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Commentaire de Patrick FERNER

sur Benoit XVI est-il chrétien ?


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Patrick FERNER 20 mars 2009 15:20

C’est où, Yaoundé ?

 

 

Cela a commencé il y a bien longtemps : « Le pape est une vieille idole que l’on encense par habitude » (Montesquieu dans les Lettres persanes). Charmant. Un siècle plus tard, un barbu dont les théories n’allaient pas tarder à montrer leurs intéressantes conséquences pratiques (100 millions de morts, record à battre) assénait : « La religion est l’opium du peuple ». Tout ceci constituait la première phase : théorisation par les intellectuels.

 

Une fois la théorie bien assimilée, la deuxième phase pouvait commencer. La religion est nocive, désuète, ridicule. Elle nous enserre dans le carcan aliénant de sa morale. Rejetons donc cette dernière qui nous infantilise : devenons adultes et croquons à pleines dents les fruits goûteux de la vie. Jouissons sans entraves : mai 68. Tout ce qui fondait la vie sociale et familiale est remis en question, disséqué, débattu, contredit, dialectisé et mis aux voix. Nous sommes aujourd’hui au cœur de cette deuxième phase : la famille traditionnelle est ringardisée, il faut progresser, inventer de nouvelles façons d’être parents, enfants, hommes, femmes… La fin ultime de nos actions est notre propre satisfaction : où je veux, quand je veux, avec qui je veux. Triomphe du moi, voire du « moi, je ».

 

Mais cette deuxième phase a produit des fruits bien amers : familles recomposées, décomposées, dépressions, morosité ambiante, mal-être général, taux de suicide record chez les jeunes, règne des somnifères et des antidépresseurs. L’homme moderne, libéré de ses vieux carcans, n’est pas plus heureux pour autant, au contraire.

 

Ceci aurait pu amener à une prise de conscience, à une réflexion sincère et authentique sur le sens de la vie, la dignité de l’homme et ses fins dernières. Mais non, le malheur des temps est encore dû à la religion. On n’est jamais aussi peu allé à la messe, les églises et les séminaires sont vides, mais c’est encore la faute au pape. L’homme moderne est un enfant capricieux qui a cassé son jouet : c’était prévisible car il était fêlé dès le départ mais, pour quelque obscure raison de remords freudien, c’est tout de même la faute au père. A cet égard, ce qui se passe en ce moment est symptomatique. En route pour Yaoundé, le pape a fait une déclaration sur le préservatif. Une demi-phrase qui déclenche une vague de protestations indignées. Etudions cela de plus près.

 

C’est où, Yaoundé ? La plupart des journalistes qui rivalisent d’indignation seraient en temps normal bien en peine de situer le Cameroun sur une carte. Combien de minutes consacre-t-on en moyenne à l’Afrique dans les journaux télévisés, déjà ? Zéro. L’Afrique n’existe pratiquement pas chez ceux qui font l’opinion : le Monde, Libération, France Inter… qu’importe, ils sont tous interchangeables. La journaliste de TF1, bonne bourgeoise qui rapporte les propos du pape d’un air pincé, n’en parle jamais. Elle préfère consacrer son journal aux faits divers et aux chiens écrasés. Pour qu’elle nous parle de l’Afrique, il faut au moins une guerre, si possible un génocide. Résultat : un mort français vaut au bas mot 100 000 morts africains. Ce n’est pas du racisme, ça ?

 

C’est quoi, une excommunication ? Là aussi, l’ignorance de la presse est flagrante. On reproche au pape d’avoir pris une mesure dont on ignore tout : les tenants, les aboutissants, et la nature même. Un journaliste sportif qui témoignerait de la même cuistrerie dans son domaine serait viré illico. Mais que l’on parle de religion avec autant de bêtise prétentieuse et tout le monde applaudit. C’est même peut-être le meilleur moyen d’avoir une promotion. Tout est bon pour critiquer l’Eglise catholique, et l’on n’en parle que pour l’attaquer.

 

Mais au fait, qui l’attaque ? « Tollé planétaire », titre l’AFP, repris bêtement par tous les médias. Là aussi, regardons de près en épluchant les dépêches. Les réactions scandalisées viennent de France, de Belgique et des Pays-Bas, plus quelques associations américaines. La planète des journalistes français est bien réduite… Inversement, aucun dirigeant africain n’a réagi à ce jour. Et le journaliste des Dépêches de Brazzaville note mi figue mi raisin que « en Occident la presse a continué à tirer à boulets rouges sur le souverain pontife » et que ce voyage commence dans la polémique… « surtout hors d’Afrique ». Euphémisme. Là encore, on est dans le racisme à l’envers : nous savons mieux que les Africains ce qui est bon pour eux. Sauf que, cinquante ans après leur indépendance, les Africains commencent à en avoir assez de cette condescendance des bien-pensants. Et ils savent qui, du pape et des journalistes, a une meilleure connaissance de l’Afrique.


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