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Accueil du site > Tribune Libre > Le Triomphe de la Médiocratie ?

Le Triomphe de la Médiocratie ?

Connaissez-vous Jean-Paul Alduy ? Non ? C’est étonnant. Oui, c’est étonnant, et pas seulement à cause de cette fameuse « affaire de la Chaussette » qui lui a valu l’annulation du scrutin de mars 2008 qui avait vu sa réélection, par 574 voix d’avance, comme maire de Perpignan. Annulation prononcée par le Tribunal Administratif de Montpellier et confirmée par le Conseil d’Etat. La raison en était, rappelons-le, la découverte de bulletins et d’enveloppes dissimulés dans les poches et les chaussettes du président d’un bureau de vote, frère d’un colistier de M. Alduy.

Les habitants de Perpignan viennent de s’exprimer : monsieur Alduy a été réélu, avec plus 53% des suffrages selon les estimations disponibles à l’heure où j’écris ces lignes. 

En réalité cependant, ce n’est pas de monsieur Alduy dont je veux parler, ni de la vie politique perpignanaise. Monsieur Alduy n’a, en lui-même, pas la moindre importance. Sa personne n’est pas en cause, et d’ailleurs le Conseil d’État a conclu qu’il n’était pas impliqué dans la fraude. Il n’empêche. Sa réélection n’en constitue pas moins le symbole délirant du mal qui ronge la République, à savoir l’incapacité de l’électeur, dans l’exercice de ce que la Constitution ne voit, hélas, que comme un droit, à s’investir, à réfléchir, à sortir de l’apathie naturelle de l’être humain moyen pour s’intéresser à autre chose qu’à lui-même, bref à assumer pleinement son rôle de citoyen.

 

"Le Syndrome du Mouton Démocrate"

Car les faits sont là, sans appel, et les précédents nombreux. En 2002, les habitants de Levallois réélisent, et dès le premier tour s’il vous plaît, Patrick Balkany, faisant fi de ses multiples casseroles. En 2006, c’est Alain Juppé qui retrouve son fauteuil d’édile à Bordeaux, lui aussi dès le premier tour de scrutin, après une démission collective de la majorité UMP-UDF à laquelle on n’a à ce jour toujours pas trouvé de fondement sérieux. On pourrait sûrement en citer d’autres. Finalement, il n’y aura guère eu que les Grenoblois pour renvoyer Alain Carignon dans les cordes, et de belle manière, refusant ainsi cette odieuse "prime à la casserole" dont personne ne semble réellement s’offusquer. 

La première question que l’on pourrait alors se poser est la suivante : pourquoi s’obstiner à voter pour un homme, ou même une femme, dont on sait très bien qu’il ou elle est capable de prendre, pour le moins, des libéralités avec la loi ou la morale ? Parce que c’est un bon maire ou un bon député ? Parce qu’à défaut d’être honnête il sait se montrer efficace, et qu’une bonne politique peut être appliquée par les mauvaises personnes ? Qui peut croire une chose pareille ? Combien de maires et de députés, de conseillers régionaux ou généraux, ont été reconduits à leur poste alors même qu’à longueur d’années, durant leur mandat, leurs administrés renâclent et pestent parce que, de leur point de vue, W, X, Y ou Z est un idiot, un crétin, un bon à rien sauf à dépenser l’argent des impôts pour faire le plus de unes possibles dans la presse locale, et dont on pourrait évaluer la nullité sur l’échelle de Richter ?

Il n’est plus question ici de "prime à la casserole". Il s’agit d’une authentique prime à l’incompétence, que j’appellerai le syndrome du mouton démocrate, maladie chronique de la démocratie.

L’être humain dispose d’une incroyable capacité d’adaptation. Pour survivre, il est capable d’inventer mille et une solutions audacieuses afin de tirer profit d’un environnement pourtant défavorable, voire tout bonnement hostile, et en fin de compte de retourner à son avantage une situation dont a priori il ne pouvait rien tirer de positif. C’est par cette caractéristique qu’il a prospéré, conquis une planète entière et que, demain peut-être, il en dominera d’autres.

Néanmoins, ce qui constitue un avantage en termes d’évolution et de prospérité de l’espèce devient une faiblesse lorsqu’il est question d’organisation politique. Sa capacité d’adaptation va conduire l’homme à s’habituer à cet environnement politique, au point qu’il fera corps avec lui. Comme un mensonge mille fois répétés devient la vérité de celui qui l’entend, l’accoutumance à un personnel politique défaillant engendre dans l’esprit du citoyen l’idée de la normalité. L’incompétence devient alors rassurante, elle matérialise la barrière mentale au-delà de laquelle le mouton qui sommeil en chacun refuse de s’aventurer. Et la compétence, de son côté, devient un risque, un territoire inconnu et a priori hostile. Alors, pour s’adapter à un système gangrené par le mensonge, la corruption, l’immoralité ou tout simplement l’ambition personnelle, l’homme va devenir comme le système et répliquer ses caractéristiques. Quand on veut survivre en pleine jungle, on adopte ses lois ; et "tuer avant d’être tué" est la première d’entre elles.

Car il n’existe pas d’"horizontalité politique". L’exemple vient d’en haut : c’est au pouvoir, à l’État, de déterminer et de dire ce qui est légal et ce qui est illégal, ce qui est moral et ce qui est immoral, juste ou injuste, équitable ou inéquitable, bref de tracer cette frontière de l’esprit entre ce qui est bien et ce qui est mal. La loi en est la première et la plus évidente des expressions, mais elle n’est certainement pas la seule. Le comportement des dirigeants est une balise, un phare aussi puissant que la loi elle-même, s’agissant de guider le peuple dans sa navigation au milieu des récifs nommés malhonnêteté, médiocrité, bêtise et égoïsme.

