Si j’ai pris comme exemple Bach et Cezanne, c’est parce que leurs
oeuvres ont resisté au temps - elles sont immortelles. Ce ne sera
certainement pas le cas avec vos divertissement technophiles. Dans
votre système de valeurs, basé sur l’argent et le financement, une
chanson de Britney Spears vaut bien plus cher qu’une fugue de Bach.
Quant à l’orchestration dont vous avez « besoin », je vous signale que
Bach y a déjà pensé - mais vous voulez sans doute parler de
l’interprétation. Même là, je ne vois pas ce que fait l’argent. On a
besoin de musiciens sachant interpréter la partition. Des talents et de
l’enthousiasme. De la passion et de la foi. Du travail de mise en
place. Cependant, quand j’écoute différentes versions des œuvres de
Bach, celles les mieux interpretées, le sont par des musiciens chinois ; les moins bien payés par rapport à nos standards.
Si pour vous un spectacle doit être un étalage de moyens, allez au
luna-parc ou au cirque, vous y trouverez votre bonheur. Mais n’appelez
pas ça de l’Art, par pitié. L’art se fiche de financement, un artiste
n’est pas rentable, parce que rebelle, incontrôlable, indomptable et
politiquement incorrect. Vous voulez des vedettes et non pas des
artistes. Quand je recommande un film qui me plait, par ex. "L’armée
des 12 singes" à des gens, on me dit que c’est trop intello, on
veut du facile, de l’action et surtout pas un truc qui fait réfléchir.
Voilà ce que votre financement a fait : les gens ont peur de l’art,
parce que ça risque de susciter en eux des interrogations, des
réflections. Et ça, c’est très fatiguant - je paie pour un spectacle,
pas pour me fatiguer les neurones.
Aujourd’hui ce que l’on appelle officiellement de la culture, ce n’est
que du divertissement. Ne me mésinterprétez pas - on a besoin de se
divertir. Mais l’Art, ce n’est pas ça. L’Art dérange, choque, malmène
les convictions. Comment voulez-vous financer quelqu’un qui vous met
mal à l’aise en vous placant devant une verité qui casse vos idées
toutes faites ? Un artiste financé : quel oxymore !
Je souhaite que vous vous achetez un agréable divertissement, que vous
passez du bon temps à fantasmer en vous vautrant dans le luxe virtuel
que procure un spectacle correctement financé.