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Commentaire de Gazi BORAT

sur De Victor Jara à Guantanamo : la même CIA (2)


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Gazi BORAT 26 août 2009 07:54

Sur les mille jours qui précédèrent le « golpe », un texte de Luis SEPULVEDA...

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Nous fumions de la marihuana des Andes mélangée au tabac doux des Baracoas. Nous écoutions les Quilapayun, Janis Joplin, et les quatre garçons de Liverpool ont fait soupirer nos cours. Nous portions des pantalons à pattes d’éléphant et nos filles des minijupes qui excitaient dieu et le diable. Nous avions nos propres codes parce qu’un seul mot suffisait pour savoir ce que nous étions et ce que nous rêvions : ¡hola compañero !, ¡hola compañera !. Et avec ça, tout était dit.

Angel Parra, Rolando Alarcón, Isabel Parra et mille chanteurs populaires nous ont donné une nouvelle dimension de l’amour, ce verbe formidable que nous avons commencé à conjuguer à notre façon.

Nous nous fixions des objectifs impossibles, SUD-réalistes, et nous les atteignions. Pour l’unique fois, de notre histoire, tous les enfants du Chili ont bu un demi-litre de lait, de lait blanc et juste, de lait nécessaire et prolétaire parce que, justement, ceux qui produisaient la richesse le finançaient. Un jour eu lieu une grande conférence de l’UNCTAD (organisme de l’ONU, NDT) et les architectes, les ingénieurs et les contremaîtres ont dit qu’il n’était pas possible de construire le grand édifice qui nous montrerait comme un peuple en marche. Mais nos maçons, nos électriciens, nos plâtriers et autres maîtres du casque ou du bonnet éclaboussé de plâtre ont dit que c’était possible, et ils l’ont fait. Ce fut par la suite l’immeuble de la jeunesse chilienne. Qui n’a pas mangé une fois à l’UNCTAD qu’on appelait aussi l’immeuble Gabriela Mistral et qui a été plus tard usurpé par les assassins ? Il est toujours là et il restera comme un témoin gigantesque de ces mille jours où tout fut possible.

Ceux qui n’avaient pas d’imagination ni place dans ce royaume du possible, du bonheur possible, conspiraient contre le soleil, contre la mer, contre l’été, depuis leurs domaines de Peñaca ou de Papudo. Mais sur les Plages Populaires, les familles des ouvriers étaient pour la première fois au soleil, près de la mer qui, à la vérité, nous baignait tranquillement. Ils jouaient au brisque, ils se promenaient en se tenant par la main, ils s’aimaient, ils faisaient des plans possibles pendant que les volontaires de la Fédération des Etudiants du Chili s’occupaient des enfants qui profitaient des marionnettes, du théâtre, des cours de musique et de peinture que leur donnaient les artistes militants d’un peuple en marche.

Aujourd’hui, trente ans plus tard, quelques uns parmi ceux qui n’ont pas eu le courage de s’engager, de tout donner, se glorifient d’une étrange capacité prémonitoire qu leur permit de prédire le désastre et leur conseilla de se maintenir en marge. Misérables, pauvres misérables qui ont perdu la plus belle opportunité de faire l’histoire, mais de la faire juste. Les mêmes sont aujourd’hui les paladins de la réconciliation et nous reprochent les « excès ». Mais ces illuminés ne rentrent jamais dans les détails. Nous avons provoqué l’impérialisme yanqui quand nous avons nationalisé le cuivre ? Ils oublient que nous l’avons fait avec une telle douceur, y compris en versant des indemnisations, ce qui nous a valu beaucoup de critiques de gauche. Mais nous l’avons fait parce que nous ne voulions pas la confrontation directe avec l’ennemi de l’humanité. Nous avons su répondre aux provocations avec fermeté et avec violence quand cela était nécessaire, mais nous n’avons jamais provoqué. Notre temps était le temps des constructeurs, nous faisions très attention au mortier qui unirait les briques de la grande maison chilienne, mais pas à la conjuration parce que nous étions et nous sommes des femmes et des hommes d’honneur.

La plus grande expression culturelle d’un peuple est son organisation, et nous fûmes un peuple très cultivé parce que notre organisation aux multiples facettes, plurielles, parfois doucement anarchique, nous portait vers la vie. Le rêve de Salvador Allende était d’amener l’espérance de vie des Chiliens au niveau de celle d’un pays développé. Son défi personnel était de permettre que chaque Chilien puisse disposer de vingt années de plus pour développer sa capacité créatrice, ses dons, et pour que la vieillesse cesse d’être un espace de misère et de défaite et soit, en revanche, la somme d’un expérience, l’héritage d’un peuple.

FIN de CITATION

A comparer avec les mille jours qui suivirent le 11 septembre 1973, en termes de victimes, de vies brisées et autres.. Mais un fasciste ne regardera jamais rien d’autre que l’éclat de bottes bien cirées..

gAZi bORAt


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