Bonjour
Chaque jour passant, les actes inquiétants et condamnables continuent de plus belle. Les auteurs sont-ils blacks, blancs et beurs ? Français ou étrangers ? Jeunes ou moins jeunes ? Mineurs ou provocateurs plus âgés ? En fait, peu importe car tout est possible ! L’Histoire nous apprend que des groupuscules, de toutes tendances, profitent de la situation pour amplifier les tensions. L’essentiel est d’attraper les fautifs et de faire appliquer les procédures judiciaires correspondantes. Nous sommes d’accord sur ce point.
Par contre, le rôle de la police de proximité n’apparaît pas comme essentiel pour certains commentateurs de mon article. Mon expérience d’enseignant spécialisé me fait pourtant affirmer l’importance de la présence d’une autorité reconnue auprès d’enfants ou de préadolescents (10-12 ans) en rébellion ou tentés par des actes violents. Cette présence finit par l’emporter si cette autorité sait dialoguer avec ces enfants. Il ne s’agit pas de copiner, comme quelqu’un l’a écrit, mais d’entretenir des rapports humains de respect, chacun étant à sa place. Un enfant ou un préado est un être en devenir avec les difficultés de son âge (crise de l’adolescence de plus en plus précoce) auxquelles se rajoutent les difficultés liés à son environnement : parents défaillants, concours de bêtises entre camarades, misères urbanistique et culturelle, etc. Des activités intéressantes bien encadrées et des dialogues équilibrés, mais fermes si nécessaire, leur font comprendre les limites qu’ils ne doivent pas dépasser et leur permettent de se construire avec l’idée rassurante qu’un avenir meilleur est possible. Une partie des jeunes diplômés de banlieues, qui s’en sortent, sont là pour en témoigner. Ils ont eu la chance à un moment ou un autre de rencontrer des adultes qui les ont tirés vers le haut.
Certains commentateurs nous disent qu’il faut arrêter d’excuser et sanctionner. Bien sûr qu’il faut sanctionner mais comment bien sanctionner ? Couper la main du lanceur de cocktails Molotov ? Enfermer les mineurs en prison, lieu possible de l’apprentissage de la délinquance et de la récidive ?
Il ne s’agit pas dans mon article d’excuser mais de comprendre pourquoi nous en sommes arrivés là. Quand votre voiture est en panne, vous cherchez l’origine de celle-ci. Vous cherchez à comprendre pourquoi, elle manque de puissance, elle toussote ou elle s’arrête ! Les banlieues agitées, c’est pareil.
Si les choses pouvaient être réglées facilement, cela aurait été fait depuis longtemps. Prenons un exemple. En France, la tuberculose tuait les gens avant la seconde guerre mondiale. Trouver le vaccin n’a pas été simple mais par la suite, la vaccination systématique des enfants a enrayé la maladie. Alors, certains diront : « Moi, je connais une solution facile pour les banlieues », vous pouvez lire des commentaires en ce sens. J’ai peur que cette solution soit similaire à celles employées par les dictateurs que l’Histoire nous a déjà produits. Est-ce que vous voyez ce que je veux dire du côté du Reich ou de pays plus à l’Est ou assez récemment au Cambodge ? C’est facile, il suffirait d’être les plus forts et d’éliminer les gêneurs. Nous serions alors comme des animaux sans conscience du passé, de la culture et de nos émotions. Et l’on pourrait se comporter comme des prédateurs jusqu’au jour où des prédateurs plus forts que nous, nous bouffent. Car il finit toujours par y avoir plus fort que soi. Ainsi, je suis jeune, bien portant et j’emmerde le monde durant un certain temps, puis je vieillis, je faiblis, et un jeune bien portant finit par prendre ma place et me faire subir ce que je lui ai imposé du temps de ma splendeur. C’est pour cela que l’humanité a inventé le Droit pour nous protéger mutuellement des abus que certains seraient tentés de commettre. Alors, réfléchissons bien avant de faire des commentaires tranchés. Les choses sont-elles si simples ?
D’autres déplorent mon côté psychologisant. La psychologie est à tous les coins de rue. Regardez comment une pub est conçue. Dans les entreprises, les directeurs des relations humaines s’en servent partiellement pour gérer leur petit monde. En cas de catastrophes accidentelles ou naturelles, ne fait-on pas appel à des cellules psychologiques ? Ouvrez les pages de magazines, vous lirez bon nombre d’articles qui s’en inspirent. Bref, arrêtons d’avoir peur de la psychologie ou d’ignorer la compréhension des choses qu’elle peut nous apporter ! Au contraire, sachons l’écouter pour éviter les manipulations qu’elle facilite ! Les jeunes de banlieues sont dans des conditions de vie dans laquelle nous avons mis leurs parents il y a quelques décennies : concentration de cages à lapins qui n’ont rien à voir avec les quartiers cossues ou équilibrés des villes aisées ou moyennes. C’est comme ça qu’on le veuille ou non ! Et cela conditionne la mentalité des habitants et des jeunes en particulier ! D’un coté, la pub qui les fait rêver aux possibilités de consommer les bonheurs les plus merveilleux et de l’autre, la grisaille et la misère de la cité où l’on reste entre soi pour se sentir un peu exister, avec le risque de faire des bêtises de toute sortes. Bref, il ne s’agit pas d’excuser mais de réfléchir aux solutions raisonnables, encore faut-il avoir les repères pour construire et articuler ces solutions !!!
Didier LESCAUDRON