Alors, de ce point de vue là, que dire d’un homme public qui, à la question d’un journaliste concernant une potentielle affaire d’État, répond : "Enfin écoutez c’est ridicule. Franchement, monsieur, franchement c’est ridicule. Pas vous, hein, je me permettrais pas, je vous respecte mais enfin écoutez. Soit il y a des éléments, donnez-les nous. C’est grotesque, voilà, c’est ma réponse. Alors qu’est-ce que vous voulez que je vous dise ? Raisonnement : pour son financement Monsieur Balladur aurait accepté des commissions qui n’auraient pas été payées ensuite et ça a donné Karachi… Mais enfin, respectons la douleur des victimes. S’il vous plaît mais qui peut croire à une fable pareille ? Qui peut croire à une fable pareille ? Et puis si vous avez des éléments donnez-les à la justice et demandez à la justice qu’ils enquêtent. Mais enfin franchement qu’est-ce que vous voulez que je réponde là-dessus ? Mais, honnêtement, qu’est-ce que vous voulez que je réponde là-dessus ? Y a 14 ans, de surcroît. On est dans un monde où tout se sait, où la notion de secret d’État n’existe plus. 14 ans après vous venez me poser la question : "Est-ce que vous êtes au courant de rétro-commissions qui auraient pas été versées à des Pakistanais dans le cadre de la campagne de Monsieur Balladur  ?". Et vous, vous étiez pas au courant non plus, non ? Vous, vous, vous étiez peut-être journaliste à cette époque, peut-être à ce moment là je vous aurais… non, mais je ne vous en veux pas mais enfin écoutez franchement. Enfin, si y a un braquage à Bruxelles aujourd’hui, j’y étais… (rires dans le public) c’est incontestable." Nicolas Sarkozy se met alors à rire avant de reprendre : "Non pardon, hein, je ris pas du tout parce que Karachi c’est la douleur de familles et de trucs comme ça… mais… qu’est-ce que vous voulez que j’aille répondre là-dessus ?"

Oui, cela vous rappelle quelque chose. Tout le monde l’a vu, tout le monde l’a entendu car, comme le Président de la République l’a si bien dit, nous vivons dans un monde où tout se sait... jusqu’à un certain point, évidemment, et à condition de faire preuve d’un minimum de curiosité. Minimum syndical, dirai-je, dont le mouton démocrate ne dispose pas. Néanmoins je ne ferai aucun commentaire sur la déclaration de Nicolas Sarkozy, car là n’est pas mon propos. Je me contenterai de répéter ceci : l’exemple vient d’en haut. Et l’exemple, aujourd’hui, c’est lui. Ou plus exactement, il est l’exemple que les Français ont CHOISI.

 

Citoyen, où es-tu ?

Car on ne saurait remettre en cause la dernière élection présidentielle, du moins si l’on s’en tient à la stricte légalité. Plus encore, 54% des suffrages, avec une forte participation, constituent ce que l’on ne pourrait appeler autrement que la légitimité démocratique. Mais c’est justement de l’état de notre démocratie dont il est question, et ses fondations reposent aujourd’hui sur de vulgaires pilotis vermoulus. 

Comme je l’ai écrit plus haut, l’être humain s’habitue à la médiocrité du personnel politique, et il s’y habitue d’autant plus facilement que cette dernière le renvoie à la sienne propre. Qu’il est bon de pouvoir donner libre cours à ses passions, à ses envies, à ses lubies, et pourquoi diable y résister quand les dirigeants politiques, de quelque niveau que ce soit, offrent le spectacle récurrent d’une république quasi-bananière où tout est justifiable. Ce qui est illégal y est pardonnable. Ce qui est légal, mais immoral, n’a même pas à être pardonné.

Prenons un exemple. Un récent livre a entrepris de déboulonner le mythe politique sur lequel reposait l’image, que dis-je, l’icône pieuse de Bernard Kouchner, en pointant du doigt des actes pas forcément en conformité avec l’aura lumineuse du French Doctor. Combien de gens, après la polémique provoquée par le dernier ouvrage de Pierre Péan, ont clos le débat sur cette formule lapidaire : "Il n’a rien fait d’illégal" ? Ils sont nombreux. Et sur le fond, ils n’avaient pas tort. Mais le sous-entendu est clair : "À sa place, j’aurais fait pareil". Dès lors, plus rien n’est interdit. Un petit patron qui se paye son 4/4 sur les primes de fin d’année de ses employés, "économisées" pour cause de crise ? Mais il a raison, à sa place, j’aurais fait pareil !

L’exemple, bon ou mauvais, tient lieu de justification. L’intérêt personnel devient l’unique motivation.

Pour s’en convaincre, il suffit de revenir sur la dernière élection présidentielle, au cours de laquelle rien, aucun écrit, aucune analyse sociologique, psychologique ou politique, aucune étude scientifique ; bref, rien, n’a été aussi éclairant sur la nature profonde de l’être humain que les émissions diffusées ça et là, au cours desquelles un candidat faisait à un panel "représentatif" de la population française, pour répondre à leurs interrogations. Or, quels étaient les mots qui revenaient le plus souvent au cours de ces émissions ? Pas "démocratie". Pas "vote". Ni "chômage". Ni "éducation". Ni même "sécurité". Encore moins "République". Non. Rien de tout cela.

Les deux mots récurrents étaient : "Moi, je..."

"Moi, je". L’expression ultime de la perversion de l’individualisme, c’est-à-dire du fait de penser par soi-même, en égoïsme, fait de ne penser qu’à soi-même, et ce au nom de la liberté. Car c’est la liberté fondamentale de l’être humain, la seule qui lui reste lorsqu’il se retrouve en pleine jungle, que de défendre sa peau, donc ses intérêts et uniquement les siens, à l’exclusion formelle de tout autre. On ne peut pas comprendre l’élection de 2007, ni les deux années que nous venons de vivre, sans prendre en considération le "moi, je" et le consumérisme électoral qu’il véhicule. Car dès lors, gagner une élection ne repose plus que sur la capacité à identifier et à satisfaire la multitude des intérêts individuels, quitte ensuite à multiplier les mécontents pour leur rétorquer : "Nous avons été élus sur un programme. Nous l’appliquons". Qui n’a jamais croisé un électeur sarkozyste qui, à l’annonce de telle ou telle mesure, pourtant clairement annoncée, couchée noir sur blanc dans le programme du candidat UMP, s’écrie : "Eh ! J’ai pas voté pour ça, moi !". Il suffit de prendre le cas de certains patrons de petites ou moyennes entreprises, très satisfaits de "leur" président jusqu’au moment de payer les heures supplémentaires. 

