• AgoraVox sur Twitter
  • RSS
  • Agoravox TV
  • Agoravox Mobile


Commentaire de winkiesman

sur Ouverture d'un musée de l'espéranto en Tchéquie, dans la ville de Svitavy


Voir l'intégralité des commentaires de cet article

Τυφῶν בעל Perkele winkiesman 21 mars 2009 19:55

Krokodilo, je vais faire une contribution qui va vous réjouir. J’ai un texte.

Comme je sais que vous n’aimez pas les liens, ni les traductions, je vous l’ai traduit. C’est un sommet de constructivité, bien écrit, qui propose des actions concrètes. C’est très long, cela dit.

Vous allez aimer :

Pourquoi l’espéranto supprime la diversité linguistique. Pensées quant à mon départ du mouvement espérantiste.

Par Christopher Culver

Depuis près de dix ans, de 1995 à début 2005, j’ai été un locuteur de l’espéranto, le « langage international » créé en 1887 par l’oculiste de Varsovie Lejzer Ludwig Zamenhof et utilisé activement aujourd’hui par peut-être quelque dizaines de milliers de personnes. La profondeur de mon investissement dans la langue et le mouvement était telle que pendant quelques années, j’ai voyagé exclusivement grâce à ce langage, me suis constitué un cercle international d’amis espérantistes et j’ai même travaillé un an comme volontaire au bureau central de l’UEA. En Janvier 2005, cependant, j’ai décidé d’abandonner complètement l’espéranto. J’était de plus en plus irrité par la suppression de la diversité linguistique qu’il entrainait, une caractéristique ironique pour un mouvement qui prétend lutter pour la préservation des langues dans le monde.

Comment l’espéranto se présente.

Les origines de l’espéranto se trouvent dans la vision du langage de Zamenhof. Jeune homme dans la Varsovie de la Russie impériale, Zamenhof était interpelé par la division de la ville en quatre communautés (Yiddish, Allemands, Russes, Polonais) sur la base de leur langue maternelle.

L’espéranto, esperait-il, apporterait un terrain neutre pour la communication entre communautés liguistiques, effaçant les divisions nationales.

La plus grande organisation esperantiste internationale et la force majeure de lobbying du mouvement est l’UEA dont les quartiers généraux se situent à Rotterdam, Pays Bas. Durant les dernières décennies, l’UEA s’est présentée à diverses organisations internationales comme un défenseur des droits des langues et de la diversité linguistique. Elle est en relation officielle avec l’ONU et l’UNESCO. Des représentants de l’UEA sont souvent présents aux réunions de ces organisations, comme en mars 2005 où le président de l’UEA, Renato Corsetti et l’activiste Andy Künzli sont allés à la réunion annuelle de la commission des droits de l’homme de l’ONU.

Le manifeste de Prague, émis au congrès mondial d’espéranto à Prague en 1996, déclare avec force que les espérantistes soutiennent la diversité linguistique. Le quatrième point du manifeste est relatif au « multilinguisme ». Le cinquième pour « les droits des langues » et le sixième pour la « diversité linguistique ». Dans les dix années qui ont suivies, le manifeste a souvent été présenté au public comme un ensemble de principes partagés par tout les espérantistes.

Defence of national language is important, for language is culture, and inseparable from it. Language is the ultimate expression of human diversity. The effort to protect dying languages and to bring issues of language rights to the public’s attention is to be praised. One would think, then, that the Esperanto movement and UEA its voice provides a valuable service.

La défense de la langue nationale est importante, parce que le langage, c’est la culture, et ils sont inséparables. Le langage est l’expression ultime de la diversité humaine. Les efforts pour protéger des langages à l’agonie et pour médiatiser le problème des droits des langues sont une bonne chose.

On pourrait croire, dès lors, que le mouvement espérantiste et sa voix, l’UEA, rendent un service appréciable.

La réalité de l’espéranto.

Cependant, le problème de la protection des langues exprimé avec tellement de force dans le lobbying est en fait trahi au sein du mouvement. De fait, depuis le tout début, le mouvement esperantiste a été réticent à protéger la diversité. Il est important de noter que Zamenhof lui-même ne semblait pas accepter la diversité linguistique, cherchant plutot à imposer un langage unique de communication internationale pour, croyait-il, la paix dans le monde. En cette jeunesse de l’espéranto, les langues nationales ne sont pas vues comme une marque de diversité, devant être protégée, mais plutot comme des obstacles à surmonter. Cela a peu changé.

