ? Le "regroupement des savoirs" mène directement à la dictature idéologique, supprimer le droit d’auteur veut dire couper les bourses aux auteurs individuels et par là même restreindre les opinions divergentes, aussi minimes soient elles. Il y a des hommes qui ne sont pas que des techniciens qui donnent leur opinion, mais des gens qui vivent de ce travail acharné et permanent de recherche et qui vivent de cela. La suppression du droit d’auteur est aussi la suppression de la réflexion, du travail, de la philosophie, de la pensée individuelle au profit d’un faux universalisme qui serait la simple cristalisation du "bon sens populaire" tant la même idée repasserait sempiternellement entre les mêmes mains... Et au final ceux qui auront le dernier mot seront ceux qui contrôleront les reseaux et les moyens financiers à même de mettre cette espèce de "pensée unique" en bonne place aux yeux des autres. La suppression du droit d’auteur, comme je l’ai indiqué est donc non seulement la fin de la pensée individuelle (au sens premier - mais pas que- du terme) mais également un risque pour la démocratie en ce qu’elle ne permet qu’à ceux qui ont DEJA les moyens de permettre une diffusion efficace de leur oeuvre de se faire connaître. Cette idée fait d’ailleurs suite à la suppression des intermédiaires (distributeurs) telle que vous l’exprimez et participe donc à la raréfaction de voies dissidentes (de qualité et de diffusion et visibilité suffisante) au profit de la promotion des pensées des plus riches... donc du pouvoir.
Conclusion du développement : La fin du droit d’auteur c’est aussi la fin d’une des manifestations de la démocratie.
Quand bien même ! Les collectivités d’auteur pour des ouvrages de qualité existent et je doute très fortement qu’ils souhaitent voir leur oeuvre pillée. L’idée que vous développez est la fondation d’un savoir unique fondée sur la collectivité des savoirs est batie sur l’axiome selon lequel il y aurait une vérité unique, trouvable si l’on associait tous les savoirs. Cette approche est bien évidemment fausse, particulièrement en matière de science humaine. Egalement, le droit d’auteur n’a jamais empêché le moindre débat de fond en matière de recherche et ne fait donc pas obstacle à l’échaffaudage des connaissances. Vous apprendrez notamment que les matières de l’apprentissage, de l’expérimentation, de l’éducation et de la recherche sont des exceptions au monopole du droit d’auteur et du droit des brevets !
De plus vous confondez manifestement beaucoup de chose : la culture comme oeuvre commune et la culture comme patrimoine commun. Si je suis un fervent défenseur de la diffusion de la culture au plus grand nombre, je demeure très fortement attaché au caractère individuel du processus de création (que vous vous plaisez à décrier sans en apporter une quelconque preuve sinon un baragouinage pseudo savant qui m’a beaucoup fait rire) notamment parcequ’un auteur est un référent auquel vous adhérez, que vous aimez ou que vous contestez. Je suis actuellement doctorant en propriété intellectuelle (ne voyez pas de vision dogmatique , mon sujet porte - justement- sur l’émergence d’un droit d’accès du public aux objets protégés par un droit sur la création et je serais très emmerdé si d’un coup les ouvrages de mes auteurs de référence se retrouvaient privés de leur paternité (droit moral que vous dénigrez et qui a pourtant une grande importance pour les gens qui font vraiment de la recherche - pour leur recherche d’une part, pour leur publication d’autre part).
La création dans un cadre social ? Pourquoi pas des camps de rééducation politique ? Ces approximations sont bonnes pour le vulgus, mais ne seront JAMAIS suffisantes pour la recherche et donc pour l’extention des connaissances. J’espère que vous ne vouliez pas sauver la recherche, on se débrouille très bien sans vous !
Douter des droits d’auteur, les repenser, ou, bien sur ! Plus que jamais ! Mais pas comme ca ! Pas avec cette espèce de pensée neo mao branchouille qui ne berne personne ! Des services liquides, à l’ère du tertiaire il n’y a que ca Celine en ce moment, ne venez pas nous faire croire que les droits de PI seraient d’un coup différents dans leur nature d’un conseil juridique, d’un audit, etc... tout cela est bien évidemment liquide, la seule chose qui diffère c’est que le travail a eu lien en amont avec la prise de risque qui en découle. La mort des droits de PI, c’est la déprofessionnalisation des métiers littéraires et in fine, non la mort, mais pire, la médiocratisation et la baisse sensible de la qualité des oeuvres littéraires disponibles.
Encore une fois, je ne suis pas favorable à la loi HADOPI. Je crois pourtant qu’elle va très probablement amener la modification des comportements d’une majorité en supprimant le sentiment d’impunité. C’est moche, mais c’est efficace. Et vous verrez Celine, qu’au bout du compte, il est bien possible que vous finissiez par atterrir dans le ventre de l’ours dont vous vous empressiez de vendre la peau.