Pour éclairage, et pour ceux qui n’ont pas eu le bonheur de lire le livre de Laurence Lacour, je reprends ici son prologue repris dans le dossier de presse de son éditeur : " Les goûters de mon enfance surgissent soudain de ma mémoire. Un parfum de chocolat saupoudré en copeaux sur une tranche de pain frais et beurré. Ce souvenir gourmand, depuis longtemps oublié, me surprend à l’instant où je fixe la pendule de la voiture à l’arrêt : il est 16 heures. L’heure du goûter. L’enfant qui m’a conduite ici, lui, ne goûtera plus jamais, car il est mort. Assassiné, avant-hier soir. Les salissures du pare-brise ressortent sous le soleil des Vosges. Denis Robert de Libération et moi avons un peu tâtonné pour trouver ce village de Lépanges-sur-Vologne, puis, sur une colline, la maison isolée des parents du petit garçon. Sur mon carnet de notes, de vagues indications collectées auprès d’un confrère local :
« Lépanges-sur-Vologne : gros village vosgien. Jean-Marie, le père, contremaître. Elle, ouvrière. Ont construit une jolie maison. Hier la mère va chercher le gosse à l’école. Le laisse jouer dehors. Voiture de couleur verte. »
Denis voyage avec moi par commodité. Un autre reportage nous attend à Strasbourg en fin de soirée. Nous ne nous attarderons donc pas ici : le temps de recueillir une interview des parents ou, à défaut, des grands-parents de la victime, deux ou trois informations sur un corbeau - apparemment l’assassin- traqué par les gendarmes et quelques réactions dans le village. Nos rédacteurs en chef ne tiennent pas à s’appesantir sur ce meurtre, qu’ils trouvent sordide. Tant mieux, nous non plus.
Pendant quelques secondes nous nous taisons, peut-être par respect instinctif pour l’objet, tragique, de notre déplacement. Autour de nous, les collines dévalent vers une rivière, mêlant prés étagés et cultures en terrasses. Des bordures rousses séparent les grands carrés de terre. Dans les prairies, les arbres fruitiers, sous la brise automnale, se balancent avec nonchalance. L’endroit embrasse toute la vallée, jusqu’aux crêtes hérissées d’ifs et de sapins.
J’hésite à descendre de voiture et Denis ne m’y engage pas. Il estime incongrue ma quête d’interview des parents de l’enfant mort. Pourtant, RTL a diffusé ce matin quelques mots du père, recueillis peu après le drame par le journaliste Jean-Michel Bezzina. Nous occupons tous deux la même fonction de correspondant dans l’Est, lui depuis quinze ans pour RTL et moi depuis un an pour Europe 1. Une concurrence atavique oppose nos deux radios, l’une devant toujours faire plus ou mieux que l’autre. Je suis donc là pour obtenir quelques propos de la mère endeuillée.
A contrecœur, je gravis une voie pentue, entre deux pâturages. Ma terreur est de devoir m’incliner devant la victime. A 27 ans, je n’ai jamais vu de cadavre. Je ne veux pas voir un enfant mort. Le corbillard vient de ramener le corps et les jeunes parents dans la maison neuve. Des sanglots me parviennent de l’intérieur où le cercueil sera veillé pendant deux jours et deux nuits. Je me fige à l’entrée du jardin, et à peine ai-je reculé d’effroi qu’une femme, surgie en larmes, me repousse d’un geste cassé :
- Fichez-leur la paix. S’il vous plaît !
Denis me voit revenir rapidement. Soulagés, nous regagnons le centre du village en roulant lentement pour détailler la maison du deuil éclairée par un insolent contre-jour.
L’assassinat du petit garçon a révulsé le village de Lépanges. Dans la rue principale, des mères pressent leurs enfants au retour de l’école. Bar de l’Est, dans les effluves de vin et de café refroidi flottent des relents de vengeance. Là, je peux enregistrer quelque chose et coller bout à bout ces bribes de haine et de colère :
- Ici, on est mille cent, éructe un ouvrier, celui qui a fait ça, on va l’attacher à un poteau sur la place et on lui donnera chacun un coup de couteau !
L’image du châtiment peau-rouge me glace mais déclenche en moi un rire nerveux. Cette atmosphère de lynchage s’oppose au silence qui régnait plus tôt autour de la maison de l’enfant. Un grondement secoue le bistrot, jailli d’hommes et de femmes parlant à tort et à travers d’un drame dont ils ignorent tout. Bientôt, nous ferons comme eux. A 18 heures, Europe 1 diffuse ces réactions viscérales, faute de pleurs familiaux car j’ai aussi renoncé à ma visite chez les grands-parents. J’ai envie de fuir. Denis aussi. Hélas, la consigne de nos rédactions a changé en quelques heures : il faut rester sur place jusqu’à l’arrestation de l’assassin. Et, si possible, le chercher soi-même." Laurence Lacour Tout ce qui est arrivé y est...Concurence médiatique ! La recherche de l’audience (de l’audimat, dit-on à la TV) avant le souic de la vérité et le respect des protagonistes....
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