Retournons au manifeste de Prague, considérons le quatrième point relatif au multilinguisme :

« chaque membre de la communauté à fait l’effort d’apprendre une langue étrangère jusqu’à pouvoir communiquer en cette langue... Nous insistons pour que tout les locuteurs de toute les langues, grandes et petites, aient une chance réelle d’apprendre une seconde langue jusqu’à un niveau de communication de qualité. »

La « langue étrangère » dont parle le manifeste est, évidemment, l’espéranto. Au lieu d’insister sur le besoin d’apprendre des langues nationales, qui représentent des cultures locales intéressantes et souvent en danger, le mouvement espérantiste considère son propre produit artificiel comme un choix valide pour être la seconde langue parlée couramment. Plus encore, le point semble accepter ce minimum d’une langue en plus de la maternelle et ne soutient pas une éducation linguistique continuelle au cours de la vie pour comprendre la diversité linguistique.

Dans le sixième point, nous voyons une déclaration courageuse en faveur de la diveristé linguistique.

« dans la communauté esperantiste … la diversité linguistique est vécue comme une source d’enrichissement constante et indispensable. Subséquemment, chaque langue, comme toute espèce biologique, possède une valeur intrinsèque, digne de protection et de soutient. »

Mais ce but contredit le point cinq, pour les droits des langues :

« dans la communauté espérantiste, les locuteurs de langues grandes et petites, officielles et officieuses se rencontrent à égalité, à travers une volonté mutuelle de compromis. »

Les esperantistes sont tellement inquiets de l’égalité dans la communicationque l’espéranto est rendu obligatoire et il n’y a aucun espace de partage des langues nationales. La diversité linguistique ne peut être réalisée si l’utilisation d’un langage est limitée à sa petite communauté native sans échanges interculturels. Dans son zèle pour mettre deux locuteurs sur un pied d’égalité (innaccesible dans tout les cas), le mouvement esperantiste détruit la diversité et le multilinguisme, qu’il prétend soutenir. Dans mon experience, l’idée de deux personnes réussissant une merveilleuse « égalité » grâce à l’espéranto est plus appréciée et louée chez les esperantistes que la floraison des langues nationales.

Pour une organisation qui clame défendre les droits des langues, l’UEA est étrangement silencieuse à propos de vrais exemples d’oppression linguistique. Par exemple, alors que j’écrit ces lignes, des promoteurs du mari, dans la république de Mari El en Russie, sont confrontés à des difficultés énormes, notamment des passages à tabacs, et des pertes d’emploi. Pourtant, l’UEA ne sort aucue condamnation contre cela ou des comportements similaires de violation du droit d’utiliser sa langue maternelle. La seule « injustice » qui semble intéresser l’UEA, si on en croit les déclarations de son président, c’est l’apprentissage de l’anglais comme seconde langue.

Pour comprendre réellement les conséquences de l’utilisation et la diffusion de l’espéranto sur la diversité linguistique, cependant, il faudrait examiner sa communauté de locuteur. Au lieu de protéger les langues natives dans leur milieur, l’espéranto les supplante généralement. Lorsque deux espérantistes se rencontrent, ils sont censés se parler espéranto, quelque soient leurs langues respectives. La loyauté envers l’espéranto est censée être plus importante que la curiosité d’autres cultures. Il est évident qu’une telle idée, appliquée sur une large échelle, ne peut être conciliée avec le but officiel de protection de la diversité linguistique.

De fait, l’usage de l’espéranto est si fortement imposé qu’il est espéré entre n’importe quels espérantistes, même s’ils ont la même langue maternelle. Converser dans sa langue avec un autre espérantiste, un acte appelé krokodilado, est un grand tabou du mouvement espérantiste, et entraine généralement des réprobations des autre esperantistes.

On pourrait dire que l’on va au congrès pour pratiquer l’espéranto, et qu’il est donc indélicat de parler d’autres langues. La première réponse est que, à supposer qu’ils se comprennent, il n’est jamais indélicat pour deux personnes de parler la langue maternelle de l’un ou l’autre, parce que le contraire empêche tout vrai échange culturel. Une deuxième réponse est que les esperantistes ne peuvent limiter cette imposition de l’espéranto au congrès, car beaucoup d’entre les voient comme des environnement idéaux. J’ai souvent entendu des espérantistes dire « oh, j’aimerais que le monde entier ressemble à un congrès d’espéranto ! ». Les normes des congrès, y compris l’interdiction de l’usage d’une langue autre que l’espéranto, servirait de modèle pour toute communication internationale, même entre deux personnes partageant une même langue maternelle, dans un contexte international.

Finalement, les prétentions du mouvement espérantiste en matière d’égalité sont risibles, car le mouvement a un noyau dur de locuteurs très fluides et normatifs, dont le discours est difficile pour les espérantistes débutants, ou « provinciaux ». J’ai parfois vu une telle inégalité de fluidité ou de dialecte entre deux espérantistes qu’il pouvaient parler ensemble bien plus facilement dans une langue nationale. Non seulement la diversité est supprimée pour préserver l’égalité, mais ce but lui-même est finalement négligé.

 


Voir ce commentaire dans son contexte





Palmarès