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Accueil du site > Tribune Libre > Mourir d’aimer

Mourir d’aimer

Ou quand le cœur se brise, littéralement...

Au début, c’est la grand-mère qui dépérit lentement de ce que l’on appelle toujours pudiquement une longue maladie. Il y a la famille, autour, qui se serre les coudes, les petits-enfants qui intensifient le rythme des visites, et tous les proches qui, lentement mais sûrement, se préparent à la fin inéluctable. Il y a les premières attaques, les aller-retour à l’hôpital. Il y a même de petites rémissions, qui ne rendent pas vraiment l’espoir, mais qui laissent l’angoisse relâcher son étreinte, un temps. Et puis, un jour, c’est fait, la grand-mère est partie. Peine et tristesse sont au rendez-vous, naturellement, mais voilà, depuis le temps, tout avait été prévu, mis en place, calibré : la veillée, la présentation, le repas familial, la cérémonie, les discours. On se soutient, on s’épaule et on entoure le veuf, drapé dignement dans sa douleur, calme, tout en sobriété.

Trois jours plus tard, le grand-père s’assoit sur son lit devenu si vaste, ce lit qui a vu s’épancher 50 ans d’amour et de complicité, au quotidien. Le chat que sa petite-fille a laissé, il y a longtemps, grimpe sur ses genoux, ronronne et appelle la caresse. Et il est mort, comme cela, tranquille et apaisé, comme une petite flamme arrivée au bout de son combustible. Ceux qui l’on vu, ensuite, racontent qu’il avait presque l’air heureux.

C’est marquant une histoire comme celle-là. Ce n’est pas ma famille, ce ne sont pas mes grands-parents, mais je pense sans cesse à ce vieux qui n’a pu continuer à vivre sans elle. Je ne pensais pas que de nos jours, on pouvait encore mourir d’aimer. Quelque chose au-delà du couple, des habitudes qui tissent leur réseau dense de gestes, de mots, de soupirs. Quelque chose qui fait que deux êtres finissent par fusionner sous la pression des décennies, d’une manière plus profonde, plus intime que ne pourra jamais le faire le feu intense de la passion amoureuse. Quelque chose qui fait que l’un finit les phrases de l’autre, sans même s’en rendre compte, qu’un regard signifie plus qu’un long discours. Quelque chose qui synchronise leurs émotions, leurs pensées, jusqu’aux battements même de leurs cœurs, comme s’il n’y avait plus qu’une seule flamme de vie pour animer deux vieux corps.

Ne t’inquiète pas pour moi, tu sais très bien que je te survivrais.
Je continue à le penser. Que je lui survivrais. Est-ce parce que nous aimons moins profondément ? Parce que nous sommes plus jeunes ? Parce que nous n’avons pas encore passé une vie ensemble ? Ou peut-être, tout simplement, que nous ne sommes plus fait de la même matière, modelé dans le même terreau. Les deux vieux de mon histoire venaient d’un autre monde, d’un autre temps, du temps où l’on s’aimait pour la vie, non, même pas, pour l’éternité, du temps où le divorce était un péché, où l’on ne se débinait pas à la première difficulté, où l’on surmontait tout ensemble, y compris le désamour, celui qui vient avec le temps, l’indifférence, la vie qui use et qui polit les sentiments comme des galets dans un torrent violent. Ils venaient du temps où l’on ne se quittait pas, où l’on pouvait, certes, tomber amoureux de quelqu’un d’autre, mais où l’on trompait avec tact et discrétion, avant de toujours rentrer le soir, pour dîner, à la maison.

Autant tout le monde s’était préparé au décès de la grand-mère, autant celui du grand-père fit l’effet d’une déflagration sur une aire de pique nique. Tout le monde sait que ça arrive, ces couples qui se suivent dans la tombe, mais personne ne s’y attend. Je me demande encore si l’effet de surprise accentue le chagrin ou si cela vient plutôt de l’accumulation, de ce trop plein de larmes dont plus rien ne peut étancher le flot. En une petite semaine seulement, c’est toute une famille qui devient orpheline, c’est tout un univers qui disparaît, un monde de souvenirs, une maison qui se vide et dont on se détourne.