Et le citoyen là-dedans ? Tel est bien le fond de cette problématique car, fondamentalement, il ne peut y avoir de véritable démocratie -et même, plus largement, de véritable État- sans véritables citoyens. Par "véritables citoyens", j’entends des individus suffisamment instruits pour réfléchir par eux-mêmes et ne pas se laisser guider par de vaines promesses, ou attirer par les lumières de vaines pensées ou idéologies. Car être citoyen, pour les Grecs, c’était avoir "droit de cité", et on ne saurait concevoir une telle puissance, l’expression, via le vote, d’une parcelle de la souveraineté nationale, sans un minimum d’investissement intellectuel et de rigueur morale.

Or, si ces événements, récents ou non, de la réélection de Patrick Balkany jusqu’à celle de Jean-Paul Alduy en passant par l’inertie des Français face aux multiples régressions, politiques, économiques et sociales, imposées par le gouvernement ; si ces événements prouvent quelque chose, c’est l’erreur fondamentale de jugement, quant à la nature profonde de l’être humain, sur laquelle repose notre prétendue démocratie. Benjamin Constant avait tort : l’élection d’un corps de représentants n’est pas de nature à justifier une quelconque limitation de la participation effective des citoyens à la vie publique, et la liberté des "Modernes" conduit inéluctablement le système démocratique à sa ruine : entre liberté et responsabilité, sans instruction suffisante, c’est toujours la première qui triomphe de la seconde, et le consommateur remplace le citoyen. La citoyenneté est un fardeau : elle suppose un effort, celui de la réflexion personnelle, et le dépassement de l’égoïsme fondamental qui est le lot de l’Homme à l’état de nature. Elle ne peut donc être conçue autrement que comme un devoir, et uniquement un devoir.

Alors, à tout ceux qui pensent que la République n’est pas qu’un radeau de la Méduse en passe d’être englouti par les flots tempétueux de la médiocrité, à tous ceux qui estiment que la démocratie vaut encore le coup qu’on la sauve avant qu’elle ne s’effondre comme un château de cartes et soit remplacée par -et je m’excuse auprès des défenseurs les plus acharnés de la laïcité pour cet écart de langage- Dieu sait quoi, à tous ceux-là, je dis ceci : "Nil desperandum". Ne désespérez pas. Donnez l’exemple, inlassablement. Ne laissez rien passer. Ne cédez jamais à cette petite voix entêtante, étrangement attirante quoique nasillarde, qui vous ordonne de tout laisser aller, de faire comme tout le monde, de bazarder la morale, la bonté, l’altruisme et toutes ces valeurs dont la seule évocation fait ricaner tant de gens pour lesquels quelques euros de plus, la commodité matérielle, ou tout simplement la puissance du mauvais exemple valent bien que l’on piétine la dignité d’autrui, que l’on crache sur son voisin... ou que l’on vote pour un maire à la Chaussette.

 

Frédéric Alexandroff

 

Je dédie cet article à la mémoire du Joël-Pascal Biays, éminent professeur de droit, mais surtout un homme de conviction qui s’est un jour ému et rengorgé qu’on puisse le comparer à Saint-Just. Un incorruptible qui nous a quittés trop tôt.


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36 réactions à cet article    


  • Cartman 29 juin 2009 10:24

    Tout à fait d’accord avec cette analyse du « syndrome du mouton démocrate ». Cependant, le rapport avec Perpignan est plutôt mal choisi.
    En effet, la réélection de Jean-Paul Alduy n’est pas comparable à celles de Balkany, Juppé, ou Carignon. Il n’a pas été mis en cause dans l’affaire des chaussettes. Les électeurs qui avaient voté pour lui il y a un an n’avaient pas de raison de changer d’avis.


    • HELIOS HELIOS 29 juin 2009 11:32

      bonjour...

      Evidement qu’il n’y a aucun rapport entre ce qu’a fait Alduy et ceux que vous citez !

      Il n’y a rien de tout ça, parce qu’il n’a pas eu le temps. Je ne fais aucun proces d’intention, mais, quand ses supporters sont capables de telle chose, c’est que ça ne va pas, pas du tout. On se doute de ce qui se passera apres.

      Les hommes politiques sont tous blancs comme neige : « c’est pas moi c’est l’autre... »
      dans la mafia, ce sont les hommes de mains qui tuent, jamais le parrain lui-même, souvenez vous en.

      Comme pour les Europeenes de ce 7 juin dernier, les perpignanais n’auront a s’en prendre qu’a eux-mêmes si cela ne va pas, apres tout c’est leur choix


      Pour revenir a un commentaire plus bas... lorsque le citoyen n’est plus apte a choisir, parcequ’il existe un deséquilibre, c’est a l’autorité publique a mettre des garde-fou. je trouve que l’ineligibilité est un bonne arme trop peu utilisée...


    • Frédéric Alexandroff Frédéric Alexandroff 29 juin 2009 12:41

      Bonjour Helios.

      Effectivement, l’inéligibilité est trop peu usitée et, pour tout dire, j’ai été estomaqué que Jean-Paul Alduy ait été autorisé à se représenter. Car en dépit de l’absence d’implication personnelle, c’est aussi une question de responsabilité qui se pose à celui qui réunit une groupe d’hommes et de femmes dans l’objectif de diriger une ville. La responsabilité personnelle du directeur de bureau aux chaussettes pleines aurait dû entraîner, à mon sens, la responsabilité politique du chef de file.

      Frédéric Alexandroff


    • Bois-Guisbert 29 juin 2009 10:47

      l’incapacité de l’électeur, dans l’exercice de ce que la Constitution ne voit, hélas, que comme un droit, à s’investir, à réfléchir, à sortir de l’apathie naturelle de l’être humain moyen pour s’intéresser à autre chose qu’à lui-même, bref à assumer pleinement son rôle de citoyen.

      Pourquoi il ferait cela, le citoyen ? Pour correspondre à l’image que s’en faisaient ces stupides petits marquis qu’on appelle - par antiphrase, j’imagine - les Lumières ?

      Vos « véritables citoyens » sont une utopique vue de l’esprit : les gens votent fondamentalement avec leurs tripes, en une démarche où les habitudes exercent, de surcroît, une influence considérable.

