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Commentaire de Marianne

sur Le prestige des racailles


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Marianne Marianne 26 avril 2009 10:56

« Le prestige des racailles » ou comment utlliser un fait divers certes déplorable pour rendre responsable un groupe social - les jeunes de banlieue et pas blancs de surcroît - des maux de notre société.

Le problème est que cette violence est le reflet de la violence de la société dans laquelle nous vivons et que ceux qui la dénoncent - voir les derniers communiqués de Sarko sur les bandes - en sont les premiers responsables.

Car ce qui est fort grave à mon sens c’est que la violence sociale dont sont victimes les jeunes des cités et d’ailleurs, ainsi que les moins jeunes - les salariés de Continental par exemple -, mais aussi les retraités à qui il reste une misère pour vivre après des années de bons et loyaux services, est elle organisée, décidée par des politiques et ceux pour qui, en vérité, ils oeuvrent : les riches patrons et les banquiers.

Heureusement des sociologues et des intellectuels ont travaillé sur ces questions pour nous permettre de comprendre d’où viennent ces phénomènes de rejet de la société et de ses membres par une partie de la jeunesse.

Car pour en finir avec cette violence urbaine que vous déplorez, il faut s’attaquer à la racine du mal : la violence institutionnalisée et érigée en principe élémentaire et vertueux des rapports sociaux. La violence du chômage, du coût de la vie, de la marginalisation de certaines couches de la population, la violence des rapports sociaux et l’absence de démocratie à l’entreprise, la violence des bas salaires, etc...

A ce sujet, je vous invite à lire ce résumé du livre « Violences urbaines, violences sociales »

de Stéphane Beaud, Michel Pialoux, Paris, Fayard, 2003

À Montbéliard, le 12 juillet 2000, une émeute éclate dans la Zup de la PetiteHollande. La volonté des auteurs est ici d’étudier ce que cet événement fait apparaître des rapports entre la violence sociale contemporaine et la violence urbaine qui touche les grands ensembles. Pour les sociologues, l’événement est d’abord à relier aux effets de l’internationalisation de l’économie qui, en délégitimant l’État dans son rôle d’or ganisation du marché et de la société depuis 1975, bouleverse le rapport au travail et à l’emploi.

Dans un premier temps, le livre restitue, en examinant les conditions d’entrée des jeunes sur le marché du travail local, l’univers social des ouvriers du « Temps long de la crise. » Ensuite, l’ouvrage analyse les effets sociaux de la reprise économique entre 1998 et 2001 en les mettant en perspective avec les enjeux relatifs à « la relégation spatiale et sociale des enfants d’immigrés. » La Mission locale oriente essentiellement les jeunes issus des lycées professionnels et techniques vers des stages et des contrats d’intérim qui enregistrent la mise à l’écart précoce de ce public du vrai marché du travail. Les auteurs observent que les politiques de gestion de la main d’oeuvre, en se durcissant, accentuent les écarts générationnels et accélèrent la recomposition des rapports de classe. 

Les sociologues remarquent qu’au travail, la priorité des jeunes issus de l’immigration est de se protéger contre le racisme. Cette préoccupation compromet l’engagement aux côtés de responsables syndicaux peu soucieux d’apaiser l’hostilité des Français à l’égard des étrangers, qui recoupe l’antagonisme intergénérationnel. En fait, ces jeunes, tout en voulant « échapper au destin de leurs aînés, » sont acculés à un monde de l’entreprise qui ne veut pas d’eux. Les auteurs montrent que les possibles de cette jeunesse se rétrécissent aussi à mesure que la volonté de bien faire des uns échoue sur l’exaspération engendrée par les provocations et les pratiques violentes des autres.

Ces jeunes ont observé la vulnérabilité des aînés face à l’exploitation de leur travail. Ils ont aussi subi aux côtés de leurs parents les effets stigmatisants de la ségrégation résidentielle et enfin éprouvé les effets sociaux de la montée du Front national. Ils représentent dans l’espace public ce que les auteurs appellent la « nouvelle “classe dangereuse”. » La radicalisation des comportements dans les années 1990 est l’une des expressions du refus de la maltraitance sociale institutionnalisée. L’impuissance face à la précarité constitue le ressort fondamental de la « rage multiforme » de jeunes qui, nulle part, ne se sentent « être comme il faut. » Leur faible propension à se conformer, notamment dans le salariat, aux modèles de réussite de référence, et de fait à se reconnaître dans leurs semblables socialement « plus chanceux », renforce l’inclination à des comportements violents qu’on peut voir comme les signes forts et visibles d’une logique profonde d’« autodestruction. »

Les auteurs montrent ainsi que dans les quartiers de relégation, contrairement à l’idée largement répandue dans le champ politique et excessivement relayée par les médias, la violence urbaine n’est pas le fait d’une minorité que l’arsenal répressif peut empêcher d’agir. Les faits observés à Sochaux invalident aussi l’idée que le rapport des jeunes au monde social est nécessairement lié à l’état de l’économie. D’ailleurs, la relance, à partir de 1998, en engendrant plus de ressentiment que de satisfaction, contribue à la production sociale des troubles de l’été 2000. L’impossibilité, pour ces jeunes, de tirer un profit social effectif de l’embellie économique, est un indice majeur de leur disqualification, et un facteur essentiel dans le raidissement de leurs positions.

La relance confirme le caractère explosif de l’insécurité sociale de cette population dont le ressentiment s’exprime dans l’espace public via les logiques de provocation et les malveillances. D’aucuns pourront le regretter, les auteurs, sur leur terrain d’enquête, détournent leur regard des « violences quotidiennes » que la sociologie essaie depuis longtemps, et souvent laborieusement, d’expliquer. L’étude de la « genèse sociale » de l’émeute du 12 juillet 2000 éloigne les sociologues de ce qui fait l’événement dans l’instant. C’est justement en se préservant des attraits trompeurs de l’opinion que les auteurs parviennent à mettre à nu la violence patente que les logiques discriminatoires représentent et produisent en retour.



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