Les États-Unis affichent un échec total pour les couches les plus pauvres, mais attention pas seulement. Le salaire d’embauche à environ 5 dollars actuellement devrait être de 22 dollars s’il tenait compte du coût de la vie.
Deuxième point, les jeunes se sont précipités en masse, en suivant les conseils des journaux sur l’emploi (produits par les employeurs) dans des secteurs tels que l’informatique et la gestion, où le chômage frappe très fort et où il existe de nombreuses possibilités de délocalisation.
Le salaire d’embauche y est descendu de 20 pour cent.
Avec une pauvreté réelle et démontrée qui touche un grand nombre de personnes (environ 50 millions), une baisse de niveau de vie pour un nombre croissant de travailleurs, une absence de perspective pour les jeunes (y compris ceux qui font des études dans les secteurs prétendument prometteurs) avec la disparition des emplois industriels, il est certain que l’augmentation exponentielle des rémunérations et des privilèges que s’accordent les grands dirigeants est de plus en plus problématique et mal vue, même aux États-Unis, royaume du capitalisme.
À cela s’ajoute la crise du dollar.
Même les Saoudiens envisageaient de passer à l’euro.
Prêts à l’Europe et à l’Asie après-guerre, développement de leur industrie d’armement et pétrodollar ont permis aux États-Unis de devenir le principal joueur et policier international (et donc de traiter ses alliés et ses ennemis avec brutalité : d’où son isolement politique).
Les États-Unis sont dans une situation économique et politique précaire. En fait, la crise y est plus avancée que dans les autres pays.
Pour ce qui est de la réussite d’une classe moyenne afro-américaine, c’est exact, mais il faut nuancer.
Il a fallu la grande peur des émeutes pour qu’une partie de la jeunesse noire puisse entrer dans les universités. Et la discrimination positive a permis, bon an mal an, à cette classe moyenne de naître (de relativement petite taille) après le mouvement des droits civiques.
Il faudrait calculer de façon précise le nombre d’entreprises réellement tenues par des Noirs, leur chiffre d’affaires et comparer, pour avoir une idée de la réalité.
Si une classe moyenne noire a pu émerger (avec les réserves émises ci-dessus - et il faudrait en plus définir ce qu’on entend exactement par classe moyenne), elle est concentrée dans certains secteurs moins lucratifs.
Mais dans l’ensemble, la population noire demeure la communauté la plus pauvre, après les Mexicains, qui sont pourtant arrivés plus tard.
Et les pauvres (au moins 50 millions) se sont appauvris.
Aux États-Unis, on peut facilement embaucher des illégaux et des immigrés et les « débaucher » tout aussi facilement lorsqu’on n’en a plus besoin (et les renvoyer chez eux s’ils ont insolents), ce qui permet évidemment d’écraser au maxiumum les salaires et de condamner une masse de gens au chômage définitif. .
Il faut donc là encore savoir de quoi on parle, de qui on parle et d’où on parle (c’est à dire en se mettant « à la place de qui ») lorsqu’on analyse le bilan américain.
Si on se met à la place du patron qui préfère embaucher des illégaux à cause de la « rigidité des règles du droit du travail », pas de problème. Dès qu’on a une imagination suffisamment exercée pour envisager que le hasard ou la malchance aurait pu nous faire naître dans un des quartiers pauvres de Mexico ou de New York, le discours devient, évidemment, assez différent.
En outre, il faut savoir que le tertiaire (les services) se délocalise à tour de bras.
Pour celui qui ne se voit qu’en « patron », la survie des membres d’autres groupes sociaux est une question secondaire. Nous avons bien compris.
Ainsi, ceux qui se font systématiquement les porte-parole des grands dirigeants et n’abordent jamais la discussion en se plaçant du point de vue du salarié et du chômeur ont selon moi une attitude étrange qui mérite d’être analysée.
On peut supposer qu’ils se croient « destinés » voire « appelés » à être patrons.
Les raisons psychologiques et politiques de cette conviction ou de cette croyance seraient, j’insiste, intéressantes à étudier, car ce qui frappe, c’est que le patron, surtout le petit, sous sa forme la plus répandue, (petit commerçant ou patron de minuscule firme-conseils ou gérant de boîte franchisée) est rarement autre chose qu’un individu qui voulait éviter, par tous les moyens (et ce « tous les moyens » est très important) d’être lui-même un salarié ... à moins qu’il ait tout simplement repris l’entreprise de papa, auquel cas, il ne s’est même pas posé la question.
D’où, je crois, cette espèce de haine sourde, cette négation à l’égard du travailleur-salarié, cette peur même des travailleurs, ce qui est un peu embêtant, car des salariés, le patron dépend.
C’est ce qu’on appelle le retour du refoulé.
Je soutiens donc ici qu’il faut s’intéresser aux véritables motivations du petit patron (qui, comme j’essaye de le montrer, hait profondément le statut de salarié) : s’intéresser à ce qu’il est, à ce qu’il croit qu’il est, à ce qu’il veut qu’on croit qu’il est et à ce qu’il aurait voulu être, aux modes qu’il suit, à ses goûts, à ce qu’il mange, à ce qu’il achète, et finalement au régime politique qu’il préfère : c’est impératif.
Car après tout, ce groupe est celui qui dans la sociét, soutient le plus activement et le plus combattivement le groupe des grands capitalistes.
Qui se fout d’eux et les liquident s’il juge que c’est nécesssaire pour ses intérêts.
Leur accorde aussi peu d’importance que les petits patrons eux-mêmes n’en accordent aux « salariés », individuellement et collectivement.
Sous cet angle, le débat devient beaucoup plus intéressant, et plutôt ... amusant.
En plus de ce « pourquoi diable certains tiennent-ils à être des petits patrons dans un système aussi favorable à la grande entreprise »
il serait bon d’ouvrir le débat sur d’autres questions du genre :
que vendent la majorité des entreprises (petites ou grandes) ?
et
la différence de vision et de psychisme entre les patrons inventeurs/créateurs et le « modèle » ordinaire et majoritaire du patron.