      Et n’oublions pas non plus que les élus doivent de faire la différence à des gens qui n’ont pas voté pour eux stricto sensu, mais contre l’autre. A partir de là, vous faites sourire quand vous écrivez : 

      La citoyenneté est un fardeau : elle suppose un effort, celui de la réflexion personnelle, et le dépassement de l’égoïsme fondamental qui est le lot de l’Homme à l’état de nature. Elle ne peut donc être conçue autrement que comme un devoir, et uniquement un devoir.


      • Frédéric Alexandroff Frédéric Alexandroff 29 juin 2009 16:42

        Bonjour Bois-Guisbert,

        Eh oui, je suis un grand naïf : je crois qu’il est possible, pour chaque homme et chaque femme de ce pays, de s’arrêter un moment d’agir en vulgaire consommateur, de mobiliser les quelques neurones de son cerveau que TF1 et M6 n’ont pas encore dissous, de réfléchir sérieusement aux questions qui concernent la société tout entière (et pas seulement leur petite personne) et voter en conséquence.

        Les tripes n’ont rien à voir avec la citoyenneté. Le seul endroit où elles s’expriment, ce sont les gogues. Mais si c’est l’idée que vous vous faites d’un isoloir...

        Frédéric Alexandroff


      • Walden Walden 29 juin 2009 16:59

        ... Ce qui est une manière de redire, et ce n’est pas faux, qu’on a les élus qu’on mérite. Telle est la faiblesse de la démocratie élective.

        Mais ce n’est PAS un fait intrinsèque, ni à la démocratie, qui pourrait revêtir d’autres formes (démocrratie directe et mandat impératif, voire stokhocratie), ni à la citoyenneté - laquelle s’avère développée à la mesure de l’éducation civique dispensée (quasiment nulle en l’état).

        Les « citoyens moyens » ne disposant donc pas d’un criterium rationnel auquel se référer pour désigner leur représentants, ils votent avec ce qui leur reste : leur ressenti, c’est-à-dire leurs tripes, comme il est dit plus haut.

        Et ils ont naturellement tendance à élire des gens qui leur ressemblent assez : des beaux-parleurs, des simplificateurs, voire des magouilleurs... d’autant mieux si ceux-ci ont le talent de bien vendre leur camelote sous des dehors avantageux, comme le commerce actuel vend mieux un produit médiocre s’il est bien emballé.

        Telle est la culture de l’apparence promue par la société du spectacle. Un permanent spectacle à sensations, que les medias de masse vendent à guichet fermé. Pour le plus grand profit des profiteurs.


      • Frédéric Alexandroff Frédéric Alexandroff 29 juin 2009 17:02

        On ne saurait mieux dire.


      • Bois-Guisbert 29 juin 2009 18:19

        Walden : «  …ce n’est PAS un fait intrinsèque, ni à la démocratie, qui pourrait revêtir d’autres formes (démocrratie directe et mandat impératif, voire stokhocratie), ni à la citoyenneté - laquelle s’avère développée à la mesure de l’éducation civique dispensée (quasiment nulle en l’état). »

        Ben non. Ce n’est intrinsèque ni à la démocratie ni à la citoyenneté, c’est intrinsèque à la nature humain qui, dans nos sociétés développées, fonctionne à la raison à hauteur de 20 % et à l’affectif pour les 80 % restants.


      • Bois-Guisbert 29 juin 2009 18:22

        « Eh oui, je suis un grand naïf : je crois qu’il est possible, pour chaque homme et chaque femme de ce pays, de s’arrêter un moment d’agir en vulgaire consommateur, de mobiliser les quelques neurones de son cerveau que TF1 et M6 n’ont pas encore dissous… »

        Ah mais, vous croyez ce que vous voulez. Il y a des gens qui croient en Dieu, d’autres aux horoscopes, d’autres encore aux OVNI, d’autres encore aux signes du destin… Il y en a même qui ont cru en Bernard Madoff, c’est assez dire que l’éventail confine à l’infini.

        « ...de réfléchir sérieusement aux questions qui concernent la société tout entière (et pas seulement leur petite personne) et voter en conséquence. »

        Et ça changerait quoi ? Je suis prêt à parier que sur les grands thèmes de société justement (peine de mort, immigration, énergie nucléaire, construction européenne, etc.), les différents blocs seraient les mêmes à quelque pour cent près. Ils ne rassemblaraient peut-être pas exactement les mêmes personnes, mais leur poids respectif serait inchangé.

        Mais vous, vous considérez peut-être que du moment que les gens réfléchissent, ils ne peuvent que parvenir aux mêmes conclusions que vous, qui réfléchissez. Si tel est le cas, vous connaîtriez de grandes désillusions, parce qu’à peu près toutes les causes peuvent être défendues avec des arguments rationnellement étayés.

        « Les tripes n’ont rien à voir avec la citoyenneté... »

        C’est exact, mais la citoyenneté n’a rien à voir non plus avec les choix électoraux.


      • Annie 29 juin 2009 10:56

        Un exemple frappant est celui de l’affaire de Karachi. Tout le monde s’accorde pour dire que les commissions sont une pratique généralisée. L’amiral pakistanais qui a reçu ces commissions a été condamné à 7 ans de prison (pas seulement pour ces commissions, mais elles sont mentionnées dans le procès-verbal). Le gouvernement pakistanais a mis en place un National Accountability Bureau (NBA) qui enquête sur toutes les affaires de corruption. Comment ne peut-on pas voir la corrélation entre ces pratiques et la corruption endémique qui sévit dans les pays en développement ? Comment ces pays peuvent-ils à la demande de la Banque Mondiale, du FMI etc. mettre de l’ordre dans leurs affaires lorsque les gouvernements et les entreprises des pays occidentaux recourrent systématiquement aux pots-de vin pour obtenir des marchés ?
        Mais pourquoi nos élus se priveraient-ils puisqu’il leur ait tout pardonné. Aucune incitation à ne pas recommencer.


        • LE CHAT LE CHAT 29 juin 2009 11:53

          Les gens commencent à rebeller , en témoigne l’arrivée en tête avec 39 % du front national avec Steeve Briois et Marine Le Pen à Henin Beaumont , loin devant les autres listes 20 et 17% , suite à l’invalidation du maire ripoux socialiste .

          Les chance d’emporter la mairie sont très importantes , sans problème en cas de triangulaire et même si il y a un duel avec un prétendu front républicain qui n’est qu’un front anti Fn destiné à faire réelire les mêmes pourris .


