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Commentaire de epicure de samos

sur Une bougie pour Yvan Colonna


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epicure de samos 10 avril 2009 13:45

Cher Claude Papi,

Comme vous ne l’ignorez pas, le tueur du préfet porte une perruque blonde.
Et l’assassinat a lieu à une heure tardive et dans une rue mal éclairée.

Marie Ange Contart, dont on met souvent en avant la profession de croupier, sous entendant par là qu’elle est forcément physionomiste, n’a vu l’assassin, selon ses propres dires, que l’espace d’une « demie seconde ». Mais elle fait une description assez précise de l’assassin.
Sa mère, assise à ses côtés, sans doute moins physionomiste qu’elle, ne voit pas la même chose…
L’autre témoin dont vous parlez, Colombani, ami du préfet, ne reconnaît pas Colonna mais, pour nuancer son témoignage, il est à une vingtaine de mètres de la scène de crime, il fait nuit et je vous le rappelle, l’assassin est grimé.

Vous jugez scandaleux et considérez comme une preuve de manipulation que, suite à la déposition de Maranelli accusant Colonna, les policiers aient « fait des photocopies de ce 1er procès-verbal pour le présenter à Alessandri. »
Or, la pratique policière qui consiste à bidonner des aveux et à produire un faux PV d’audition pour faire craquer un gardé à vue n’est pas exceptionnelle, loin s’en faut. Une audition criminelle n’est pas une conversation entre gens de bonne compagnie.
C’est une partie de poker où chacun des joueurs triche.
On peut déplorer la méthode mais elle se pratique chaque jour dans les commissariats de France et de Navarre. Et, au regard du code de procédure, elle n’est pas illégale.

Il est vrai que je ne parle pas de ceux qui n’ont pas nommé Colonna.
Mais que dire d’Istria qui, dénoncé par tous les membres du groupe comme étant le chauffeur d’une des voitures utilisées pour « l’opération », a toujours nié sa participation ?
Et que dire de Versini qui a refusé de participer à l’assassinat parce qu’il lui était impossible de concourir à la mise à mort d’un homme ?
Cependant, concédez que ceux qui ont accusé Colonna l’ont fait clairement, à maintes reprises et qu’avant de se rétracter, ils ont longtemps maintenu et réitéré leurs accusations.

Vous avancez comme preuves qui « innocenteraient presque » Colonna (et je note l’utilisation du mot « presque ») des écoutes téléphoniques où il converse avec Alessandri, « bien après l’assassinat », écrivez-vous.
Or, pour expliquer qu’il a accusé Colonna à tort, Alessandri met en avant un ressentiment né, selon lui, quand son ami a refusé de s’associer à l’assassinat du préfet.
Permettez-moi de trouver étrange que deux amis désormais fâchés continuent à deviser tranquillement de tout et de rien.
Par ailleurs, je saisis mal comment vous pouvez écrire que Colonna affirme à son ami « ne pas comprendre ce qu’on lui reproche, que c’est un coup monté, etc » alors que le nom de Colonna n’apparaît dans la procédure qu’à partir du moment où Maranelli le dénonce.
Questionnée au sujet de ces écoutes, la juge Le Vert ne dit pas la même chose et explique qu’elles n’ont pas été versées au dossier car elles n’abordaient jamais l’affaire Erignac et n’avaient donc aucune valeur.

La question n’est pas non plus de savoir ce que je pense personnellement des nationalistes mais plutôt d’évaluer ce que les nationalistes ont fait d’une cause qui, au départ, n’était pas plus mauvaise ou illégitime qu’une autre.
Dois-je vous rappeler que fondé à ses débuts sur l’idée d’une propagande armée — c’est à dire d’une lutte strictement politique s’appuyant sur des actions militaires limitées et purement symboliques — le FLNC a basculé, dès les premières répressions et sous couvert d’une Lutte de Libération Nationale, dans une action violente imposée par les éléments les plus « droitiers », pour ne pas dire fascisants, du mouvement ?
Cette dérive fascisante et claniste a produit les dérives que vous savez.
Colonna était répertorié de longue date comme un activiste de ce FLNC fascisant et claniste… Faut-il rappeler qu’en 1994, les flics avaient déjà eu l’occasion d’entendre conjointement, sans retenir de charges contre eux, Colonna, Ferrandi et Alessandri, dans le cadre de l’enquête sur la tentative d’assassinat de Pierrot Poggioli, chef suprême du FLNC tombé en disgrâce et devenu entre-temps conseiller régional à l’Assemblée territoriale ?

Pour finir, je ne défends absolument pas la validité et l’impartialité de la cour d’assises spéciale qui a jugé Colonna.
Je suis même tout à fait disposer à admettre qu’une juridiction d’exception n’a pas de place dans une démocratie digne de ce nom (mais sommes nous encore en démocratie ?) et qu’elle n’est pas le meilleur garant pour rendre sereinement et équitablement la justice.

Mais Colonna se serait contenté d’élever paisiblement ses chèvres et de militer pour ses idées sans verser dans les dérives sanglantes et affairistes d’un mouvement qui s’est totalement discrédité, il n’aurait pas aujourd’hui à subir personnellement ce discrédit et les conséquences d’un énorme gâchis.


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