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Commentaire de Michel THYS

sur La rationalité de la science est-elle inversement proportionnelle à l'importance émotionnelle du sujet étudié ?


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Michel THYS Michel THYS 11 août 2009 18:56

Bonjour Monsieur WUNSCH.

 

Vous écrivez : « la plupart des sujets importants sont en relation directe avec des aspects « existentiels » de l’être humain : (….) ses croyances et ses valeurs ».

Et : (…) « Nous n’avons aucune certitude sur l’existence d’entités supranaturelles ».

 

De fait, si l’on excepte certains neurophysiologistes canadiens croyants, tels que Mario BEAUREGARD, financé par la Fondation Templeton, pour chercher dans le lobe temporal droit l’antenne que « Dieu » y aurait placée pour recevoir sa « Révélation » ( !), ce qui « prouverait » ( !) son existence, les scientifiques s’abstiennent ou hésitent à s’engager dans une domaine aussi complexe et personnel que la sensibilité religieuse, à la limite du subjectif et de l’objectif et dont, malgré l’IRM fonctionnelle, l’essentiel est encore à découvrir.

Au mieux, ils se limitent à étudier par exemple la sensibilité musicale ou érotique, etc … qui relèvent du même cerveau émotionnel.

 

Que pensez-vous d’une approche neuroscientifique du phénomène religieux ?

N’est-il pas temps de compléter son approche traditionnelle (philosophique, métaphysique, théologique, anthropologique, sociologique, etc…) par une approche holistique (psycho-neuro-physio-génético-éducative), aussi complexe soit-elle ?

Bien qu’encore très partielle, elle me paraît déjà susceptible de faire mieux comprendre l’origine de la foi et sa fréquente persistance.

Je me permets d’émettre quelques considérations personnelles à cet égard.

.

Comme vous l’écrivez, « il se pourrait que « les déterminismes biologiques, psychobiologiques, expérientiels, sociaux et culturels rendent illusoires le concept de « liberté » ». La plupart des gens étant convaincus d’être libres, on risque de les heurter !

Il n’est pourtant pas question de vouloir simplifier ou réduire l’extraordinaire complexité du psychisme humain, et en particulier le phénomène religieux, à des « mécanismes » neurobiologiques, ni bien sûr de prouver l’inexistence de « Dieu » (aucune inexistence ne pouvant être prouvée). Mais il est vrai que les observations actuelles incitent déjà certains, me semble-t-il, à conclure à son existence imaginaire et donc illusoire …

 

La relativité de la liberté individuelle ne me semble plus contestable : le neurobiologiste Henri LABORIT disait, à la fin du film d’Alain RESNAIS « Mon oncle d’Amérique » :

 « (…), Je suis effrayé par les automatismes qu’il est possible de créer à son insu dans le système nerveux d’un enfant. Il lui faudra, dans sa vie d’adulte, une chance exceptionnelle pour s’en détacher, s’il y parvient jamais.(...) Vous n’êtes pas libre du milieu où vous êtes né, ni de tous les automatismes qu’on a introduits dans votre cerveau, et, finalement, c’est une illusion, la liberté  ! ».

 

J’observe que, statistiquement, la liberté de croire ou de ne pas croire est souvent compromise, à des degrés divers, par l’imprégnation de l’éducation religieuse familiale, forcément affective puisque fondée sur l’exemple et la confiance envers les parents, et confortée par l’influence d’un milieu culturel unilatéral puisqu’il exclut toute alternative laïque non aliénante.

L’éducation coranique (islam = soumission) en témoigne hélas à 99,99 % …

 

Comme l’avait déjà compris  Desmond MORRIS, en 1968, dans « Le Singe Nu », Richard DAWKINS estime, dans « Pour en finir avec dieu », que du temps des premiers hominidés, le petit de l’homme n’a pu survivre que parce que l’évolution animale avait pourvu son cerveau tout à fait immature de gènes le rendant dépendant, et totalement soumis à ses parents (et donc plus tard à un dieu …). Or notre cerveau émotionnel (reptilien et limbique) n’a quasi pas évolué depuis 10.000 ans au moins, et il influence toujours le néocortex …

Cela expliquerait que toutes les religions aient réussi aussi longtemps (mais de moins en moins sous nos latitudes) à imposer la soumission à un dieu et à des textes « sacrés », et que les sectes réussissent à exploiter la « quête de sens », etc …