Il a fait une crise cardiaque a expliqué le médecin. Juste un cœur qui bat et qui s’arrête, comme une pièce qui plonge dans l’obscurité quand on en éteint la lumière en sortant. 70 battements à la minute, 4200 pulsations en une heure, plus de 700 000 raisons de lâcher prise après son départ à elle.
La vie qui s’arrête, comme cela, juste quand elle a perdu tout sens.
Et la vie qui continue, malgré tout, pour ceux qui survivent.
 
 

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55 réactions à cet article    


  • TALL 21 mai 2009 10:35

    bonjour le pathos... manque plus que Mel Gibson dans le rôle du bon fils


    • Monolecte Monolecte 21 mai 2009 20:15

      Ainsi donc, le pathos, c’est exprimer des sentiments ou ressentir des émotions... voilà qui devrait passionner votre psy smiley


    • TALL 21 mai 2009 22:47

      exhibitionnisme facile et stéréotypé

      et au vu de la qualité de certains de vos autres articles, vous le savez
      pas à moi ... smiley


    • TALL 21 mai 2009 23:07

      exprimer des sentiments ou ressentir des émotions


      mais vous dites ci + bas que ce n’est pas votre vécu ...

      non, vous êtes bien meilleure avec le poil à gratter
      alors, ne vous déguisez pas en vendeuse de guimauve de contrebande
      ça ne vous va pas

      a + smiley


    • WOMBAT 21 mai 2009 10:55

      Pourriez demander à Marc Lévy de vous faire une préface...


      • werther_original werther_original 21 mai 2009 15:51

        J’ai bien du rire 10 minutes. Merci


      • zelectron zelectron 21 mai 2009 11:00

        @Tall
        On n’est pas obligé d’être de rester de marbre !
        et si on a vécu une histoire similaire dans sa propre famille...


        • TALL 21 mai 2009 11:05

          Justement, je l’ai vécu ... et cet étalage public est sans intérêt

          à part émouvoir les midinettes, je ne vois pas le but de la manoeuvre
          exorciser sa propre douleur ?
          désolé, ça se fait en privé, ça


        • Monolecte Monolecte 21 mai 2009 20:18

          Si vous aviez tout lu, vous sauriez que je n’étale pas ma douleur, puisqu’il ne s’agit pas de ma famille, ni même de proches, que je ne connaissais pas ce couple. J’ai vécu cette histoire à travers les yeux des petits-enfants et elle m’a ouvert un certain questionnement sur le sens que l’on donne généralement à l’amour, au deuil, à ce genre de chose.


        • TALL 21 mai 2009 22:51

          ah ça, j’ai bien vu que vous n’étaliez pas votre douleur

          car vous ne l’auriez pas étalé du tout si ça avait été la vôtre
          vous avez fait preuve d’impudeur par ignorance émotionnelle
          ce qui donne un texte d’intérêt humain nul

        • Iren-Nao 21 mai 2009 11:13

          Elle ecrit toujours joliment la Monolecte bande de vieux noeuds !

          Iren-Nao


          • TALL 21 mai 2009 11:39

            Une histoire tragique ( coeurs sensibles s’abstenir )


            • Gül 21 mai 2009 11:49

              Bonjour Monolecte,

              Une belle écriture une fois de plus.

              Je ne crois pas qu’il soit mort d’aimer ce vieux monsieur, d’ailleurs, amha, il n’est pas mort, il a juste poursuivi le chemin. Et cette histoire n’a rien de triste.

              On meure d’aimer dans la passion qui déchire, déstructure, blesse si profondément qu’elle entraîne à la folie douce-amère de préferer ne plus, à encore...


              • TALL 21 mai 2009 13:36

                Gül ... moi je crois que le papy est mort de rire en lisant morice


              • werther_original werther_original 21 mai 2009 15:56

                D’ailleurs pour une histoire comme celle-là , combien d’autres avec un ressentiment ,abyssal, contre l’autre être. Combien d’années passés en souhaitant ne s’être jamais marié.

                Si j’ai bien compris Gul , après la passion vient l’habitude.


