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Commentaire de Christophe

sur La légitimité dévaluée des assemblées générales étudiantes


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Christophe Christophe 17 avril 2009 19:23

@Knilhcs,

En quelques mots, je pense que votre argumentation aurait pu être valable il y a 10-20 ans. Mais c’est un fait que les choses ont changé et que les institutions consacrées hier ne le sont plus tout à fait aujourd’hui.

Car ce qui a changé c’est que beaucoup d’étudiants ont la possibilité de se préparer à la vie professionnelle, adulte, en faisant des choix complexes et précis. Par exemple, en combinant des UV, en changeant de ville, en se préparant pour passer ailleurs un an après, en partant à l’étranger, en revenant, etc... et là je ne parle pas du cas plus radical des étudiants étrangers ou de ceux qui, parce que leur employé les libère ou parce qu’ils ont un projet de chômage, n’ont qu’un semestre ou un an d’étude choisie...

Ce n’ai pas si nouveau que cela, même si je reconnais que cela s’est plus généralisé.

Le fait de choisir librement son cursus change toute la perspective : d’une part parce que des facs qui se bloquent tous les ans, foutent l’édifice en l’air ; et d’autre part, parce que si la fac choisie tourne mal, on va ailleurs et on a perdu un an... Cette vision des choses est aujourd’hui préalable aux études. On choisit SA fac parce qu’elle répond à MON attente.

Sur ce point, nous sommes d’accord. Ma fille est dans une fac qui est bloquée chaque année depuis qu’elle y est et c’est pénalisant (particulièrement cette année) pour ceux qui ont fait un choix d’études qui sont enseignées dans une structure qui se bloque sans cesse.

Quant à choisir librement son cursus, cela n’est pas un changement majeur.

Est-ce individualiste ? Mais... on est des individus et le cursus universitaire EST un PARI individuel.

Ce que je voulais lever ne consistait pas à émettre une critique envers le choix individuel des cursus ; vous l’avez compris je pense. La vie en société ne consiste pas pour autant à prendre ce qu’il nous est possible de prendre et après moi le déluge ; c’est la perception peut-être trop caricaturale que j’ai de votre article.

Quant au fait que nous soyons des individus, cela n’est pas contestable. Mais que nous pensions des décisions sociales (applicables à un groupe plus ou moins restreint) qu’au regard de ses intérêts individuels est une vision rétrécie de l’individu qui reste un animal politique.

Par conséquent, je crois que votre raisonnement est effectivement le raisonnement des étudiants qui, par manque de confiance, ne se sentent pas en mesure de bâtir librement leur cursus. Et c’est bien ces étudiants-là, malheureusement infériorisés par leur faiblesse au lycée, qui s’accrochent à des cursus souvent vaseux, indéterminés, à une coquille, pas à un avenir de connaissances CHOISIES. Avec le fameux discours selon lequel « l’Université ne prépare pas à être professionnel »... comme si un prix Nobel de littérature n’était pas un écrivain professionnel...

Vous faites, à mon sens, une erreur majeure en généralisant des comportements que je ne conteste pas qu’ils existent mais qui ne sont pas si généraux que vous le laissez entendre.

Déjà l’exemple de la pêche : c’est très différent : les marins-pêcheurs n’ont pas le choix : on les prive de leur outil de travail et ils réagissent. On pourrait imaginer dans ce sens une grève d’étudiants pour demander PLUS de cours, PLUS de qualité de cours, mais pas l’inverse...

Ce que vous dites peut tout autant rejoindre la motivation d’une contestation sur une année. Certaines lois ont été contestée car elles pouvaient avoir une incidence dans le temps sur la qualité de l’enseignement universitaire. Les études sont longues, il n’est pas raisonnable de ne se projeter que sur une année. Votre argument reste recevable, par contre, pour les universités en blocage quasiment continuel (ou du moins annuel).

Mais le problème général est différent : l’ouvrier qui travaille à l’usine et monte le siège d’une Peugeot, n’est pas dans la même situation que l’étudiant qui apprend l’usage du microscope ou la technique de la gravure sur bois. Le premier ne se réalise pas dans son travail répétitif : il le fait pour le pain. Et s’il arrête le travail c’est pour le pain (je simplifie).

