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Commentaire de epicure de samos

sur Une bougie pour Yvan Colonna


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epicure de samos 9 avril 2009 01:32

Entendons nous bien.
Je n’ai pas de sympathie particulière pour les préfets (surtout par les temps qui courent) pas plus que je n’en ai pour les flics ou les magistrats.
Et je ne suis pas de ceux qui disent, la bouche en cœur, qu’ils font confiance à la justice de leur pays.
Mais je n’ai pas non plus beaucoup d’attirance pour les nationalistes corses en particulier et pour les nationalismes en général.

Contrairement à vous, Roseau, et à beaucoup des commentateurs qui vous tressent des couronnes de laurier, je ne joue pas non plus l’intime conviction des supporters de Colonna contre l’intime conviction des jurés professionnels qui ont lourdement condamné Colonna.

J’essaie de faire preuve de logique et d’indépendance d’esprit. Point barre.

Le soir de l’assassinat, Maranelli chassait la bécasse, Ferrandi regardait France 3 et Colonna livrait du brocciu, alibis confirmés, au moins pour les deux premiers, par leurs épouses…
Jusque là, rien d’anormal. Il est rarissime que des personnes mises en cause dans une affaire criminelle passent aux aveux dès les premières heures de leur garde à vue.

Manque de bol pour Maranelli et Ferrandi, les bornes relais couvrant la zone située entre la préfecture d’Ajaccio et le théâtre Kallisté révèlent que huit coups de fil ont été échangés entre eux dans les 40 minutes qui précèdent l’assassinat du préfet Erignac.

La compagne de Maranelli craque la première.
Puis c’est Maranelli qui avoue son implication.
Et qui explique le rôle de ses complices.
Selon ses aveux :
1) Il est le guetteur chargé de donner le top départ de l’opération.
2) Ferrandi est le chef du commando.
3) Colonna est le tireur.
4) Alessandri est chargé de protéger Colonna. C’est le même Alessandri qui, affirmant que Colonna a abattu le préfet Erignac, donne des détails : « Yvan Colonna se trouvait derrière moi. Presque immédiatement après avoir croisé le préfet, j’ai entendu des coups de feu […]. J’ai retourné la tête, et j’ai vu le préfet à terre. »
5) Ottaviani est le chauffeur qui après avoir transporté Ferrandi, Colonna et Alessandri sur les lieux, les récupère après l’assassinat pour les conduire au domicile de Ferrandi.

L’épouse de Ferrandi avoue aux flics que son mari, Colonna et Alessandri ont effectivement passé la nuit chez elle.
Et Ferrandi, le chef du commando, confirme les dires d’Alessandri concernant la participation de Colonna.

On peut gloser tant qu’on veut sur les mensonges, les approximations ou les tripatouillages des flics.
Mais ces aveux initiaux sont si peu remis en question qu’au cours de l’instruction, Maranelli , Alessandri et Ferrandi les réitèrent devant les juges et en présence de leurs avocats.

Ils ne se rétractent qu’un an et demi plus tard.

Chargé de déterminer les causes de la mort du préfet par une autopsie et non par une expertise balistique, Paul Marcaggi, médecin légiste d’Ajaccio mais pas balisticien, émet l’hypothèse d’un tireur ayant une taille proche de celle du préfet : « …en tant qu’expert, je constate que le préfet Erignac mesurant 1m83, a été tué d’une première balle, entrée derrière l’oreille gauche, et tirée dans une trajectoire proche de l’horizontale. Peut-on en déduire la taille de l’assassin ? Je ne peux pas être formel. Le préfet pouvait, par exemple, avoir la tête légèrement penchée. De plus, je n’ai pas été invité à la reconstitution qui aurait permis de valider, ou d’infirmer, de nombreuses hypothèses et d’éviter cette controverse. »
Au dire de Marcaggi, cette hypothèse n’est donc ni validée ni infirmée…
Mais faisant grand cas des déclarations de Marcaggi, les supporters de Colonna y voient la preuve qu’il ne peut pas avoir été le tireur puisqu’il ne mesure qu’1m72…
Mais ils se gardent bien de noter que Joseph Colombani, haut fonctionnaire territorial qui attend devant le Kallisté, à une vingtaine de mètres du lieu où est abattu Erignac, a formellement déclaré que lors de l’agression, le préfet s’est : « courbé presque à angle droit ».

Ami de Colonna, Alessandri, retire le nom de Colonna de ses déclarations en janvier 2000 après l’avoir précisément mis en cause quelques mois plus tôt.
En juillet 2003, devant la cour d’assises spéciale, Alessandri exclut définitivement Colonna du commando et remet en cause son propre rôle de protecteur du tireur.
En octobre 2003, après avoir été condamné à la réclusion criminelle à perpétuité comme coauteur de l’assassinat du préfet, Alessandri change encore de thèse et s’accuse cette fois d’avoir lui-même exécuté Erignac.

