Des investissements différés . Pouquoi ?
"...Les dépenses d’investissement sont tombées à un seuil critique dans le groupe.
Au cours des dix dernières années, EDF a vécu sur sa rente, engageant
moins de quatre milliards d’euros par an pour l’entretien et le
renouvellement de ses équipements. Résultat ? Des manques criants
partout. Un réseau de distribution au bord de l’apoplexie, un parc
nucléaire souffrant de pannes à répétition et allant jusqu’à manquer de
pièces de rechange indispensables.-La situation n’est pas nouvelle. Et
pendant les quatre premières années à la tête d’EDF, Pierre Gadonneix
n’a rien fait pour la changer, continuant à maintenir au plus bas
niveau les investissements français.
L’affichage de résultats en constante augmentation, la conquête des
marchés internationaux, la tenue du cours de Bourse, étaient
prioritaires.
La prise de conscience de la nette dégradation de son système
électrique est venue il y a à peine un an. Brusquement, la direction
d’EDF a réalisé la vulnérabilité de sa position : le
groupe public est devenu acheteur net d’électricité, et dépense
désormais des milliards pour assurer l’approvisionnement de la France. Déstabilisées par le manque d’investissement et une organisation inadaptée (lire EDF : les salariés du nucléaire en fusion),
ses centrales affichent un taux de disponibilité – calcul économique
qui mesure l’efficacité industrielle et économique – en baisse
constante. D’un peu plus de 80%, ce taux est tombé officiellement à
79%, dans les couloirs du groupe, on évoque même le chiffre de 75%. Un
point de moins signifie des milliers de KWh en moins, des dizaines de
millions d’euros envolés.-D’où la nécessité de dégager d’importants
moyens financiers pour réorganiser une entreprise totalement déréglée.
Mais EDF n’a plus la flexibilité financière nécessaire pour le faire. « Tous les bénéfices de la rente nucléaire ont été reversés aux Français »,
explique Pierre Gadonneix pour expliquer l’impasse dans laquelle se
trouve le groupe public aujourd’hui. Dans les faits, il n’en est rien.
Les consommateurs français ont certes profité d’une électricité bon
marché, alignée sur l’inflation mais désindexée de coûts pétroliers et
gaziers. Mais c’était l’objectif même du programme nucléaire lancé à
partir de 1975.-La rente nucléaire a surtout servi à payer la conquête internationale du groupe.
Entre le rachat de l’allemand EnbW, du britannique London Electricity
et de l’italien Edison, EDF a dépensé plus de 20 milliards d’euros
entre la fin des années 1990 et 2005. Sans parler des 10 milliards
investis dans les années 1990 dans des sociétés en Amérique du Sud
(Brésil et Argentine) qui se sont révélées des opérations calamiteuses
et ont été liquidées dans des conditions tout aussi désastreuses.
Contrairement à ce qu’assure Pierre Gadonneix, aucune des filiales
internationales du groupe ne s’auto-finance, et l’endettement lié à ces
acquisitions n’a toujours pas été remboursé..." (Mediapart)