Si je partage certaines visions au niveau de la justice avec Eva Joly, je ne partage néanmoins pas son enthousiasme vis à vis de l’Europe en général, et vis à vis de la justice au niveau européen en particulier.
Actuellement, au niveau européen, il faut savoir que les traités actuels, et le traité de Lisbonne n’y change rien, mettent carrément la carrière des juges européens sous l’autorité et la décision des dirigeants européens. C’est pire qu’en France vu qu’il n’existe absolument aucune justice indépendante au niveau européen, tandis qu’il existe quand même une forme de justice indépendante en France même si elle est menacée par la proposition de réforme du juge d’instruction.
Je pense donc qu’il y a beaucoup plus d’intérêt à se battre en France pour conserver l’indépendance de la justice même si celle-ci est déjà réduite à peau de chagrin, et à se battre pour défendre un retour à une vraie indépendance plutôt que de compter sur l’Europe même si des coopérations au niveau européens semblent de plus en plus nécessaires et plaider en apparence pour une concentration de nos efforts à ce niveau.
Je pense cela car je ne partage pas l’argument d’eva Joly qui allie éloignement et indépendance.
L’éloignement a largement prouvé que la seule indépendance qu’il génère c’est plutôt vis à vis des citoyens plutôt que des politiciens. Et même si une telle indépendance se manifeste, c’est en contrepartie à une plus grande dépendance à des intérêts privés incarnés par la technocratie européenne.
Je crois qu’il faut d’abord s’attacher à améliorer notre justice française déjà dans notre coin puis ensuite s’attacher à construire une coopération européenne plutôt que de compter sur l’europe pour résoudre nos problèmes nationnaux.
Voilà pourquoi je suis en total désaccord avec l’avis de l’auteur.
De plus même si le sujet des paradis fiscaux est important en soit, je m’inquiète de sa mise en avant aujourd’hui en période de crise financière pour la contribution involontaire que cela pourrait susciter à la mystification actuelle de nos gouvernements à propos de la résolution de cette crise justement.
On a pu le voir au moment du G20, la question des paradis fiscaux fait partie des choix de nos dirigeants pour établir un écran de fumée pour faire croire qu’ils s’occupent de résoudre la crise alors que cette question des paradis fiscaux n’a qu’une importance vraiment marginale dans la crise.
Frederic Lordon l’explique très bien dans sa dernière conférence, on reconnait l’importance d’une décision à la difficulté avec laquelle les différentes personnes à décider se mettent d’accord. Quand tous les dirigeants européens se mettent d’accord tout de suite sur la question des paradis fiscaux cela prouve à quel point cette question n’a pas la moindre importance et n’est pas dutout centrale. Si cela avait été une question absolument centrale, personne n’aurait été d’accord si facilement.
Hors la priorité actuellement ce serait plutôt, pour les millions de personnes à travers le monde qui se retrouvent à payer le coût de la crise pendant que les vrais responsables continuent de s’enrichir, de véritablement centrer le débat sur les vrais raisons, les vrais problèmes, et les vrais sujets qui devraient nous occuper pour résoudre cette crise.
En mettant en avant le sujet des paradis fiscaux Eva Joly contribue à cette mystification je trouve cela dommage.