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Commentaire de Naja

sur Le droit sacré des victimes


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Naja Naja 12 juin 2009 02:34

Bonsoir,

Je voulais répondre à votre commentaire mais n’ai pas eu le temps de repasser avant.

Déjà, merci d’avoir pris le temps de lire ma longue prose !

Ensuite, vous dites :
"dénoncer une attitude qui ressort d’un reliquat de pensée religieuse, quant aux victimes, n’est pas une manière de dénier aux victimes leur souffrance."
Je suis tout à fait d’accord avec vous !

Voici comment je vois les choses, pour le moment :

Il y a d’une part une icône sacrée (ou un archétype, ou une figure mythique, comme vous voulez) de la victime-héros-intouchable-inattaquable.
D’autre part des individus réels, physiques, ayant été victimes de préjudices.
Les ennuis commencent quand s’opère une confusion entre les deux, à une échelle collective. Car la figure sacrée est détentrice d’un pouvoir énorme et il y a tout lieu de redouter ce qu’il advient quand des personnes physiques s’en emparent .

Ma lecture des nombreux propos sur la sacralisation m’amène à constater que ce genre d’analyses repose sur le présupposé suivant : les victimes (et l’on ne se demandera en général pas de qui l’on parle) s’identifient et/ou sont effectivement identifiées à ladite figure. De ce fait, elles se sont suceptibles de se penser en position de réclamer tous les droits, voire jouissent d’ores et déjà du pouvoir redouté.
Face à la crainte légitime des graves dérives auxquelles un tel fait pourrait conduire, il convient alors de le dénoncer. Et il devient logique, voire même souhaitable, de s’efforcer de faire redescendre les personnes victimes du piédestal sur lequel elles se mettraient ou seraient mises. C’est l’hypothèse que j’ai formé pour m’expliquer les fréquentes insultes et attaques que comportent le plus souvent ces discours.

Or, l’observation révèle que le présupposé est faux. Les déductions que l’on en fait relèvent donc du mythe.
Les personnes qui demandent réparation auprès de la justice ne sont, individuellement, pas du tout sacralisées mais trop souvent ignorées, niées voire carrément accusées de calomnie.
Ensuite (et je ne prétends pas poser une vérité absolue en disant ce qui suit), la plupart des victimes que je connais se débrouillent très bien toutes seules pour se rabaisser.
Enfin, contrairement aux apparences, les politiques ne leur accordent pas tous les droits ou une considération exagérée, inique.
Pour le moment en France, la seule personne physique qui se soit effectivement emparé du fascinant pouvoir de l’image de la victime sacrée, c’est notre président. Et il le fait pour tenter de justifier sa politique sécuritaire et son idéologie puante. Il n’est pas question des intérêts des personnes victimes là dedans.

Si bien que parler de sacralisation des victimes est à mon sens, soit une erreur, soit un dangereux raccourci. Les personnes victimes ne sont pas individuellement considérées comme sacrées (sacralisées donc) parce que quelque politique détourne le pouvoir d’une image sacrée...

Exemple :
Qu’une association milite pour que l’inceste (imposé) soit nommé et pris en compte dans toute sa dimension n’a en soi rien de dangereux. Que leur demande soit finalement instruite et qu’un projet de loi soit émis en ce sens, non plus.
Au législateur de se creuser la tête, aux députés et aux sénateurs de débattre, modifier, puis voter ou rejeter la proposition de loi. C’est l’exercice de la démocratie. Le droit n’est pas révélé aux juristes tel une parole divine immuable et indiscutable. Il s’applique aux hommes et vise donc à légiférer les faits de sociétés pour ce qu’ils sont, deviennent, etc. Non ?
Et pour autant que je sache, nommer un crime et se donner les moyens d’un traitement judiciaire adéquat ne met pas en péril le respect de l’égalité des droits de chacun.

Il me semble que ceux qui supposent que les individus lésés tendent à être investi dudit pouvoir sacré... se trouvent, quelque part, dans la confusion qu’ils dénoncent. C’est ce que je tentais, plus ou moins laborieusement de dire dans l’article que j’ai proposé en lien.


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