          • Frédéric Alexandroff Frédéric Alexandroff 29 juin 2009 12:46

            Miaou le Chat.

            Il est vrai qu’après la réélection d’Alduy à Perpignan, l’arrivée en tête de Marine Le Pen et du FN à Hénin-Baumont m’a presque mis du baume au coeur. Et j’espère que, ainsi que tu le dis, il s’agit des prémices d’une « rébellion » plus importante contre ce système que la gangrène gagne un peu plus chaque jour. La seule question est de savoir à quelle hauteur il faudra couper.

            Frédéric Alexandroff


          • FR-ank FR-ank 29 juin 2009 12:18

            Tres bonne article FELICITATIONS. un autre bonne exemple est aussi les elections europeennes : le soutien d’une droite liberale decomplexe....de la morale.
            cet article devrait etre lu par tous citoyen voulant etre vu comme tel ( et non seulement comme consommateur )
            Mais c’est vrai, c’est chiant d’etre citoyen car c’est un devoir avant un droit et c’est + dure de penser par soi meme que de se laisser dire les choses.
            « Ce n’est pas que c’est la mauvaise classe qui gouverne, c’est qu’il n’y a pas de bonne classe pour gouverner »
            C’est a nous tous de reprendre nos droits et devoirs, d’exercer un controle, une vigilance citoyenne sur nos elus.
            www.newropeans.fr


            • Frédéric Alexandroff Frédéric Alexandroff 29 juin 2009 13:09

              Bonjour FR-ank,

              D’abord merci. C’est bien connu, les chats sont des bêtes extrêmement narcissiques et donc sensibles à la flatterie, et c’est un trait de caractère que je partage avec ces fiers animaux que les Egyptiens avaient été jusqu’à déifier.

              Bon, d’accord, je divague.

              Plus sérieusement, et c’est ce que je voulais dire dans le dernier paragraphe de mon article, c’est qu’il incombe à ceux qui sentent encore le poids de la responsabilité citoyenne d’agir, come vous le dites, par des actes, bien sûr, mais aussi par des mots. Car ces derniers ne sont pas une si modeste arme : ils gouvernent le monde, avant Dieu (ou une entité dont l’existence reste à prouver, si vous êtes athée), l’argent ou le sexe, et j’emploie les miens, à mon modeste niveau, pour faire ce que j’estime être le bien.

              Merdi encore.

              Autre chose, puisque vous évoquez les élections européennes : avez-vous remarqué que le total des droites françaises a encore baissé depuis les dernières municipales ? Et l’UMP fête un « triomphe » ? Quelle blague...

              Frédéric Alexandroff


            • Frédéric Alexandroff Frédéric Alexandroff 29 juin 2009 16:21

              Euh... c’est « merci encore ». Pas « merdi ». Désolé. Mais essayez donc de taper sur un clavier avec des coussinets.


            • Moristovari Moristovari 29 juin 2009 12:23

              Ce problème de la confiance accordée aux malhonnêtes est vieux comme Hérode. Déjà, au début du siècle dernier, on pouvait lire ce témoignage :

              "P De Rousiers compare l’américain à un capitaine de navire qui, pendant une navigation difficile, n’a pas le temps de surveiller son cuisinier qui le vole. " quand on vient dire aux américains que leurs politiciens les volent, ils vous répondent d’ordinaire : parbleu, je le sais bien ! Tant que les affaires marchent, tant que les politiciens ne se trouvent pas en travers de la route, ils échappent, sans trop de peine, aux châtiments qu’ils méritent. "

              Pourquoi cette indéfectible confiance envers les élus qui abusent ? Parce que l’on vote moins pour une personne que pour un parti et une idéologie ? Parce que la malhonnêteté n’empêche pas la compétence ? Parce qu’aucun autre candidat sérieux ne se présente ? Parce qu’une bonne campagne médiatique fait de tout homme un saint ? Parce qu’un problème qui n’a pas d’incidence sur notre vie est jugé peu important ? On le voit : les réponses ne manquent pas.


              • Frédéric Alexandroff Frédéric Alexandroff 29 juin 2009 13:13

                Salut Calmos,

                Juste un petit message pour te préciser la chose suivante (qui n’est peut-être pas forcément évidente à la lecture de mon article, j’en conviens) : je ne suis pas de gauche. Et il coulera pas mal d’eau sous les ponts (et les chats iront sûrement s’y baigner) avant que je ne vote pour un de ces débiles de la rue de Solferino.

                Et tu as raison : Perpignan ou Hénin-Beaumont, en fin de compte, c’est du même tonneau.

                Miaulements amicaux,

                Frédéric Alexandroff


              • Frédéric Alexandroff Frédéric Alexandroff 29 juin 2009 13:53

                Pas de souci, Calmos. Que voulez-vous, ça m’arrive tout le temps, d’être pris pour un gauchiste. Depuis... environ deux ans.

                Je me demande bien pourquoi...

                Frédéric Alexandroff.


              • Céline Ertalif Céline Ertalif 29 juin 2009 12:41

                Car il n’existe pas d’« horizontalité politique ». L’exemple vient d’en haut : c’est au pouvoir, à l’État, de déterminer et de dire ce qui est légal et ce qui est illégal, ce qui est moral et ce qui est immoral, juste ou injuste, équitable ou inéquitable, bref de tracer cette frontière de l’esprit entre ce qui est bien et ce qui est mal.

                Même si je partage l’inquiétude sur le laxisme moral de nos concitoyens, dans cette période où Berlusconi donne souvent l’impression de servir de modèle à la Présidence Française, je suis en total désaccord avec les lignes que je viens de citer.

                C’est à l’Etat de déterminer ce qui est légal, oui. (Encore qu’un fédéraliste aurait de bonnes raisons de nuancer un peu...) Mais ce n’est pas à l’Etat de tracer la frontière entre ce qui est moral et ce qui est immoral. La République n’est pas une religion ! Ou alors vous allez me transformer en combattante anti-républicaine immédiatement, ce que je ne voudrais pas...

                La loi fait l’objet d’une délibération publique, elle est votée et écrite. En un mot, la loi est politique. La morale est d’abord privée, elle n’est ni négociée ni délibérée, ni écrite. La morale appartient au peuple. C’est cela la Révolution française : avant ni la politique ni la morale n’appartenait au peuple, la politique appartenait au Roi (le temporel) et la morale appartenait à l’Eglise (le spirituel).