Les supporters de Colonna font mine de voir dans les déclarations d’Alessandri une preuve supplémentaire de son innocence.
Mais alors qu’ils faisaient grand cas des déclarations du médecin légiste quand il parlait d’un tireur dont la taille aurait pu avoisiner celle du préfet, ils ignorent superbement qu’Alessandri est à peine plus grand que Colonna (1m72 pour Colonna et 1m75 pour Alessandri).

En mars 2009, durant le procès en appel, Alessandri peine à expliquer ses successifs et tardifs revirements.
Répondant à une question de Maître Simeoni, Alessandri explique que ce sont la peur d’assumer son geste et l’envie de gagner du temps qui l’auraient conduit à dénoncer, à tort, son ami.
Mettant cette dénonciation sur le compte d’une vengeance, il ajoute :
« J’ai des reproches à faire à Yvan. Quand j’ai décidé de franchir le pas de la violence clandestine, j’ai espéré qu’il ferait partie de notre groupe. J’en ai voulu à Yvan Colonna de ne pas y être allé avec nous pour être cohérent avec son discours, plutôt que d’avoir laissé des jeunes comme Didier Maranelli et Martin Ottaviani monter au charbon. ».
La phrase — qui, soit dit en passant, fait de Colonna le portrait d’un ultra — a semé le doute mais n’a été suivie d’aucune question des avocats de la défense.
Il faut cependant rappeler que ce n’est pas Alessandri mais Maranelli qui fut premier à mettre Colonna en cause et que, chronologiquement, les aveux d’Alessandri et de Ferrandi sont ultérieurs à ceux de Maranelli.
Maranelli — un des « jeunes » — avait-il lui aussi une dent contre Colonna ?
Et si oui, laquelle ?
Mystère…

En 2009, Vinolas, ex-secrétaire général adjoint d’Erignac, indique à la barre que deux autres hommes ont peut-être participé à l’assassinat du préfet.
Fidèles à leur défense de rupture, les avocats de Colonna sautent sur l’occasion, font monter la mayonnaise et exigent un supplément d’information…
Mais une fois les deux supposés complices identifiés, les avocats de Colonna ne réclament pas leur audition parce qu’ils savent parfaitement que ces deux militants nationalistes ont déjà été interrogés… et disculpés.

Toujours en 2009, témoignant à la barre, des membres du commando déjà condamnés, prétendent — pour la première fois depuis 1999 — que d’autres personnes ont participé au meurtre.
Ils parlent maintenant de deux (et non plus trois) complices présents sur la scène de crime.
Manière assez maladroite de mettre, une fois de plus, Colonna hors de cause…
Mais malgré ces « révélations » de dernière minute, la thèse selon laquelle Colonna aurait été dénoncé à tort par ses amis pour en protéger d’autres, non identifiés, ne tient toujours pas.
Même en admettant qu’Alessandri en voulait à Colonna, on comprend mal l’intérêt que Maranelli et Ferrandi auraient eu à dénoncer un innocent pour protéger les véritables coupables ?

A aucun moment, les membres condamnés du commando ne sont capables d’apporter une réponse crédible à cette question pourtant essentielle.
Et la défense peine ( ou ne cherche sciemment pas ) à s’appesantir sur ce point crucial.

En voiture avec sa mère le soir du 6 février 1998, dans un endroit mal éclairé de la rue Colonna-d’Ornano, Marie-Ange Contart, 32 ans, croit entendre des pétards puis voit un homme blond qui tire à terre et un homme brun qui se tient à ses côtés. La scène, extrêmement brève, se joue à 1m50 de sa voiture.
Dans ses premières déclarations, elle fait la description suivante du tireur : « blond, cheveux mi-longs, bien coiffé, d’1m70, au visage mince et creusé, lèvres fines, menton pointu, âgé de 35 à 40 ans, avec des traits marqués ».
Excepté les cheveux blonds mi-longs, la description correspond assez précisément au profil de Colonna. Mais il sera établi, d’après les aveux des membres du commando, que le tireur portait, ce soir-là, une perruque blonde.
Au cours du procès, en première instance puis en appel, Marie-Ange Contart change pourtant d’avis : « Je suis sûre et certaine. Ce n’est pas M. Colonna que j’ai vu ce soir-là. Ce n’est pas son regard, ce ne sont pas ses traits, ce n’est pas son visage. »
Etrange revirement…
Mais la Corse n’est pas à un faux témoignage et à une subornation de témoin près.

Contrairement à vous, cher Roseau, je n’ai pas allumé de bougie en l’honneur de Colonna.
Car j’ai moi aussi des doutes.
Des doutes qui portent beaucoup plus sur l’attitude, les revirements successifs et les propos sibyllins des membres du commando déjà condamnés que sur l’innocence de Colonna.

Mais après tout ces hommes déshonorés par la stupidité de leur crime ont-ils encore assez de dignité, de ressentiment et d’intelligence pour ne pas disculper totalement un coupable qui se dérobe à ses responsabilités ?


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