              • Monolecte Monolecte 21 mai 2009 20:22

                En fait, toutes les configurations sont possibles : j’ai vu des couples se déchirer la gueule et se détester cordialement pendant des décennies, mais sans être jamais capables de passer plus de 2 jours l’un sans l’autre : alchimie de la haine, totalement mystérieuse pour moi. La vie endort les passions, les pétrifie, les pourrit aussi parfois, ou les sublime. Finalement, c’est quoi l’amour, dans tout ça ?


              • ZEN ZEN 22 mai 2009 09:07

                @Monolecte, bonjour

                J’ai bien aimé ce papier
                « C’est quoi l’amour » ?
                Je n’ai pas de réponse...
                Mais on trouve chez Freud et surtout chez Mélanie Klein des éléments d’analyse pour comprendre comment l’amour et la haine se mélangent étroitement, dans des proportions diverses, dés les premières années...
                La pratique du zen aide à se distancier des excès émotionnels qui parfois nous emportent ou perturbent la vie . Ce n’est pas l’indifférence, mais le regard bienveillant sur soi-même et les autres et l’acceptation sereine que le bonheur ne nous est pas accessible, comme le suggérait Sandro. Dès qu’on ne le recherche plus vainement, on a fait un grand pas...
                On trouve tout chez Epicure et Tchouang-Tseu...


              • TALL 22 mai 2009 09:22

                A mes yeux, l’amour est un sentiment profondément animal, donc très puissant, et très étroitement lié à l’enfance et au conditionnement parental.

                Conditionnement largement inconscient qui engendre un « profil amoureux » qui agira et réagira tout au long de sa vie de manière tout aussi inconsciente.
                Celui/celle qui sous-estime la part animale de l’amour n’a rien compris à la réalité des choses
                Mais pour peu que son profil amoureux soit adéquat, il n’aura, en fait, pas besoin d’y comprendre grand-chose pour avoir de bonnes chances d’être assez heureux en amour. Car son « instinct » y suffira ... Darwin est passé par là ...


              • Gül 23 mai 2009 13:57

                @ W_O

                « Après la passion vient l’habitude »

                Où et comment avez-vous pu comprendre cela dans mes propos ?

                Non après la passion il n’y a rien.... plus rien qu’une sorte de fatalisme qui permet de tout supporter.


              • Monolecte Monolecte 23 mai 2009 14:31

                Pour l’expérimenter depuis plus de 20 ans, je dirais qu’après la passion, il y a toujours de l’amour, mais que, heureusement pour nous, il n’est plus aussi intense et absolu. Il y a la tendresse, la complicité, une sorte de fusion intellectuelle et sentimentale. Je crois qu’il y a aussi ce dialogue permanent cette danse de deux qui permet de s’ajuster sans cesse l’un à l’autre et d’évoluer en même temps.

                Un couple qui ne communique plus est un couple mort. La vie nous façonne et nous transforme et sans cet échange constant, nous évoluons de manière différente jusqu’à n’être plus que des étrangers l’un pour l’autre. Il y a un juste équilibre entre l’aspect fusionnel du couple et la nécessaire indépendance de chacun des protagonistes : trop de fusion devient pathologique et mortifère, il faut des activités propres pour s’épanouir et d’autres communes pour se retrouver.

                L’amour au long cours est une histoire de funambules. Toujours sur le fil, toujours précaire, il demande une attention de tous les instants et une certaine légèreté, aussi. La conscience aiguë que rien n’est définitif, rien n’est figé ou permanent, mais sans être rongé par la peur de perdre l’autre, de voir s’éteindre la petite flamme dans son regard. Et quand ça arrive, malgré tout, se rappeler tous ces instants, toutes ces années qui nous appartiennent à jamais.


              • TALL 23 mai 2009 15:01

                là je te plusse, monolecte, car en amour, tu sais de quoi tu causes

                c’est la mort que tu connais peu, et c’est tant mieux


              • Monolecte Monolecte 23 mai 2009 16:33

                Ben justement, Tall, je suis en train de me rendre compte qu’en amour comme en beaucoup d’autres choses, justement, je n’y connais que dalle. Donc je m’informe, j’observe et je m’interroge sur cette étrange alchimie qui lie si puissamment les êtres, les blesse ou les sublime, ou les deux à la fois.
                Le sentiment amoureux se pare d’universalisme et pourtant, chaque histoire est singulière.

