Pour info : nouvelle de Reuters de 14h45.
Le financement en 1995 de la campagne
présidentielle d’Edouard Balladur, que soutenait alors Nicolas Sarkozy,
est au coeur de l’enquete sur l’attentat anti-français de Karachi de
2002, confirme un document.
Ce
courrier de 2007 du parquet de Paris, que Reuters s’est procure,
mentionne la societe Heine, creee au Luxembourg en 1994 par la
Direction des constructions navales (DCN) et destinee au versement de
commissions officiellement legales à l’epoque pour faciliter la
conclusion des marches d’armement.
Citant des elements de
l’enquete, le courrier du procureur envisage un lien avec le
financement de la campagne electorale du Premier ministre de l’epoque,
Edouard Balladur, que dirigeait Nicolas Sarkozy, ministre du Budget de
1993 Ã 1995.
Les juges d’instruction Yves Jannier et Marc
Trevidic pensent que c’est l’arret en 1996 puis en 2000 de paiements de
commissions au Pakistan
en partie par cette structure luxembourgeoise de la DCN, qui aurait
amene des militaires pakistanais à commanditer l’attentat du 8 mai 2002.
Precipitant
un vehicule bourre d’explosifs sur un bus, un kamikaze avait tue Ã
Karachi 14 personnes, dont 11 ingenieurs et techniciens français de la
DCN, qui travaillaient sur place à la construction de sous-marins
Agosta.
Le versement de « commissions » - souvent un alibi pour des
operations de corruption, officiellement declare illegal par la France
en 2000 - avait bien ete convenu dans ce contrat de sous-marins signe
en septembre 1994, verse au dossier judiciaire et dont une reproduction
est publiee jeudi par Liberation.
LE PS VEUT UNE COMMISSION D’ENQUETE
Le courrier du procureur Jean-Claude Marin consulte par Reuters detaille les faits decouverts sur la societe Heine.
"Plusieurs
documents viennent interroger sur la nature exacte de cette activite en
lien avec les pouvoirs publics", ecrit le procureur, qui fait reference
à un document chronologique (1994-2004) d’une page, non date ni signe,
racontant les circonstances de la creation de la societe Heine.
Ce
document saisi à la DCN mentionne "l’aval du directeur de cabinet du
Premier ministre (Edouard Balladur - NDLR) et celui du ministre du
Budget (Nicolas Sarkozy-NDLR) et laisse supposer des relations ambigues
avec les autorites politiques en faisant reference au financement de la
campagne electorale de M. Balladur pour la presidentielle de 1995",
explique-t-il.
Le magistrat ajoute qu’a l’appui des soupsons
pesant sur la societe Heine, il peut aussi citer les menaces profereees
par ses dirigeants, dans le cadre de querelles internes, de "reveler la
nature des missions qui leur avaient ete confiees".
Edouard Balladur ne beneficiait pas en 1995 des financements de son parti, le RPR, reserves à J. Chirac.
L’ancien
Premier ministre a nie toute irregularite dans une declaration à France
3 le 18 juin. Nicolas Sarkozy a qualifie le 19 juin de « fable »
l’ensemble du scenario faisant etat de commissions donnant lieu à des
« retrocommissions » en France.
Cependant, l’arret du paiement de
commissions au Pakistan et à d’autres pays, apres la victoire de
Jacques Chirac sur Edouard Balladur en 1995, a ete confirme à Paris
Match mercredi par Charles Millon, ministre de la Defense entre 1995 et
1997.
"Peu apres ma nomination en 1995, Jacques Chirac m’a
demande de passer en revue les differents contrats de ventes d’armes en
cours et de stopper le versement des commissions pouvant donner lieu Ã
des retrocommissions. C’est ce qui a ete fait", dit-il.
Des
auditions deja menees au sein de la DCN laissent penser que les
commissions promises au Pakistan prenaient aussi d’autres circuits que
la societe Heine et s’elevaient à plusieurs dizaines de millions
d’euros au total.
Le collectif des familles de victimes entend
demander les auditions d’Edouard Balladur et Jacques Chirac, a dit
Magali Drouet, porte-parole du collectif des familles de victimes.
"On
espere aujourd’hui que l’affaire ne sera pas etouffee. D’autres
dossiers de ce genre l’ont ete mais là , il y a des familles avec des
morts derriere, les politiques sont pas tout seul", a-t-elle declare Ã
Reuters.
Le Parti socialiste a demande une commission d’enquete
parlementaire. "Nous demandons la verite sur tout ce qui s’est passe.
J’ai l’impression qu’on veut cacher quelque chose", a dit le president
du groupe PS Jean-Marc Ayrault sur RTL.