A Sissy,
Vous ne m’avez pas choqué, c’est moi qui suis l’iconoclase de service. Vous ne me devez donc aucune excuse.
Le fait que j’aie un enfant handicapé (handicap invisible) me confère une expérience de terrain et je sais effectivement plus que vous ce qu’un handicap implique. Mais ça ne fait de moi ni un sage, ni un juste, ni un inspiré. Ma parole de vaut pas plus que la vôtre et peut-être même moins sur bien des plans.
Mais ne croyez pas que tous les valides dont je suis ne peuvent comprendre la souffrance de ceux qui ne le sont pas.
Je n’ai jamais cru cela, ni avant, ni après.
Mais comprendre c’est une chose (fort belle) l’intégrer c’est autre chose (Ainsi il faut avoir vécu l’exil ou la maladie ou la déchéance ou la prison ou la torture ou la gloire ou la fortune ou l’amour fou ou tout cela réuni pour l’intégrer dans tout ce que l’on pense, dans tout ce que l’on fait)
Je vais réécrire ce que j’ai dit hier soir et même si cela vous choque une seconde fois, je confirme que pour moi un ête humain égale un autre être humain
Vous ne me choquez pas.
J’ignore encore ce que vous entendez par égale.
Si cela veut dire que vous accordez le même respect à tous, je pige et n’y trouve rien à dire
Si cela veut dire que vous accordez la même valeur à tous, je risque de ne pas piger.
Pour ma part, j’accorde le même respect à tous au sens du respect de la vie d’abord. Il ne me vient pas à l’idée de verser le sang ou des larmes de désolation à qui que ce soit (Volontairement du moins) Je touche du bois, je n’ai encore versé le sang de personne hormis lors de bagarres contre des jeunes qui m’agressaient pendant mon enfance au motif que j’étais à leur yeux un sale bâtard de traitre.
Mais je suis très loin d’accorder la même valeur à tous. Je tiens bien plus à mon chien qu’à celui du voisin et ma fille a bien plus de valeur que la vôtre, A MES YEUX.
Comme tout le monde, j’envisage que si ma fille a une valeur énorme pour moi, la vôtre en a une énorme à vos yeux. C’est par la considération de ce fait (souvent établi) que j’en viens à l’obligation de tout relativiser et à comoprendre autrui. Mais j’ai beau comprendre votre attachement énorme pour votre fille, la mienne reste ma préférée et je me battrai pour ma fille avant de me battre pour la vôtre. En toute réciprocité bien comprise.
A ce sujet, Gandhi avait tranché différemment en accordant à son neveu la faveur d’aller poursuivre ses études à Londres pendant que son propre fils devait se contenter de se débrouiller sur place, en Inde. Il y avait bien entendu une idée hautement altruiste de la part de ce grand sage. N’empêche que son fils a très mal vécu ce renversement et a fini clochard.
Je n’ai qu’un exemple à donner, celui de Stephen Hawkins
Vous cherchez à montrer que des handicapés peuvent surperformer et ressortir VALORISES aux yeux d’une majorité de gens ?
J’en prends acte. Pour ma part j’en avais cité trois et je pourrais en citer cent.
Cela dit, je tiens à dire que si certains handicapés ont pu offrir à la masse, quelque chose de riche, leurs proches n’ont pas eu que du miel à déguster.
L’exemple de Virginia Wolf est parlant. Autant nous trouvons tous un immense plaisir à la lire, autant son mari l’aimait beaucoup, autant elle lui faisait subir par moment un véritable enfer. Au point qu’elle a pris lé décision de se suicider pour ne pas imposer davantage ses crises à son mari bien aimé.
Il y a quelques films qui savent nous montrer comment un trisomique ou mongolien est attachant. OK. Bravo pour la manipulation.. Mais il faut aussi avoir la responsabilité de sa vie et passer son temps à laver ses déjections pour apprécier l’ensemble du tableau.
Notre monde s’est inventé de nouvelles règles de vie : le paraître et l’avoir l’air
De manière universelle, le problème entre les hommes, depuis la « Guerre du feu » de JJ Annaud, est de gérer l’intervalle entre vie et mort ce qui se traduit psychologiquement-moralement-socialement par dignité (ou autorité) et indignité.(ou ridicule)
Comme la mort est inévitable, tout est mis en oeuvre, partout sur la planète pour tenter d’enrober cette issue fatale par des artifices tendant à lui conférer tiout de même le plus de dignité possible. C’est parce qu’il y a paradoxe entre « mort » et « dignité dans la mort » qu’il y a tant de schémas possibles pour construire ces deux pôles. Au point qu’ici le suicide serait indigne quand ailleurs, il serait au contraire une preuve de dignité absolue
Dans une culture donnée (ou échue), nous avons tous à traiter avec cet intervalle (Car entre la vie et la mort, il y a mille et un état) Comme à tout état physique (beauté ou laideur incluse) il correspond un état psychologique (Par principe d’adaptation ou de correspondance, on ne se promène pas avec une mentalité de beau lorsqu’on est bossu) ces état psychologiques vont de la sensation de dignité à celle d’indignité (ou de valorisation à celle de dévalorisation)
Le glissement de V à D vaut moqueries et mépris, pendant que le hissement de D à V vaut acclamations et lauriers.
Tout se passe, chez tous les peuples du monde, entre ces deux pôles qui valent soit des éclats de rire quand un prince se vautre dans un escalier, soit des exclamations d’admiration quand un cavalier remporte une course.
La prétendue oppoition entre AVOIR et ETRE est un sophisme qui n’a de sens que pour notre peuple depuis quelques années et qui se joue de notre langue.
Ce qui est universel (Mais strictement social) est bien la problèmatique de cet intervalle entre la dignité et l’indignité.
Il va alors de soi, que nous entreprenons tous ce que nous pouvons pour rester au plus près du pôle de la dignité (En société en tous cas, car déjà en famille, les chemises tombent et les dentiers prennent le frais dans les verres)
Rien de cet acharnement à tenir le pôle de la dignité n’est anormal
Si le principe de cesdeux pôles est universel ;, la définition même des pôles ’est pas la même partout, loin de là et le jeu de chaque groupe de culture consiste à faire valoir ses pôles
Ici la dignité consiste à cacher notre caca mais toujours ici et à peine 3 siècles plus tôt le caca du roi était scruté de près par la cour
Ici et maintenant on porterait perruque pour dissimuler une infirmité capillaire ; toujours ici mais à peine deux siècles plus tôt, ne pas en porter était indigne.
Il va de soi que ceux et celles qui ne parviennent pas à se placer au pôle de la dignité validé par la majorité du moment, cherchent à faire prévaloir leur propre jeu de pôles.
En ce moment, ceux qui ne peuvent pas se payer de gros 4X4 en plus des autres grosses choses, ont beau jeu de faire valoir que la dignité consiste à les bannir. Ceux qui ne peuvent accéder aux hôtels particuliers de Neuilly essayent de démontrer que la dignité consiste à vivre à la campagne. Etc.
Le jeu des pôles existe depuis bien longtemps, il tourne.
Et tout ça est bien normal.