                Il faut toujours se méfier des évidences, en amour comme pour le reste. Au fil du temps, tu te rends compte que l’amour est un maître exigeant, et que ce n’est pas toi qui choisis les êtres et les sentiments, mais eux qui s’imposent à toi, d’une manière implacable. Nous, on se contente de faire de notre mieux pour survivre au tumulte de la vie...


              • TALL 23 mai 2009 17:24
                monolecte

                ah mais je n’ai pas dit que tu « savais » l’amour.. ( qui ça donc ? )
                je vois juste que là tu parles par expérience, et ça se sent illico...
                même si ce que tu en conclus serait qu’on ne sait jamais, genre Jean Gabin
                mais ça part du vécu, de toute façon

                tu sais, l’histoire du paquet d’écrivains, d’intellos et de politicards qu’on pourrait jeter aux chiottes par incompétence liée au vécu, je le pense vraiment
                et ça se vérifie depuis longtemps



              • Monolecte Monolecte 23 mai 2009 17:54

                Justement, j’ai une expérience des plus limitées sur la perte, le chagrin, la trahison, l’abandon, les choix cornéliens, les petites démissions... Tu ne peux pas avoir un vécu complet de quoi que ce soit. Tu es donc bien obligé de te nourrir du vécu des autres, de partager leurs sensations, leurs souvenirs, leurs ressentis pour étoffer un peu ta propre gamme émotionnelle.

                Du coup, on en revient à ton histoire d’incompétence par manque de vécu : chacun de nous est un univers et une particule à la fois. Un univers entiers et riche d’un vécu singulier et une particule de vie par rapport à l’incroyable foisonnement des vies humaines.
                Si l’écrivain ne peut parler que de ce qu’il a vécu, il n’est qu’un témoin. Et qui racontera les histoires de ceux qui ne peuvent ou veulent écrire ? Et en partant de ton principe, il n’y a que les vieux qui sont légitimes pour écrire, puisque les jeunes ont si peu d’expérience...


              • TALL 23 mai 2009 19:42

                Si tu retiens l’idée sans trop la binariser, et donc en la contextualisant, ça te donnera un excellent filtre à conneries, crois-en mon expérience smiley


              • Gül 23 mai 2009 20:11

                Pas évident de s’exprimer sur le sujet sans s’étaler (je pèse mes mots !).

                En tentant d’être suffisamment brève, je crois que l’amour passion peut se vivre plusieurs fois parce que c’est une façon d’aimer et d’aimer être aimer. Tout le monde ne le vit sans doute pas pour autant.

                Mais je crois aussi qu’au milieu de ces différentes amours se trouve l’infini trésor, la pièce unique, le nectar magique et diabolique, le filtre envoûtant, ennivrant jusqu’au coma éthyllique...Celui-là, c’est une fois, une seule.

                On le trouve et on ne lâche plus, on s’y accroche comme une moule à son rocher, à en crever quand la mer se retire et que rien ne vient plus abreuver le besoin devenu absolu.

                Quand ça s’arrête, c’est comme un « enfin... ! » parce que la destruction totale était si proche, et lorsque l’on regarde autour de soi, ce que l’on avait plus fait depuis longtemps, alors on s’aperçoit du chaos, du vide, du désert éclos des pulvérisations d’une météorite arrivée à vive allure.

                Il faut ré-apprendre à se lever et marcher pour trouver l’eau et le repas. Alors la quiétude prend la place, difficile de s’y sentir tout à fait bien, puis on apprend à aimer, à être aimé.

                On se niche dans ce cocon de soie pour sa délicatesse, sa douceur, son confort. On ferme les yeux pour se souvenir et laisser alors un sourire touchant redonner vie quelques précieux instants au vécu d’avant...

                C’est la danse folle du bien et du mal, de ce qui fait du bien et ce qui fait du mal, c’est le yin et le yang, tout le questionnement du coeur...