 

Dès 1966, le psychologue-chanoine Antoine VERGOTE, alors professeur à l’Université catholique de Louvain, avait montré, sans doute à son grand dam, qu’en l’absence d’éducation religieuse, la foi n’apparaît pas spontanément, et que la religiosité à l’âge adulte en dépend (et donc aussi, depuis toujours comme mécanisme de défense, la capacité évolutive du seul cortex préfrontal humain à imaginer un « Père » protecteur, substitutif et anthropomorphique, fût-il rationnellement qualifié d’ « authentique, épuré, présence Opérante du Tout-Autre », etc …

 

Par ailleurs, j’ai lu que, chez le petit enfant, alors que les hippocampes (centres de la mémoire explicite) sont encore immatures, les amygdales (centres de la peur, dans le cerveau émotionnel) sont déjà capables, dès l’âge de 2 ou 3 ans, de stocker des souvenirs inconscients (donc notamment ceux des prières, des cérémonies, des comportements religieux des parents, …, sans doute reproduits via les neurones-miroirs du cortex pariétal inférieur.

Ces « traces » neuronales, renforcées par la « plasticité synaptique », sont indélébiles …

 L’ IRM fonctionnelle tend, me semble-t-il, à confirmer que le cortex préfrontal et donc aussi bien l’esprit critique que le libre arbitre ultérieurs s’en trouvent anesthésiés à des degrés divers, indépendamment de l’intelligence et de l’intellect, du moins dès qu’il est question de religion.

Cela expliquerait la difficulté, voire l’impossibilité, pour bien des croyants de plus de 25 ans environ, fussent-ils d’éminents scientifiques, de remettre leur foi en question, sans doute pour ne pas se déstabiliser (cf les créationnistes).

 

On comprend que, dans ces conditions, certains athées comme Richard DAWKINS, ou certains agnostiques, comme Henri LABORIT, au risque de paraître intolérants, aient perçu l’éducation religieuse précoce, bien qu’a priori sincère et de « bonne foi », comme une malhonnêteté intellectuelle et morale. Bien que les religions, et a fortiori leurs dérives (inégalité des femmes, excisions, …) soient plus nocives que bénéfiques, à tous points de vue, il va de soi que la foi restera toujours un droit élémentaire, d’autant plus respectable qu’elle aura été choisie en connaissance de cause, plutôt qu’imposée.

 

Même si, pour s’adapter à l’évolution des mentalités, l’enseignement confessionnel

a récupéré certaines valeurs laïques, il n’a pas renoncé à maintenir sa mainmise sur les consciences ... Son « projet éducatif » en témoigne. Il reste élitiste et inégalitaire, il favorise le repli identitaire, le communautarisme, et est donc obsolète. Dans un souci de neutralité et de qualité, n’est-il pas grand temps, en France et en Belgique, qu’il fusionne avec l’enseignement officiel, à tous les niveaux (et d’ailleurs pour d’évidentes raisons économiques) ?

 

Mieux : dans un souci de réduire les inégalités socioculturelles, l’école - enfin devenue pluraliste - devrait compenser l’influence des parents, certes légitime et constitutionnelle mais unilatérale,
- ne leur en déplaise ! - par une double information minimale, objective et non prosélyte : d’une part, au cours d’histoire, sur le « fait religieux » (certes « l’amour du prochain », mais aussi la soumission inhérente à toutes les religions, la part de responsabilité des trois religions monothéistes dans l’origine de l’intolérance, de la violence et des guerres, …), ET d’autre part, sur le « fait laïque » (l’humanisme laïque, ses principes de libre examen, d’esprit critique, d’autonomie et de responsabilité individuelle, ses valeurs universalisables - puisque bénéfiques à tous, telles que le respect de la dignité humaine -, ses options, ses objectifs, la spiritualité laïque, …, actuellement occultés).

 

Cela permettrait enfin à chacun de choisir, en connaissance de cause et aussi librement que possible, ses convictions philosophiques OU religieuses, d’améliorer l’adaptation des jeunes à l’actuelle pluralité des cultures et des convictions et de tendre ainsi vers un meilleur « vivre ensemble » et vers une citoyenneté responsable.

 

Je lirai votre commentaire avec le plus vif intérêt ! Je vous en remercie déjà.

Cordialement,

Michel THYS, à Waterloo,

http://michel.thys.over-blog.org

 

 

 

 

 


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