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Commentaire de Michel Koutouzis

sur Afghanistan : alliances variables et trahisons


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Michel Koutouzis Michel Koutouzis 29 avril 2009 16:32
D’après le rapport sur « La sécurité de l’approvisionnement en hydrocarbures et la géopolitique », de l’institut des relations internationales « Cligendael » de l’Université de la Haie, les attentats du 11 septembre ont radicalement changé la position de l’Asie centrale en tant qu’alternative d’un approvisionnement stable et sécurisé en gaz et hydrocarbures pour l’occident. Cependant, cette vaste région incluant, à l’Ouest, les pays du Caucase et la Caspienne et au Sud-est l’Afghanistan, -et que l’on pourrait nommer Eurasie centrale-, a été, depuis le XVIIIe siècle un espace sous influence impliquant plusieurs puissances mondiales et régionales. La Russie, bien entendu, mais aussi l’Iran, la Chine et la Turquie. Ainsi, les pays occidentaux, à commencer par la Grande-Bretagne et les Etats-Unis, se retrouvent deux siècles plus tard, dans la configuration géopolitique décrite par Rudyard Kipling comme « Le grand jeux ». L’incertitude politique, la complexité de sa configuration géographique (frontières artificielles, minorités ethniques, passes stratégiques, réserves d’eau, conflits de basse intensité, résurgence nationaliste et fondamentaliste, etc), s’ajoutent aux effets déstabilisateurs de l’action de tous les protagonistes précités. En conséquence et pour des raisons diverses, l’action des grandes puissances et des puissances régionales tendent à se neutraliser faisant de l’Eurasie centrale le premier espace qui indique des limites (par rapport à leurs objectifs) pour ce que l’on pourrait appeler les empires d’aujourd’hui. 
L’ensemble de ces pays sont pauvres, leurs armées nationales faibles, leurs sociétés civiles influençables, leur pouvoir central chancelant et corrompu. Et pourtant :
Toujours sous l’angle des hydrocarbures (réserves, puits, pipe-lines) et de l’interaction neutralisante précitée. Ainsi, pour ne donner que quelques variables, on pourrait résumer cet « essoufflement » par les caractéristiques suivantes. La Russie, hégémonique du point de vue militaire, est incapable d’investir économiquement. Les Etats-Unis, eux, voudraient bien, mais sont incapables de contrôler militairement et politiquement la région. L’Iran, dans son bras de fer avec les USA, veut préserver à tout prix ses bonnes relations avec Moscou. Tout comme la Chine qui voit d’un mauvais œil le fait que tous les oléoducs ont tendance à se diriger vers l’Ouest. D’après elle, il existe une volonté politique américaine pour « contenir » ses besoins énergétiques. Washington privilégie donc (faute de mieux) des relations avec un allié encombrant, la Turquie. Celle-ci, s’appuyant sur le fait qu’elle agit au sein d’un espace majoritairement turcophone, reste exigeante, malgré ses faibles moyens, créant des problèmes soit directement (Caucase), soit indirectement, en poussant les E.U. dans un équilibre instable vis-à-vis de la Russie. En effet, Washington, consciente de ses limites, voudrait ménager les susceptibilités russes. Elle traite sans scrupules avec le clan Aliev en Azerbaïdjan, pays turcophone, en guerre larvée avec l’Arménie, pays chrétien mais allié avec Moscou et surtout avec… Téhéran. 
Ainsi, les puissances se limitent à une action « à la marge », qui situe bien au deçà de leurs capacités et surtout de leurs besoins. Cela pourtant ne fait qu’envenimer les relations entre les Etats sur place, qui voient leurs perspectives économiques bloquées. Ainsi, les négociations du partage de la Caspienne pour l’exploitation pétrolière offshore des pays riverains reste bloquée. Tout comme le partage des eaux pour l’ensemble des pays d’Asie Centrale, pourtant nécessaire pour des pays dont la production agricole (coton) reste la quasi seule ressource de devises. Pire. Les pouvoirs éclatent, les seigneurs de la guerre et autres potentats s’affirment, les enclaves (existant dans quasiment tous les pays du Caucase et de l’Asie centrale) prennent leurs distances et deviennent des leviers déstabilisateurs, rendant encore plus complexe une intervention du « dehors ». De la sorte, le modèle Afghan, loin de se marginaliser, devient prépondérant, enlevant au pouvoir central le peu d’autorité qu’il avait encore. 
L’essoufflement des « puissances » participe à l’élaboration d’un espace de plus en plus entropique. Il ne maquait plus que la dérive pakistanaise…



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