                L’enjeu de la démocratie est de faire le lien, de relier en quelque sorte, la morale et la politique. Mais confondre les deux est un désastre intellectuel qui conduit généralement tout droit à un autre régime : la démagogie.

                Une deuxième fois je souligne que je ne me sens pas hostile à l’esprit de l’article. Mais l’analyse me paraît profondément fausse. L’horizontalité politique n’existe pas ? Bien sûr que si, cela s’appelle la morale, où chacun sait naturellement ce qui est bien et ce qui est mal.


                • Frédéric Alexandroff Frédéric Alexandroff 29 juin 2009 13:50

                  Bonjour Céline,

                  Je m’en voudrais de faire de vous une anti-républicaine, aussi préciserai-je quelque peu ma pensée.

                  Vous écrivez, et en un sens vous n’avez pas tort, que « c’est à l’Etat de déterminer ce qui est légal, oui. (...) Mais ce n’est pas à l’Etat de tracer la frontière entre ce qui est moral et ce qui est immoral ».

                  Ce faisant, vous reconnaissez implicitement que tout acte qui n’est pas interdit par la loi est « faisable », c’est-à-dire acceptable, sauf à considérer la question de sa moralité ou de son immoralité. Or, dans nos sociétés démocratiques et laïcisées, tout ce qui relève un tant soi peu de la morale a tendance à être vilipendé, et soulever la question vous relègue immédiatement au rang de curaillon victorien égaré dans un monde de pornographie triomphante. Donc, par simplification, et les gens aiment les choses simples, voire simplistes, tout ce qui est légal est moral.

                  Voilà où je voulais en venir en parlant d’exemplarité, et en niant le concept d’horizontalité politique. L’homme (au sens d’être humain, bien entendu. Je ne voudrais pas vous froisser), dès sa naissance, a tendance à regarder vers le haut : d’abord ses parents, puis ses professeurs, enfin ses patrons et ses dirigeants politiques, et calquent sa propre attitude sur l’image qu’ils renvoient.

                  Il doit donc y avoir une morale civile, c’est-à-dire laïque, quand bien même elle s’inspirerait d’éléments de la morale religieuse. Après tout, je n’ai jamais rencontré de défenseurs de la laïcité, aussi intransigeant soit-il (et je fais partie de ceux-là) qui estime qu’on devrait légaliser le meurtre sous prétexte que la Bible dit : « Tu ne tueras point ». Loi et morale vont souvent de paire, et si ce terme, « morale », vous agace ou vous fait peur, remplacez-le simplement par « éthique ». La République n’est pas une religion, c’est vrai. Mais si elle veut faire le poids face aux religions, qui ne sont pas ses alliées naturelles, elle a tout intérêt à ne pas leur abandonner la morale.

                  Plus bas, vous écrivez : « L’enjeu de la démocratie est de faire le lien, de relier en quelque sorte, la morale et la politique. Mais confondre les deux est un désastre intellectuel qui conduit généralement tout droit à un autre régime : la démagogie ». Je pourrais en écrire une tartine sur le sujet, d’autant que vous effleurez là un thème qui m’est cher, à savoir les cycles des régimes politiques, si brillamment décrits par Platon.

                  Je citerai simplement cette phrase de la République, où Platon parle de la démocratie : « Eh bien, dis-je, comme j’allais le dire à l’instant, ce désir insatiable d’elle (de liberté) et l’indifférence à l’égard de tout le reste, c’est cela qui fait changer ce régime et le prépare à avoir besoin de la tyrannie. »

                  Ma chère Céline, répondez-moi franchement : la démagogie et sa molle tyrannie, ne sommes-nous déjà pas en plein dedans ?

                  Quant à penser que « chacun sait naturellement ce qui est bien et ce qui est mal », ma foi, vous êtes une optimiste. Ou alors, vous vivez dans une caverne.

                  Amicalement,

                  Frédéric Alexandroff


                • Céline Ertalif Céline Ertalif 29 juin 2009 14:40

                  Bien sûr qu’on baigne vautré tous les jours dans la démagogie, je suis bien d’accord. Et le qualificatif de « tyrannie molle » me sied parfaitement.

                  Quant à penser que « chacun sait naturellement ce qui est bien et ce qui est mal », ma foi, vous êtes une optimiste. Ou alors, vous vivez dans une caverne.

                  Je confirme mon point de vue en le précisant un peu : dans une société de libertés, où le libre-arbitre est reconnu, il n’y a plus d’institutions pour définir le bien et le mal. Même si on revient vers les grandes religions, alors présentées comme des « autorités morales » comme le fait la presse quand il s’agit de grands sujets sociaux controversés et portant à la fois sur des questions très privées et immanquablement publiques. Le plus souvent il s’agit de sexe ou de mort. Donc, la morale c’est ce que chacun croit spontanément juste pour l’ordre social, vu de sa fenêtre. La morale est une loi sociale interne pour chaque individu, qui définit le surmoi aurait dit Freud, ou les paramètres de l’inhibition sociale aurait dit Henri Laborit. Bien entendu, il s’agit de croyances et celles-ci sont héritées de cultures religieuses et on a forcément quelques difficultés quand on mélange les origines culturelles (avec la Burqua par exemple...). Effectivement, quand j’écris que « naturellement » chacun sait ce qu’est le bien et le mal, je décris plus ce qui est ressenti par les individus et le mécanisme d’auto-conviction que mon adhésion personnelle à la communauté des croyants !

                  L’assimilation de la morale au légal me paraît excessive. Les champs de la morale et la politique ne se recoupent que partiellement, l’une est d’abord privée et l’autre d’abord publique. Lorsque la loi pose un problème moral, ça arrive, alors là le problème devient politiquement sensible et dangereux pour les politiques. Voir le film Welcome par exemple.


                • Bois-Guisbert 29 juin 2009 15:45

                  cela s’appelle la morale, où chacun sait naturellement ce qui est bien et ce qui est mal.

                  Comme si ces concepts étaient, à la fois, univoques et universels !

                  De surcroît dans une société post-religieuse, où chacun se bricole, dans son coin, sa petite morale personnelle en fonction de ses convenances personnelles, sous le signe généralisé du « J’ai envie, donc j’ai le droit » !!!


