L’éditeur Albin Michel dit de Brassens :
« Brassens ? C’est un anarchiste pour rire ! » : Paul Fort, déjà, bouleversait l’image réductrice et consacrée d’un Brassens athée et rebelle. Ce faux sauvage, fruste et intellectuel à la fois, antimilitariste et patriote, anticlérical et respectueux de la religion, dissimulait en effet un « croyant malgré lui » . Son oeuvre s’inscrit dans une longue lignée qui va de François Villon à Francis Jammes. Comme eux, il partage des valeurs profondément humanistes à connotations chrétiennes, au nom d’une foi qui dépasse la dimension religieuse et le rend plus chrétien que les vrais chrétiens : Brassens est un homme libre qui sait pardonner. Un « mécréant de Dieu » d’une noblesse d’esprit et d’une exigence rares. »
Il ne faut pas manquer cette occasion de ressortir une des chansons étonnantes de Brassens. Ce mécréant de Dieu voulait déjà la messe en latin
« Sans le latin, sans le latin, La messe nous emmerde. » Georges Brassens
Tempête dans un bénitier,
Le souverain pontife avecque
Les évêques, les archevêques,
Nous font un satané chantier.
Ils ne savent pas ce qu’ils perdent,
Tous ces fichus calotins*,
Sans le latin, sans le latin,
La messe nous emmerde.
A la fête liturgique,
Plus de grand’s pompes, soudain,
Sans le latin, sans le latin,
Plus de mystère magique.
Le rite qui nous envoûte
S’avère alors anodin,
Sans le latin, sans le latin,
Et les fidèl’s s’en foutent.
0 très Sainte Marie mèr’ de
Dieu, dites à ces putains
De moines qu’ils nous emmerdent
Sans le latin.
Je ne suis pas le seul, morbleu* !
Depuis que ces règles sévissent,
A ne plus me rendre à l’office
Dominical que quand il pleut.
Ils ne savent pas ce qu’ils perdent
Tous ces fichus calotins,
Sans le latin, sans le latin,
La messe nous emmerde.
En renonçant à l’occulte,
Faudra qu’ils fassent tintin*,
Sans le latin, sans le latin,
Pour le denier du culte.
A la saison printanière
Suisse, bedeau, sacristain,
Sans le latin, sans le latin
F’ront l’églis’ buissonnière*,
0 très Sainte Marie mèr’ de
Dieu, dites à ces putains
De moines qu’ils nous emmerdent
Sans le latin.
Ces oiseaux sont des enragés,
Ces corbeaux qui scient, rognent, tranchent
La saine et bonne vieille branche
De la croix où ils sont perchés.
Ils ne savent pas ce qu’ils perdent,
Tous ces fichus calotins,
Sans le latin, sans le latin,
La messe nous emmerde.
Le vin du sacré calice
Se change en eau de boudin,
Sans le latin, sans le latin
Et ses vertus faiblissent.
A Lourdes, Sète ou bien Parme,
Comme à Quimper, Corentin*,
Le presbytère sans le latin
A perdu de son charme.
0 très Sainte Marie mèr’ de
Dieu, dites à ces putains
De moines qu’ils, nous emmerdent
Sans le latin.