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Commentaire de JC. Moreau

sur Riposte laïque, féministe, républicaine et humaniste


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JC. Moreau JC. Moreau 15 juillet 2009 17:32

@Mohammed Pascal Hilout

Je suis désolé JC, mais vous êtes toujours dans les amalgames :

Lorsque je dis « JE », je me mets exactement à votre hauteur, celle d’un citoyen lambda et non pas de celui qui parle au nom du Ciel.

Lorsque je propose de faire passer une loi, je ne suis pas plus qu’une voix qui vaut autant que la votre et vous avez tout à fait le droit de vous y opposer. D’ailleurs, vous ne vous en privez pas.

«  Proposer » et « s’opposer », ne peuvent en aucun cas être remplacés par « imposer », mais vous le faites avec une légèreté déconcertante, ce qui montre que vous n’êtes pas loin de la manipulation linguistique et de la mauvaise foi.

Désolé itou, mais je persiste à relever une différence majeure entre le fait d’émettre une opinion négative à l’égard du voile et celui de demander à ce que cette opinion ait force de loi. Il ne s’agit pas de « manipulation linguistique » mais d’un simple constat sur une divergence manifeste quant à la finalité de nos propos respectifs.


La loi républicaine, débattue par des citoyens, comme vous et moi, puis éventuellement promulguée par des représentants que vous et moi avons choisis à égalité (VOUS = MOI), cette loi impose des limites à nos libertés lorsqu’elles nous opposent ou lorsqu’elles sont contraires aux principes qui fondent notre contrat social de vivre ensemble et de nous en remettre à l’état de droit et au débat pacifique.

Hmmm… vous avez décidément une bien curieuse conception du droit. D’une part, si la loi oppose des limites à libertés de chacun lorsque celles-ci pourraient s’avérer « contraires aux principes qui fondent notre contrat social de vivre ensemble », encore faut-il que la remise en cause de ces principes soit clairement établie par le comportement que l’on entend prohiber. Or, pour le port du voile dans l’espace public par exemple, il me paraît difficile d’invoquer le principe de l’égalité hommes-femmes – c’est-à-dire la règle selon laquelle chacun est libre de disposer de soi quelle soit son sexe – pour interdire le port du foulard islamique à celles qui perçoivent comme une liberté.

En votre âme et conscience répondez à cette question : vous qui êtes si attaché à la liberté et à la dignité, admettez-vous, moralement, qu’une loi, céleste ou terrestre, puisse se permettre de nier le droit à ma ma mère d’avoir une identité, un visage, en public ?

Il ne vous aura pas fallu longtemps pour vous résoudre à la sommation morale… mais passons.

Tout d’abord, il me paraît utile de relever que votre question porte uniquement sur la burqa ou le niqab, et non sur le voile ou le foulard islamique, les premiers aboutissant effectivement à une dissimulation radicale de l’identité au sein de l’espace public, tandis que les seconds ne sont qu’à mon sens (lorsque leur port n’est pas imposé par une tierce personne) qu’un indice de pudeur.
Ensuite pour répondre à votre question, lorsque le port de la burqa est imposé, il paraît assez évident qu’une telle pratique n’est pas tolérable. Mais dans cette première hypothèse, il existe déjà un arsenal législatif qui permet d’assimiler cette imposition du port de la burqa soit à une violence conjugale si le mari est à l’origine de l’obligation faite à la femme de porter ce vêtement, soit à de façon plus générale à une atteinte à la dignité humaine lorsque l’obligation émane d’une autre personne (famille, proche, entourage).

Ensuite dans l’hypothèse où le port de la burqa est un choix individuel, et si l’on doit interdire cette exercice de la liberté individuelle, ce ne peut être au nom de la dignité humaine, pour les raisons déjà évoquées : chacun est en droit d’invoquer qu’autrui respecte sa dignité, mais personne ne devrait pouvoir exiger d’autrui qu’il se comporte d’une façon prédéfinie par une conception nécessairement subjective de la dignité humaine. Pour le dire autrement, le fait d’être confronté à une conception de la vie différente de la notre n’est pas un préjudice suffisant pour invoquer le secours de la loi et la réparation du tort causé à nos certitudes.

Mais pour vous dire le fond de ma pensée, je ne serais pas opposé à l’interdiction légale du port de la burqa dans l’espace public, mais seulement si ladite interdiction est justifiée, non par un féminisme de façade, mais bien par l’affirmation catégorique de l’incompatibilité de cette tenue avec la vie en société. Une loi vaut par en effet d’abord par sa justification, et seulement par ses effets ensuite.
Or, ce qui fait la spécificité si détestable de la burqa, c’est bien la négation ou la dissimulation de l’identité – comme vous l’avez fort justement souligné-, ou plus précisément la volonté de signifier à autrui qu’il n’est pas assez pur pour avoir le droit vous re-connaître. Dans cette seconde hypothèse, l’on est plus en effet comme dans le port du foulard islamique dans le cas d’une simple marque de réserve ou de pudeur, mais dans une stigmatisation passive d’autrui. C’est à dire que contrairement à vous, je ne prendrai pas le prétexte du féminisme pour justifier l’interdiction, mais choisirait de légitimer l’interdit par un principe qui concerne aussi bien les hommes que les femmes et qui a été récemment consacré par la Cour européenne dans les arrêts « Dogru et Kervanci contre France » : « Le pluralisme et la démocratie, a affirmé la Cour européenne, doivent également se fonder sur le dialogue et un esprit de compromis, qui impliquent nécessairement de la part des individus des concessions diverses qui se justifient aux fins de la sauvegarde et de la promotion des idéaux et valeurs d’une société démocratique  ».

Sur le fondement de cette justification, une interdiction du port de la burqa me paraîtrait alors légitime et nettement plus cohérente que ce féminisme qui prétend imposer aux femmes musulmanes un modèle unique d’émancipation. Mais encore faudrait-il s’entendre sur les modalités de son application et s’assurer qu’elle ne puisse être étendue au port du foulard islamique, qui ne soulève pas les mêmes problèmes ne serait-ce que du point de vue de l’intensité symbolique (d’ailleurs est-il question d’autre chose ?).


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