Je ne sais pas s’il existe un accord secret FN-CRIF. Franchement, j’en doute, ne serait-ce que parce qu’en politique les secrets ne le restent pas longtemps. Et puis, quelle est l’utilité d’un accord formalisé, toujours compromettant et entravant quand les intérêts objectifs convergent (si c’est le cas) ?
Ce que je sais, en revanche, autant par des sources personnelles que par un minimum d’observation de l’actualité c’est que le regard d’un bonne partie de la communauté juive de France - ou de ceux qui parlent en son nom, ou de ceux qui s’en réclament, comme on voudra - sur le FN a profondément évolué depuis quelques temps.
Pendant longtemps, Le Pen et le front, c’était pour eux comme pour toute la classe politico-médiatique qu’ils influençaient largement : la bête immonde et son ventre fécond, le retour des zeures-les plus-sombres, les anciens SS (auxquels certains sur ce fil croient toujours, apparemment : s’ils existent, ça doit faire deux ou trois octo et nonagénaires sur entre 15 et 20% des français..) les nostalgiques de Pétain (même remarque), les chouans qui n’ont rien appris-rien oublié (idem) et j’en passe... air connu...
Et puis progressivement les choses ont changé et c’est vrai qu’on entend moins « la communauté » tonner contre le Front. Ce qui s’est passé ?.. tout simplement que la plus grande partie des juifs de France n’est pas composée de bourgeois du 16e mais de gens simples habitant les banlieues et qu’ à force d’être confrontés aux mêmes difficultés, aux mêmes nuisances et aux mêmes nuisibles que les « petits blancs » (pour reprendre la délicieuse expression démocratique et pas raciste du tout du sénateur Mélanchon)ils se sont doucement mis - enfin, beaucoup d’entre eux... - à voir le problème de la même façon, puis à envisager les mêmes réponses à leurs questions, enfin à voter comme eux, pour ceux qui ne le faisaient pas déjà...
..Ensuite, les « chances pour la France » y ont mis du leur. Après s’être contentés d’agresser, de racketter de persécuter globalement les « fromages » et les « faces de craie » (parmi lesquels il pouvait d’ailleurs y avoir des juifs), ils se sont mis par assimilation stupide avec les palestiniens à s’en prendre carrément et expressément, aux porteurs de kippas et de papillottes, aux synagogues, aux écoles juives, etc... Et nos concitoyens juifs ont achevé de réaliser que les « chemises brunes » qui les menaçaient n’étaient pas là où leurs porte-paroles plus ou moins auto-proclamés disaient les voir.
Finalement, une bonne partie de ces porte-paroles se sont alignés sur leurs mandants. Les déclarations du Président du CRIF au soir du premier tour de 2002, comme quoi le vote Le Pen « avait au moins la vertu de faire tenir les arabes tranquilles » (je cite de mémoire) ne s’explique pas autrement, de même les positions évolutives d’un Finkielkraut.
Bien sûr, il restera toujours un BHL, mais lui, justement, c’est l’archétype du grand bourgeois qui ne connaît de maghrébins que la domesticité de son palais de Marrakech.
En résumé : beaucoup de juifs de France se sont mis à voter comme une grande partie des autres français, parce qu’ils ont les mêmes difficultés et les mêmes adversaires.
Voilà. C’est aussi simple que ça, pas la peine de s’embarquer dans une vaste théorie du complot - dont mes maîtres de l’Université Républicaine m’ont pourtant seriné qu’elle était typique de la mentalité réactionnaire d’extrême-droite.
Ca démontre aussi autre chose : le FN-nazi, nostalgique des chambres à gaz et bouffeur de petits-enfants juifs, la plus grande partie de juifs de France n’y croient pas eux-mêmes. Prions pour que cela fasse réfléchir ceux qui, sur ce fil et ailleurs, continuent à anonner ce vieux mantra moisi.