Pour plus de précisions
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« Effacement de l’État économique, abaissement de l’État social, renforcement et glorification de l’État pénal ».
Cette formule a pour but d’indiquer qu’on ne peut pas comprendre les politiques policières et pénitentiaires dans nos sociétés sans les replacer dans le cadre d’une transformation plus large de l’État, transformation elle-même liée aux mutations de l’emploi et au basculement du rapport de forces entre classes et groupes qui luttent pour son contrôle. Et, dans cette lutte, c’est le grand patronat et les fractions « modernisatrices » de la bourgeoisie et de la noblesse d’État qui, alliées sous la bannière du néolibéralisme, ont pris le dessus et engagé une vaste campagne de sape de la puissance publique. Dérégulation sociale, montée du salariat précaire (sur fond de chômage de masse en Europe et de « misère laborieuse » en Amérique), et regain de l’État punitif vont de pair : la « main invisible » du marché du travail précarisé trouve son complément institutionnel dans le « poing de fer » de l’État qui se redéploie de sorte à juguler les désordres générés par la diffusion de l’insécurité sociale. À la régulation des classes populaires par ce que Pierre Bourdieu appelle « la main gauche » de l’État, symbolisée par l’éducation, la santé, l’assistance et logement social, se substitue (aux États-Unis) ou se surajoute (en Europe) la régulation par sa « main droite », police, justice, et prison, de plus en plus active et intrusive dans les zones inférieures de l’espace social. La réaffirmation obsessionnelle du « droit à la sécurité », l’intérêt et les moyens accrus accordés aux fonctions de maintien de l’ordre viennent à point nommé pour combler le déficit de légitimité dont souffrent les responsables politiques, du fait même qu’ils ont abjuré les missions de l’État en matière économique et sociale.