                • Frédéric Alexandroff Frédéric Alexandroff 29 juin 2009 17:01

                  Chère Céline,

                  Vous faites bien de préciser votre pensée, et cela m’inspire quelques commentaires, et notamment sur la notion de libre-arbitre.

                  D’abord, le libre-arbitre ne va pas de soi. De même qu’un enfant abandonné dans une forêt à sa naissance ne deviendra pas, s’il survit, un être humain à jour de ses cotisations, le libre-arbitre, la capacité à penser par soi-même, n’est pas inscrite dans notre code génétique. Sans éducation, l’homme ne vaut guère mieux qu’un animal. Et sans instruction, un homme n’est pas un citoyen : on ne peut penser à partir de rien, la réfléxion ne se fait pas ex nihilo. Cela pose la question de l’école et, dans ce domaine comme dans tant d’autres, la France va à reculons. Il y aurait beaucoup à dire sur le sujet.

                  Ensuite, quand vous décrivez la « morale naturelle » de chacun comme son ressenti profond, allié à la « puissance de mécanismes d’auto-conviction », je serais presque d’accord. « Presque », car cette vision, un tantinet trop libérale aux yeux du hobbesien que je suis, fait l’impasse, ou en tous cas semble vouloir la faire, sur la bêtise crasse et la méchanceté profonde dont la plupart des gens sont sciemment capables de faire preuve, sans qu’à aucun moment ils ne ressentent le besoin de se confectionner, dans leur for intérieur, une justification quelconque.

                  Vos fréquentations sont sûrement plus recommandables que les miennes. Ou alors, vous vivez bel et bien dans une caverne (simple plaisanterie, cette fois).

                  Frédéric Alexandroff



                • Céline Ertalif Céline Ertalif 29 juin 2009 20:42

                  Mais la bêtise existe hélas sous plein de formes différentes. De la morale étriquée qui a fini par rendre la notion de vertu ridicule, en passant par le matraquage médiatique qui introduit le langage publicitaire partout, sans oublier l’avidité qui écrase toute subtilité. Je vous laisse deviner lequel de ces travers sévit le plus dans les collectivités locales que je fréquente.

                  Echange agréable, salut Frédéric. @+


                • Annie 29 juin 2009 12:50

                  Mais la loi ne reflète-t-elle pas les valeurs morales d’une société ? ou exprimé autrement, n’est-il pas possible de déduire quelles sont les valeurs morales d’une société en étudiant ses lois ?


                  • Céline Ertalif Céline Ertalif 29 juin 2009 13:11

                    Spontanément, je répondrais oui à la première question, non à la deuxième. On vient de voir récemment comment il peut être intéressant de faire des jurys citoyens pour avancer sur certains dossiers comme la bio-éthique. Une série d’articles a été publiée dans le Monde récemment, et on voit bien qu’un consensus se dégage chez les politiques pour utiliser les méthodes considérées comme avant-gardistes de la démocratie dans les sujets dits « de société ».

                    On sait bien aussi que les socialistes français sont les plus libéraux sur les sujets de société - et qu’une partie de la droite peut assez facilement rejoindre la gauche là-dessus (je vais citer d’abord Neuwirth, puis Giscard, Sarkosy n’est pas forcément hostile non plus). Mais là, on parle de sujets qui ne sont pas considérés, à tort ou à raison, comme étant au centre des enjeux politiques. D’ailleurs, pour ces sujets-là, ce ne sont pas les politiques qui donnent la direction, mais la société. Rappelons-nous ce qu’a raconté Neuwirth sur ses discussions avec de Gaulle avant la légalisation de la pilule contraceptive. Dit autrement, il y a bien quelques sujets où l’évolution de la morale des citoyens entraîne une évolution de la loi. Mais c’est tout de même plutôt à la marge !


                  • cathy30 cathy30 29 juin 2009 13:15

                    Excellent papier frédéric Alexandroff.
                    toute l’histoire de l’humanité nous apprend que les civilisations sont toujours tombées à cause de la corruption du haut jusqu’en bas. Pourquoi y échapperions nous. Donc merci de nous rappeler le bons sens, quelques fois beaucoup d’entre nous pourraient s’y perdre.
                    De Gaulle avait taxé la population française de veau, mais actuellement mouton nous va comme un gant. Prêt pour l’abattoir tout en belant.


                    • Butters Butters 29 juin 2009 14:32

                      Je condamne a mort les fraudeurs antidémocratiques


                      • finael finael 29 juin 2009 15:07

                        Vivant dans les environs de Perpignan, permettez moi d’apporter quelques précisions :

                        - Jean Paul Alduy est lui même fils de Paul Alduy son prédécesseur à la mairie de Perpignan et de Jacqueline Alduy (je ne connais pas son nom de jeune fille) sénateur-maire d’Amélie-les-bains, dans le même département.

                        - Ici tout marche à la « combine », pour ne pas dire corruption (mise en examen du maire de St-Cyprien, puis de son premier adjoint, ...). Les votes, cela s’achète !

                        - La Catalogne possède un régime qui s’apparente plus aux baronnies féodales qu’à une démocratie. Malheureusement ce phénomène se répand comme une trainée de poudre : postes, entreprises, métiers, ... héréditaires. Faites donc le compte des « fils de » ou « fille de » et vous commencerez à avoir des pistes.


                        • Frédéric Alexandroff Frédéric Alexandroff 29 juin 2009 17:06

                          Bonjour Finael,

                          Ah... s’il n’y avait qu’en Catalogne que tout marchait à la combine et au népotisme, la France serait un pays nettement plus agréable. Mais c’est partout pareil. Le mérite individuel, c’est has-been, et ça vaut pour la politique comme pour le monde de l’entreprise.

                          Frédéric Alexandroff


                        • finael finael 29 juin 2009 19:38

                          Oui, tout à fait.


                        • Frédéric Alexandroff Frédéric Alexandroff 29 juin 2009 17:23

                          Flûte, encore une coquille... et sur la dédicace, en plus.

                          « Je dédie cet article à la mémoire de Joël-Pascal Biays, éminent professeur de droit, mais surtout un homme de conviction qui s’est un jour ému et rengorgé qu’on puisse le comparer à Saint-Just. Un incorruptible qui nous a quittés trop tôt. »

                          C’est « de », et pas « du ». L’émotion, voilà tout.


