Merci, Serge WUNSH, d’avoir si bien résumé la difficulté d’appréhender les principaux
facteurs, éminemment complexes, qui sous-tendent le phénomène religieux.
Je comprends que vous ne soyez quand même pas entré dans le détail des
mécanismes biochimiques, encore très peu connus, qui concrétisent
l’imprégnation affective du cerveau émotionnel, notamment à la suite d’une éducation religieuse, et qui
influencent la rationalité.
J’ai apprécié que vous écriviez, in fine : « En tout cas, ce qui
semble indéniable, c’est qu’existe chez l’être humain un besoin d’une certaine
spiritualité. Et il serait souhaitable de chercher comment le satisfaire de la
manière la plus constructive, pour faire obstacle aux phénomènes spirituels
omnipotents et intolérants. (Pour l’histoire, la révolution française avait
essayé de promouvoir le Culte de la
Raison pour remplacer le christianisme.). Et là encore, où
sont les structures dont l’objectif serait d’étudier toutes ces problématiques,
d’informer sur les aspects positifs et négatifs des mouvements spirituels
existants, et de proposer des alternatives spirituelles
constructives ? ».
« Des alternatives spirituelles constructives » : c’est bien
la question ! Certes, la
spiritualité religieuse, les repères religieux sécurisants sont en perte de
vitesse, sauf dans l’islam, mais ils n’ont pas été remplacés par une spiritualité
laïque. Au contraire, comme l’écrit André COMTE-SPONVILLE (dans « L’esprit
de l’athéisme. Introduction à une spiritualité sans Dieu » Albin Michel 2006),
« le dogmatisme revient, avec, trop souvent, et l’obscurantisme, et
l’intégrisme, et le fanatisme parfois. On aurait tort de leur abandonner le
terrain. Le combat pour les Lumières continue, il a rarement été aussi urgent,
et c’est un combat pour la liberté. Un combat contre la religion ? Ce
serait se tromper d’adversaire. Mais pour la tolérance, pour la laïcité, pour
la liberté de croyance et d’incroyance ».
Michel ONFRAY, dans son Traité d’athéologie, estime qu’ « en mettant à
égalité toutes les religions et leur négation, comme y invite la laïcité qui
triomphe aujourd’hui, on avalise le relativisme ». Selon ce philosophe,
« il faut promouvoir une laïcité post-chrétienne , à savoir athée, militante
et radicalement opposée à tout choix de société entre le
judéo-christianisme occidental et
l’islam qui le combat. Ni la
Bible, ni le Coran ». Mais cela revient à prôner une
pensée laïque unique, aussi critiquable que celle des dogmatismes
religieux !
Quant à André COMTE-SPONVILLE, il ne propose aucune solution concrète pour
parvenir à une alternative laïque. Je constate qu’il en est apparemment resté aux
notions de Sigmund FREUD, donc d’avant 1939, et qu’il semble donc tout ignorer
des observations psycho-neuro-physiologiques actuelles, relatives par exemple à
l’influence de l’éducation sur le
cerveau émotionnel, de son influence sur le cerveau rationnel et donc sur la
réflexion philosophique. A propos de l’expérience mystique, il cite seulement
Michel HULIN : « l’intellect est mis hors circuit » …
J’aurais au contraire souhaité voir ces deux philosophe adopter une saine
conception de la neutralité et faire la promotion de la « laïcité
philosophique », celle qui, tout en refusant toute référence à un absolu
transcendantal, n’est pas pour autant antireligieuse puisqu’elle prône, par
simple honnêteté intellectuelle, une information minimale, objective et non
prosélyte, permettant de choisir, aussi librement que possible, de croire OU de
ne pas croire.
Mais André COMTE-SPONVILLE (non pas « athée fidèle », mais, à mon
sens, agnostique regrettant de ne plus être croyant …) semble obnubilé par la
dimension poétique de son expérience mystique (= limbique … ! ) :
« vivre ensemble le mystère et l’évidence, la plénitude et la simplicité,
l’unité et l’éternité, le silence et la sérénité, l’acceptation et
l’indépendance … C’est le sommet de vivre, qu’on n’atteint
qu’exceptionnellement ». Pour lui, la spiritualité, « c’est notre
rapport fini à l’infini ou à l’immensité, notre expérience temporelle de
l’éternité, notre accès relatif à l’absolu ». (…). Le véritable
esprit de l’athéisme : non l’Esprit qui descend, mais l’esprit qui s’ouvre
(au monde, aux autres, à l’éternité disponible) et qui se réjouit. Ce n’est pas
l’absolu qui est amour ; c’est l’amour, parfois qui ouvre à l’absolu. (…)
C’est l’amour, non l’espérance, qui fait vivre ; c’est la vérité, non la
foi, qui libère. Nous sommes déjà dans le Royaume : l’éternité, c’est
maintenant ».
A mes yeux, tout être humain, en présence une circonstance qui le dépasse,
ou dans un épisode heureux ou malheureux de son existence, devient sensible à
une forme ou l’autre de spiritualité, soit
religieuse, soit laïque : elle
se découvre aussi bien par la méditation zen, le bouddhisme, la Musique de Mozart, voire
lors d’un orgasme simultané. André COMTE-SPONVILLE y fait allusion.
Mais j’aurais apprécié que son « introduction à une spiritualité sans
Dieu » soit plus « laïque » ! Ce philosophe semble ignorer
que la spiritualité laïque a aussi une forme active et engagée dans tous
les aspects de l’existence :
Ce qui, pour l’athée, est « sacré », dans le sens d’inviolable,
c’est d’abord le respect de la dignité de l’homme, de la femme et de l’enfant,
(ce qui implique l’interdiction de l’excision par exemple), et celui de leurs
droits et libertés, à commencer par celle de ne pas se voir imposer
unilatéralement une éducation religieuse.
La spiritualité laïque consiste à se sentir sur la même longueur d’onde que
celle d’hommes et de femmes animés par un idéal commun d’émancipation, de
perfectionnement humain, individuel et collectif, par la promotion et le
respect de certaines valeurs, principes et objectifs communs. Il en résulte une
confiance mutuelle a priori, rare de nos jours.
La spiritualité laïque, à mes yeux, c’est finalement tout ce qui concourt à
l’harmonisation de l’individu par lui-même, au cheminement qui consiste à se
construire soi-même et à édifier sa vie, à la fois par le dialogue, la tolérance
et le respect mutuel.
Bien amicalement,
Michel THYS http://michel.thys.over-blog.org