              • TALL 23 mai 2009 20:29

                c’est ce que j’ai compris en lisant Kiberen, ma bro...


              • Monolecte Monolecte 23 mai 2009 20:42

                @ Tall : désolée, mais là je ne t’ai pas compris du tout. Mais si tu m’explique plus longuement, ça devrait rentrer quand même.


              • Monolecte Monolecte 23 mai 2009 20:52

                @ Gül : en fait, je me demande s’il n’arrive pas que la foudre tombe deux fois au même endroit, s’il n’arrive pas à certains de gagner plusieurs fois au loto. Certains passeront une vie entière sans amour et d’autres se retrouveront à gérer plusieurs passions en même temps. Pas de règles, pas de lois, pas de généralités. La petite musique du hasard qui se joue des normes sociales. La confusion des genres : amour, passion, amitié, désir, attachement, fusion, attirance... des fois, c’est difficile de faire le tri, d’y voir clair, de ne pas se raconter d’histoires, de ne pas se voiler la face, de ne pas nier ses sentiments, de refouler ses pulsions.

                Bref, l’amour, c’est quand même vachement le bordel aussi, parfois même le chaos, mais quelle puissance dans les sentiments, quel moteur humain inépuisable !


              • Annie 23 mai 2009 21:00

                Ce à quoi j’ai pensé en lisant votre texte, ce sont les les vieux de Brel : « celui des deux qui reste se retrouve en enfer ». Dans ces cas là, la mort est un soulagement.


              • Gül 23 mai 2009 21:08

                @ Monolecte,

                Je ne veux surtout pas m’ériger en celle qui voudrait mettre des règles ou des lois là où il n’y en a pas, comme tu le dis très justement. Bien sûr que cela peut tomber sur la même personne.

                Cependant cette folie là une fois qu’on sait jusqu’où elle emmène, on a très envie d’y retourner mais quelque chose fait que non, pas vraiment...non, pas tout à fait..., non, je ne peux pas...

                Tu vois, c’est ça que je veux dire.

                L’amour c’est absolument fabuleux, fabuleusement grave !


              • TALL 24 mai 2009 00:40

                Monolecte


                L’expérience émotionnelle est irremplaçable dans les domaines existentiels, càd ceux touchant fortement à l’amour et à la mort. Ce qui n’empêche évidemment pas des gens d’écrire et de parler de choses existentielles qu’ils n’ont pas vécu, non bien sûr ... et ils peuvent même toucher par leurs récits d’autres gens qui ne l’ont pas vécu non plus. Chacun s’imaginant alors le ressenti qu’on pourrait avoir en pareilles circonstances.

                Oui, mais cet imaginaire ne correspondra quasiment jamais aux sensations réellement vécues. Et donc quand quelqu’un qui a vécu de telles choses lit un autre qui en parle sans l’avoir vécu, souvent il le voit direct car ça sonne faux pour lui.

                Un exemple : si un romancier écrit des livres de guerre sans avoir jamais rien vécu de la guerre, il pourra toujours faire de bons romans qui plaisent à beaucoup de gens n’ayant eux-mêmes aucun vécu de guerre.
                Mais si quelqu’un qui l’a vécu lit ça, il le jettera probablement aux chiottes.

              • Monolecte Monolecte 24 mai 2009 10:51

                L’expérience n’est pas tout, même si elle contribue fortement à l’édification des êtres. Il y a aussi l’expérience du récit, celui que tu captes dans les histoires de famille, les bavardages de fin de soirée ou tout simplement dans un livre ou un film. Peux-tu nier la puissance évocatrice d’une œuvre sur celui qui la reçoit ? Peux-tu dire que l’art, quel qu’il soit, n’est pas justement un mode de communication, de partage émotionnel ? Il ne s’agit pas de vivre par procuration, mais d’agrandir sa propre palette émotionnelle à travers les expériences et récits des autres. Parce que nous ne pouvons pas tout vivre.

                Entre l’expérience vécue et celle qui est acquise au contact des autres, nous développons aussi plus ou moins nos capacités empathiques, c’est dire l’aptitude de ressentir les émotions des autres. Tout le monde n’a pas la même sensibilité, mais tu ne peux non plus nier ce niveau d’expérience.


