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Commentaire de Frédéric Alexandroff

sur Le Triomphe de la Médiocratie ?


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Frédéric Alexandroff Frédéric Alexandroff 29 juin 2009 13:50

Bonjour Céline,

Je m’en voudrais de faire de vous une anti-républicaine, aussi préciserai-je quelque peu ma pensée.

Vous écrivez, et en un sens vous n’avez pas tort, que « c’est à l’Etat de déterminer ce qui est légal, oui. (...) Mais ce n’est pas à l’Etat de tracer la frontière entre ce qui est moral et ce qui est immoral ».

Ce faisant, vous reconnaissez implicitement que tout acte qui n’est pas interdit par la loi est « faisable », c’est-à-dire acceptable, sauf à considérer la question de sa moralité ou de son immoralité. Or, dans nos sociétés démocratiques et laïcisées, tout ce qui relève un tant soi peu de la morale a tendance à être vilipendé, et soulever la question vous relègue immédiatement au rang de curaillon victorien égaré dans un monde de pornographie triomphante. Donc, par simplification, et les gens aiment les choses simples, voire simplistes, tout ce qui est légal est moral.

Voilà où je voulais en venir en parlant d’exemplarité, et en niant le concept d’horizontalité politique. L’homme (au sens d’être humain, bien entendu. Je ne voudrais pas vous froisser), dès sa naissance, a tendance à regarder vers le haut : d’abord ses parents, puis ses professeurs, enfin ses patrons et ses dirigeants politiques, et calquent sa propre attitude sur l’image qu’ils renvoient.

Il doit donc y avoir une morale civile, c’est-à-dire laïque, quand bien même elle s’inspirerait d’éléments de la morale religieuse. Après tout, je n’ai jamais rencontré de défenseurs de la laïcité, aussi intransigeant soit-il (et je fais partie de ceux-là) qui estime qu’on devrait légaliser le meurtre sous prétexte que la Bible dit : « Tu ne tueras point ». Loi et morale vont souvent de paire, et si ce terme, « morale », vous agace ou vous fait peur, remplacez-le simplement par « éthique ». La République n’est pas une religion, c’est vrai. Mais si elle veut faire le poids face aux religions, qui ne sont pas ses alliées naturelles, elle a tout intérêt à ne pas leur abandonner la morale.

Plus bas, vous écrivez : « L’enjeu de la démocratie est de faire le lien, de relier en quelque sorte, la morale et la politique. Mais confondre les deux est un désastre intellectuel qui conduit généralement tout droit à un autre régime : la démagogie ». Je pourrais en écrire une tartine sur le sujet, d’autant que vous effleurez là un thème qui m’est cher, à savoir les cycles des régimes politiques, si brillamment décrits par Platon.

Je citerai simplement cette phrase de la République, où Platon parle de la démocratie : « Eh bien, dis-je, comme j’allais le dire à l’instant, ce désir insatiable d’elle (de liberté) et l’indifférence à l’égard de tout le reste, c’est cela qui fait changer ce régime et le prépare à avoir besoin de la tyrannie. »

Ma chère Céline, répondez-moi franchement : la démagogie et sa molle tyrannie, ne sommes-nous déjà pas en plein dedans ?

Quant à penser que « chacun sait naturellement ce qui est bien et ce qui est mal », ma foi, vous êtes une optimiste. Ou alors, vous vivez dans une caverne.

Amicalement,

Frédéric Alexandroff


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