                          • franc 29 juin 2009 17:24

                            Ce qui motive la position de Céline de la séparation du légal et de la morale ce sont les faits tels que le vivent et sont perçus dans la réalité pratique par les citoyens ,par contre ce qui motive la position de l’auteur c’est l’idéal en droit et en politique tel qu’il devrait être pour les citoyens ,d’où cette apparente opposition entre les deux qui ne se situent pas sur le même plan ,l’une se positionne sur le plan factuel ,l’autre sur le plan idéal 

                            sur le plan factuel le légal et la morale ne coincident pas parce que la loi n’a pas été élaborée de manière correcte et juste par des hommes entièrement compétents et rationnels ---------------------mais de l’autre côté l’idéal de justice et de l’Etat exige que le réglement juridique soit parfaitement élaboré au point de coincider avec l’ordre du bien que chacun a en soi dans sa conscience privée ,bref que le légal coincide avec la morale ,et pour cela il faut donc que ceux qui fabriquent et édictent ces lois soient bons ,honnêtes et parfaitement rationnels

                            or la morale privée demande qu’en toute chose il faut rechercher le mieux ou tendre vers l’idéal pour le bénéfice de soi et le progrès de tous ,et que donc il est tout à fait conforme à la morale privée que la légalité idéale soit conforme à la morale et coincide avec elle

                            pour cela il faut que la morale privée soient conçue par une conscience dirigée par la droite raison et que la légalité publique soit édifiée par cette même droite raison ,auquel cas il n’ y a plus séparation entre la légalité et la morale pour la satisfaction de chacun en conscience privée et le bénéfice de tous en droit public

                            « la législation humaine ne revêt le caractère de loi qu’autant qu’elle se conforme à la juste raison d’où il appert qu’elle tient sa vigueur de la loi éternelle ;mais dans la mesure où elle s’écarte de la raison ,on la déclare injuste ,elle ne vérifie pas la notion de loi ,elle est plutôt une forme de la violence »---(Pacem in terris ---Jean XXIII)

                            la rationalité constitue le lien entre le légal et la morale


                            • Abelard 30 juin 2009 07:17

                              Rien à rajouter a ce super bon article.Pour info, Balkany vient d’être encore épinglé.
                              Oui, la compétence fait peur.
                              A destination de certains, le FN qui représente la protestation, ça me fait doucement marrer.
                              Comme les autres, une fois qu’ils sont élus, ils se servent avant toute chose.
                              Les 4 pauvres mairies qu’ils ont le malheur d’avoir « gérées » s’en souviennent encore, et ne sont pas prêtes de le revoir.
                              Ils me font penser à une pub « inutile d’aller voir ailleurs, puisqu’on vous dit qu’on est les meilleurs ».
                              Et il y a encore des gogos pour le croire.


                              • savouret 30 juin 2009 09:44

                                excellent article en fait qui a le mérite de procéder à une demonstration claire et brillament argumentée sur les insuffisances de notre démocratie et sur les raisons qui l ’expliquent.

                                je partage tout a fait votre ideal d ’un citoyen réellement préoccupé par le bien commun qui serait capable de dépasser ses seuls interets personnels.force est de reconnaitre que cette aspiration est difficile à concrétiser et qu’elle peut paraitre utopique si l’on a une vision désenchantée de la nature humaine.

                                ceci dit, je ne pense pas que le désir d ’un perfectionnement du citoyen et par la meme d ’un approfondissement de la démocratie relève de l’angélisme.deux conditions doivent cependant etre réunies pour y parvenir. tout d ’abord, il est primordial qu’il y ait une véritable démocratisation de l’ accés au savoir , ce qui va à l’encontre de la politique conservatrice menée dans le domaine de l’éducation actuellement,

                                ensuite, comme vous le soulignez a juste titre, il est fondamental que nos gouvernants montrent l ’exemple et incarnent les vertus civiques théoriquement inhérentes à leurs fonctions.bien entendu, nous en sommes fort éloignés pour l’instant et la conception contemporaine de la politique, qui reflète l’évolution de la société, semble aller à l’encontre de cette nécessité ,dans la mesure ou elle survalorise les candidats les plus démagogues et ceux qui maitrisent le mieux la communication médiatique.ceci explique ainsi l’élection de sarkozy en france ou de berlusconi en italie.
                                de plus, la logique ultraindividualiste associée au néolibéralisme a pénétré les esprits et a contribué à aggraver la passivité du citoyen vis a vis des politiques mises en oeuvre .

                                tous ces éléments concourent donc à une amplification des imperfections de notre démocratie représentative, ce qui se manifeste par les exemples de réelection de candidats corrompus que vous mentionnez.

                                toutefois, je demeure confiant dans la capacité de l’individu à sortir de son apathie et à devenir plus exigeant vis à vis de ses responsables politiques.la crise a laquelle nous sommes aujourd’hui confrontés pourrait peut etre réhabiliter certaines valeurs telles que la solidarité, la fraternité ,et enrayer cette crise de la citoyenneté, qui n ’a cependant jamais connu d ’age d ’or contrairement à ce que l’on peut parfois entendre, car cela eut supposé que la majorité de la population fut instruite et pourvue de facultés d ’abstraction satisfaisantes.




                                • Frédéric Alexandroff Frédéric Alexandroff 30 juin 2009 15:45

                                  Bonjour Savouret.

                                  Je suis bien de votre avis, notamment lorsque vous faites le lien entre citoyenneté et éducation -ou, pour employer un mot à mon sens plus idoine, l’instruction. A ce sujet, il faudra bien un jour décider à quoi sert l’école. En effet, soit elle forme des citoyens ou des travailleurs. Elle ne peut pas faire les deux, car il y a contradiction non seulement dans les termes, mais aussi dans les valeurs et, en fin de compte, dans le fonctionnement même de cette institution. Former un citoyen en mesure de réfléchir par lui-même prend plus de quatorze ans, ce qui exclut de « sortir » un élève du système sous prétexte de favoriser l’employabilité. Le fait est, les patrons n’aiment pas les gens qui pensent, et là où l’Etat - dans l’idéal- exige de ses citoyens la liberté de penser, l’entreprise, de son côté, préfère la soumission inconditionnelle.

                                  Frédéric Alexandroff

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