              • TALL 24 mai 2009 23:40

                je ne le nie pas, monolecte, c’est un peu ce que je voulais dire par : ne pas binariser, càd ne pas voir les affaires humaines en tout ou rien


                a +

              • Monolecte Monolecte 25 mai 2009 08:33

                On a fini par trouver un terrain d’entente, on dirait smiley
                A+


              • Lisa SION 2 Lisa SION 2 21 mai 2009 13:47

                Du coeur monolectique pur,

                J’ai refermé les yeux de mon grand père avec lequel nos nous étions chamaillés des années. Il m’a fait un petit signe de la tête, dix secondes avant son dernier souffle, de pardon et de reconnaissance. Toutes les polémiques entretenues par l’entourage à cette époque, ont coulé depuis cet instant inoubliable. Excusez moi d’en profiter, mais je n’ai fait qu’un poème sur l’amour. 

                LA CRISE SUR LE BATEAU

                S’unir à vie est comme fonder un équipage, ni trop fort, trop bavard, c’est simple pour savoir. Parcours son pays, avec lui jusqu’au soir. Choisir son compagnon, ne tient pas du hasard, un heureux fou vaillant, dans vingt ans sera sage.

                Du bout de la jetée, observez l’horizon, et choisissez votre île, de par delà les vents. Chaque îlot est distinct, lointain et accueillant. Gardez le en mémoire et ramez en même temps, car de jour comme de nuit, c’est la seule direction.

                Puis là, au bord du quai, que des coques semblables, trop larges pour pouvoir bien tenir les deux rames. Ne vous chargez pas trop, n’oubliez pas votre âme, dans l’enceinte du port, la mer est toujours calme, mais la jetée franchie, tout devient improbable.

                La recette est bien simple, rechercher l’harmonie, toujours s’épauler, se suivre, se seconder, accorder à son tour d’être un temps dominé, accepter d’arrêter quand l’autre est fatigué, et ne jamais sauter…les deux sont compromis.

                La vie, comme la mer, a des creux et des vagues, des crêtes d’où l’on voit très bien son île au loin, des gifles dans les embruns, de furieux vents malins, des chutes dans des fonds, qu’on peut penser sans fin. Réserve ton énergie, pour défier le sauvage.

                Si tu n’oublies jamais cet objectif louable, alors, dans tous les cas, ne ronge pas ton fer. Car, face aux pires tempêtes, petite est ta colère,dans l’immense univers, un atome éphémère, sur l’étendue des plages, un petit grain de sable…

                Car le soleil se couche, la nuit, mais pas la mer…

                J’espère avoir participé à enrichir votre rappel. L.S.

                PS. Agoravox a répondu à votre demande d’édition par cette pub : http://www.editer-livre.com/editer/index.html .


                • jocelyne 21 mai 2009 17:45

                  De ma modeste voix je confirme un beau texte, très beau, merci à vous mono
                  olecte
                  et mort aux cons


                • Cotcodec 21 mai 2009 22:11


                  Merci pour ce beau texte. L’expérience humaine la plus importante, c’est bien entendu celle de l’amour d’autrui. Et comme votre vision du respect mutuel, même dans le désamour, est juste !

                  Ne prêtez pas attention à ceux qui se donnent tellement de mal pour paraître intelligents qu’ils fustigent la sensibilité. Beaucoup d’autres savent qu’elle n’est pas faiblesse, mais puissance.

                  cotcodec


                  • TALL 22 mai 2009 07:26

                    je ne fustige pas la sensiblité, au contraire ...
                    je la défends justement en m’attaquant à son ersatz de contrebande littéraire venu de quelq’un qui n’a évidemment pas vécu la chose


                  • TALL 22 mai 2009 07:58

                    On n’est jamais prêt, le Furtif ...

                    J’ai vécu le truc il y a 20 ans... le crabe l’avait tuée à 34 ans
                    Du coup quand j’ai lu cette daube, je l’ai direct ressentie comme un roman à midinettes
                    Quelqu’un qui cause de ce dont il ignore tout, et qui se fait applaudir par des connasses qui en savent encore moins.
                    Il suffit de voir leurs commentaires : « beau texte » disent-elles. Mais qu’est-ce qu’on en a à foutre d’un « beau texte » quand on vit des trucs pareils ?
                    C’est d’une dérision néantissime.

