Donc, si je te suis bien, on ne peut parler que de ce que l’on a vécu intimement, dans sa chair, de ce qui touche notre nombril ? En suivant ce raisonnement, il y a pas mal d’écrivains à jeter aux chiottes et que dire des politiques qui parlent du chômage, de la misère, du travail, de la frugalité et qui rentrent ensuite dans un 340m² bien placé au centre de Paris et qui règlent (avec le compte de la princesse) en un repas ce que beaucoup d’autres mettent plusieurs mois à gagner.
Je viens d’une famille pleine de pudeur, qui souffre dignement et dans le silence. Une famille où l’on n’exprime pas les sentiments, comme si c’était de la merde qu’on étale sur les murs. Une famille, donc, où personne ne sait dire « je t’aime » où personne ne sait juste prendre un enfant qui souffre dans les bras, une famille où les bras, ça sert à bosser, pas à consoler.
J’emmerde la pudeur, la retenue et la dignité, quand il s’agit de traverser la vie comme un hall de gare, détaché, à pas pressés. J’aime me colleter à la vie, à la fureur, aux débordements du cœur et de l’esprit. J’aime que ça bouge, j’aime que ça vive, j’aime que ça crie, j’aime même la douleur, parce qu’elle prouve que tu es encore vivant !
Je trouve qu’on en crève de ne rien se dire, de ne rien partager, de ne rien s’autoriser à éprouver.
Non, je n’ai pas encore porté le deuil, parce que dans ma famille, on vit très très longtemps, mais t’inquiète, ça m’arrivera aussi. Cela dit, cela n’empêche pas l’empathie avec les autres, cela n’empêche pas de ressentir les choses, comme la peine abyssale de mes amis.