Écoutez, je suis pris de court. Pardonnez les coquilles et autres imperfections. C’est du rapide, c’est émotionnel et donc maladroit et inachevé. Voici :
Par
où commencer ? C’est tellement loin et complexe que parler
d’Abel Paz c’est comme si nous parlions d’une autre vie. C’est comme
si je vous disais que les martiens existent ou ont existé.
Qu’ils sont en voie de disparition et que monsieur Abel Paz était
un authentique représentant. Saviez-vous que presque tous les
martiens sont anarchistes ? Saviez-vous ce que l’un d’eux disait à
propos d’un idéal venu d’ailleurs pour calmer l’ardeur des
récalcitrants ? Il disait ceci : « l’anarchie,
bande de minables (il s’adressait à des gens très
récalcitrants) n’est pas un système mais un
comportement dans n’importe quel système. »
Bref,
à l’époque où j’ai connu Abel Paz (ça
remonte à loin) je logeais rue de La Tour d’Auvergne chez des
réfugiés politiques espagnols (martiens eux aussi). Je
ne savais ni lire ni écrire. Je venais de là-bas. De
l’extrême sud. Du Maroc espagnol pour être précis.
J’avais fait la rencontre d’un grand militant martien lui aussi
décédé, Liberto Sarrau. C’est grâce à
celui-ci que j’ai appris à lire et à écrire.
D’abord l’espagnol, le français ensuite. Les martiens ont
toujours considéré la culture comme indispensable à
une certaine forme de bonheur. Chacun ses rêves. Les martiens
n’ont jamais perdu espoir.
Un
jour, alors que nous regagnions l’appartement de Joaquina Dorado, sa
compagne, Liberto m’annonça la nouvelle : « Devine
? » Il aimait bien faire mariner ce catalan insoumis.
Comme je donnais ma langue au chat, il finissait par dire : « Abel...
Abel Paz ! » en se frottant les mains. Vicieux, il
ajoutait : « Et tu sais qui sera là en sa
compagnie ? » Ah, le vicieux ! Avec Mimi et Colette
Durruti, la compagne et la fille de l’une des figures légendaires
des martiens espagnols dont il venait de publier un livre.
J’ai
passé un dimanche extraordinaire à écouter des
histoires d’une autre planète. Il était né à
Almeria, au pays des décors des westerns de Sergio Leone.
Ayant
abandonné le militantisme, mais point la curiosité, ni
certaines convictions, c’est par voie de presse que j’apprends sa
mort.
Je sais que tu ne
fumais pas. Si aujourd’hui tu arbores une cigarette devant dieu c’est
histoire de l’envoyer valdinguer dans les cordes et d’adresser un
clin d’oeil à Jacques Tati à qui on tente d’arracher sa
pipe. Viva la Anarquía !
Et
vivent les martiens !