                  • Monolecte Monolecte 22 mai 2009 08:31

                    Donc, si je te suis bien, on ne peut parler que de ce que l’on a vécu intimement, dans sa chair, de ce qui touche notre nombril ? En suivant ce raisonnement, il y a pas mal d’écrivains à jeter aux chiottes et que dire des politiques qui parlent du chômage, de la misère, du travail, de la frugalité et qui rentrent ensuite dans un 340m² bien placé au centre de Paris et qui règlent (avec le compte de la princesse) en un repas ce que beaucoup d’autres mettent plusieurs mois à gagner.
                    Je viens d’une famille pleine de pudeur, qui souffre dignement et dans le silence. Une famille où l’on n’exprime pas les sentiments, comme si c’était de la merde qu’on étale sur les murs. Une famille, donc, où personne ne sait dire « je t’aime » où personne ne sait juste prendre un enfant qui souffre dans les bras, une famille où les bras, ça sert à bosser, pas à consoler.

                    J’emmerde la pudeur, la retenue et la dignité, quand il s’agit de traverser la vie comme un hall de gare, détaché, à pas pressés. J’aime me colleter à la vie, à la fureur, aux débordements du cœur et de l’esprit. J’aime que ça bouge, j’aime que ça vive, j’aime que ça crie, j’aime même la douleur, parce qu’elle prouve que tu es encore vivant !
                    Je trouve qu’on en crève de ne rien se dire, de ne rien partager, de ne rien s’autoriser à éprouver.

                    Non, je n’ai pas encore porté le deuil, parce que dans ma famille, on vit très très longtemps, mais t’inquiète, ça m’arrivera aussi. Cela dit, cela n’empêche pas l’empathie avec les autres, cela n’empêche pas de ressentir les choses, comme la peine abyssale de mes amis.


                  • Sandro Ferretti SANDRO 22 mai 2009 08:38

                    Au Furtif et à Tall :

                    « J’ai appris à vivre, pour ainsi dire, avec l’idée que je ne trouverai jamais la paix ni le bonheur. Mais tant que je sais qu’il y a une chance assez bonne de mettre la main sur l’un ou l’autre de temps en temps, je ferai de mon mieux entre les grands moments ».

                    Hunter S. Thompson


                  • TALL 22 mai 2009 08:52

                    Monolecte


                    En suivant ce raisonnement, il y a pas mal d’écrivains à jeter aux chiottes et que dire des politiques qui parlent du chômage......

                    Absolument oui ... je confirme. Sauf pour ceux qui écrivent des fictions naturellement, puisque là, le genre est annoncé. Et ne me dis pas que tu crois au barratin des politiciens... parce qu’alors, pour ton « poil à gratter », t’es mal barrée

                  • TALL 22 mai 2009 08:56

                    T’as tout compris, Sandro


                    • Sandro Ferretti SANDRO 22 mai 2009 17:41

                      @ Tall, Furtif et Monolecte.

                      Quelques mots de mon pote Brautigan, que vous avez bien voulu voir dans la Buick hier :

                      « Un jour de sa vie, il comprit soudain qu’il avait plus de très bons amis morts qu’il n’en avait de vivants. La première fois que cela lui traversa l’esprit, il passa toute une après-midi à retourner des milliers de gens dans sa téte, comme un annuaire téléphonique, pour voir si c’était bien vrai.
                      Ca l’était. Il commenca par se sentir triste. Puis, lentement, la tristesse fit place à rien du tout et ça, c’était déjà mieux. Ce fut comme de ne pas voir que le vent souffle quand il fait tempéte.
                      Comme d’avoir l’esprit ailleurs.
                      Là-bas, il n’y a pas de vent. »

                      From « Tokyo-Montana Express. »


                    • TALL 22 mai 2009 17:57

                      Sandro

                      Un peu dans le genre j’ai bien aimé « Thelma et Louise »