Par contre, l’étudiant qui apprend à opérer un cancer ou à faire la maquette d’un opéra, lui, en principe, n’est pas là pour son pain, mais pour s’enrichir, pour se construire : c’est TOUT bénéf pour lui. En arrêtant l’activité, il se fait tort.

Concernant le salarié, il me semble que vous faites erreur. Il arrive souvent que des salariés fassent grève dans le cadre de revendications qui ne leurs apporteront rien à eux-mêmes ou si peu, et cela n’est pas toujours relatif à des revendications de salaire (par exemple des conditions de travail).

Là aussi, on constate que beaucoup de cursus sont creux, sans avenir, et ne passionnent en rien des étudiants mal préparés. En effet, alors, l’étudiant se trouve dans une situation proche de l’ouvrier de Peugeot : il s’ennuie : le diplôme lui suffirait. Cela correspond à la revendication de « semestre blanc » : on veut la paie, l’enrichissement on ne le voit plus.

Pour les semestres blancs, nous sommes d’accord que c’est le signe d’étudiants qui tendent à vouloir, par ce biais, valider ce que beaucoup n’auraient pas eu, la validation de leur semestre. Renseignez-vous auprès des étudiants, même de certains grévistes, ils n’y sont pas tous favorables. Nous retrouvons le même problème chez les salariés grévistes qui demandent à ce qu’on leur paie leur temps de grève.

C’est pourquoi, une Université inadaptée, qui ne répond pas aux besoins des étudiants, qui ne les valorise pas et qui n’évolue pas, est génératrice de grèves négatives, de gâchis. Et c’est pourquoi, lorsque l’Université est dynamique et passionnante, le blocage, sauf cas exceptionnel, est une absurdité totale dans la perspective de l’enrichissement de la société.

Quoiqu’il en soit, pour moi, un blocage est une absurdité. Il n’y a aucune raison qui puisse permettre à certains d’interdire à d’autre leur droit à suivre leurs études. Pour ma part, je considère ce type de comportement comme de l’irrespect vis-à-vis des autres, une forme de totalitarisme de la pensée.

Par contre, je trouve votre argument sur l’inadaptation un peu trop bateau. Honnêtement, nous savons tous que les fac les plus contestataires sont des fac centrées sur des approches socialisantes, les fac de sciences sociales si vous préférez. Leur approche des phénomènes et des choix de société est totalement différente de celle des sciences plus dures ; c’est aussi un problème de connaissance. Il n’existe, à mon sens, peu voir pas du tout de cursus creux, mais certaines connaissances n’ont plus la cote puisqu’elles permettent une meilleure approche émancipatrice que d’autres. Pour avoir suivi nombre de cursus dans les sciences et techniques mais aussi dans les sciences de l’homme, la différence est flagrante.

En d’autres termes, beaucoup de blocages d’aujourd’hui ne sont que des mécanismes d’échec universitaire déguisés.

Nous sommes d’accord sur le fait que certains blocages trouvent leurs racines dans l’échec de certains étudiants. Mais passer du certain ou même beaucoup à tous me semble erroné.

Ce que je conteste dans la posture que vous exprimez dans votre article n’est pas la critique que vous faites des blocages et de leur légitimité, mais les arguments que vous avancez qui ne sont pas d’un poids suffisant, trop égocentrés. Une mesure qui s’applique à une université touchera tous les étudiants actuels et à venir, et il ne me semble pas pertinent de ne juger tant l’acceptation ou la contestation que sur des arguments basés sur l’intérêt individuel. L’intérêt des étudiants d’une université n’étant pas la somme des intérêts individuels de tous les étudiants.

Reste en suspens le problème de la représentativité que vous ne faites qu’effleurer. Les arguments égocentrés, à forte connotation individuelle sont recevable, mais ils ne représentent que la personne qui les exprime et qui représente encore moins que les groupes, certes non majoritaires, de contestataires. La problématique posée à de tels arguments est qu’ils ne permettent pas de pouvoir créer une plateforme partagée par d’autres pour faire contre pouvoir aux bloqueurs. Dans ce type de propos, chacun défend son intérêt et les bloqueurs continuent de bloquer ; un coup d’épée dans l’eau en quelque sorte, même si psychologiquement, cela soulage de pouvoir s’exprimer.


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