@Mohamed Pascal Hilout,
S’agissant de votre pétition, il me semble avoir dit assez clairement dans mes précédentes interventions ce que je pensais du port du voile intégrale, de même que je vous ai expliqué les raisons pour lesquelles j’étais opposé à une interdiction du port du voile dans les universités.
Par ailleurs au sujet de l’arrêt de la CEDH que vous évoquez (Leyla Sahin contre Turquie), il n’est pas inutile de préciser que celui-ci avait très clairement pris en considération l’imminence du danger politique que représentait les islamistes dans le contexte national turc. Et même malgré les avancées récentes de la Cour européenne en matière de laïcité (En décembre 2008 : Dogru c France, Kervanci c. France – En juillet 2009 : Aktas c. France, Bayrak c. France, Gamaleddyn c. France, Ghazal c. France : voir ici pour une synthèse des arrêts rendus.), il me paraît toujours discutable eu égard au statut des universités et au contexte national français que la jurisprudence Leyla Sahin contre Turquie puisse être invoquée par la France si jamais elle venait à interdire le port de signes religieux dans l’enceinte des universités.
Pour ce qui est du voilement des fillettes, et aussi détestable que cela puisse être, l’autorité parentale doit rester la règle. On n’interdit pas aux Témoins de Jéhovah de traîner leurs enfants cinq fois par semaine à des réunions religieuses où leur est enseignée la méfiance systématique à l’égard des « gens du dehors ». Bref, à moins de parvenir à caractériser le port du voile comme une forme de maltraitance spécifique (et là je suis tout prêt à entendre vos arguments), il me paraît dangereux d’ouvrir cette brèche légale qui consisterait peu ou prou à conditionner l’autorité parentale au caractère « laïque » de l’éducation prodiguée aux enfants.
Enfin, votre prise de position lors de l’affaire Truchelut m’incite à penser que vos exigences en matière de restriction de la liberté religieuse ne s’arrêtent pas aux doléances contenues dans votre pétition. En effet, à l’occasion de l’affaire Truchelut, il était bien question de subordonner de façon arbitraire le bénéfice d’un service commercial à une privation de la liberté religieuse. On est alors loin des restrictions limitées dont vous me parlez aujourd’hui.
C’est d’ailleurs sur ce dernier point que nous resterons opposé, puisqu’il est à mon sens emblématique de votre refus de prendre en considération la parole des femmes qui assument le port du voile comme un choix revendiqué.
Ceci étant dit, je tiens également à vous faire part de mes remerciements pour les suites données à notre échange. A défaut d’adhérer à vos arguments, j’apprécie votre pugnacité.
Et espérant ainsi pouvoir recueillir les fruits de cette débauche de politesse, j’aimerais à l’occasion connaître votre opinion sur les questions que j’ai précédemment évoquées à propos de la distinction entre sécularisation et laïcité (voir « en réponse à votre 3 »), de la liberté de choix des affiliations et des problèmes que soulèvent le recours à la loi en termes de « coloration » politique d’un discours féministe (voir « en réponse à votre 4 »).