                    • TALL 22 mai 2009 18:02

                      Quand je dis « dans le genre » c’est que le point de départ ( un certain désespoir ) et le point d’arrivée ( la mort ) sont les mêmes, mais le chemin entre les 2, lui, est complètement à l’antipode


                    • hervus 22 mai 2009 10:25

                      @ Tall
                      Cher monsieur...Si vous aviez vécu la chose, comme vous dites si bien,, il m’est avis que vous seriez plus tolérant...Vous n’avez, je crois, encore rien compris : en tous les cas, vous n’avez pas compris que l’on ne comprend jamais..Et qu’il convient de rester humble.....Vos certitudes sarcastiques me font désespérer de l’espèce humaine......Quand saurez vous qu’il n’y a rien à gagner à taper sur les autres ?????


                      • TALL 22 mai 2009 11:06

                        « hervus » appartient à une catégorie de logos très prisée sur avox...


                        Une catégorie créée par des gens qui ont un logo bien connu ayant « pignon sur avox », mais qui veulent préserver ce logo « officiel » pour + commodément m’agresser derrière un 2e masque anonyme, afin de préserver la belle image de leur logo « officiel »

                        Ce qui leur permet de mieux tenir le rôle du donneur de leçons tolérant ... ha ha ha ! smiley

                      • freeal freeal 22 mai 2009 12:23

                        @Tall, ce que vous écrivez ne mène à rien. S’évertuer à dézinguer un texte sensible, modeste, une douce plainte ordinaire de la vie ( et de la mort) de tous les jours ...pourquoi ? Est-ce qu’il n’y aurait pas, se cachant derrière vos sarcasmes un bon gros bourrin embêté par le réalisme de ce texte, concerné même et se sentant trop affecté pour y avouer des ressemblances avec son véçu. C’est la seule explication que j’y vois. Car dénigrer avec autant d’énergie cette histoire ordinaire et touchante n’a pas d’autre explication. Merci monolecte pour cette petite tranche de vie des autres que vous avez exposé avez beaucoup de sensibilité. Pour une fois il n’y a ni polémique, ni appel masqué à l’indignation, ni délation ... ça repose.


                        • TALL 22 mai 2009 14:12

                          S’évertuer à dézinguer un texte sensible, modeste, une douce plainte ordinaire de la vie ( et de la mort) de tous les jours ...pourquoi ?


                          Parce que c’est de la sensiblerie de contrebande. Quand on n’y connaît rien, il vaut mieux fermer sa gueule. D’ailleurs au vu du score sur mon post initial, la majorité silencieuse m’approuve. Il n’y a que le fan-club de la madame qui est venu dire que c’était beaaaauuuuuuu, et que j’étais un vieux con. Ce qui situe bien le niveau.

                          Ceci dit, s’il fallait flinguer toutes les daubes débiles qu’on lit sur avox ( et ailleurs ) on ne ferait plus que ça ... ça, c’est vrai

                          et maintenant, salut

                        • werther_original werther_original 22 mai 2009 18:52

                          Mais non Tall , j’ai plussé toutes vos commentaires , je suis avec vous sur ce coup la.

                          Il y a , certes , un intérêt à parler de l’amour , de la mort. Mais pas en utilisant un tel registre.


                        • TALL 22 mai 2009 19:12

                          voilà ... merci, la tronche amie smiley


                        • Sandro Ferretti SANDRO 22 mai 2009 20:58

                          @Furtif :
                          « Avec mon coeur battant jusqu’à la dernière battue ».
                          Léo Ferré

                          PS : pour toi qui t’y connais en sanglier....


                        • TALL 22 mai 2009 21:32

                          furtif


                          inconditionnel de monolecte ... merci de l’honnêteté ... j’apprécie
                          ceci dit, je ne suis pas anti-monolecte non plus, je ne la connais pas

                          par contre, écrire ça, non... impossible
                          je la connais depuis trop longtemps, la faucheuse

                          quant à l’humeur du jour, elle a seulement joué sur la pulsion de répondre, c’est tout...
                          car en général, je lis les 5 premières lignes, les 5 dernières, éventuellement des bribes au milieu, et puis je passe à autre chose si ça ne m’intéresse pas
                          point-barre

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