Père honteux ? Père caché ? Non pas.De Lattre est nommé commandant en chef du corps expéditionnaire français en Indochine le 6 décembre 1950, au lendemain d’un premier désastre, dit de la RC4 (route Cao Bang-Lang Son), au Nord Tonkin. Ses premières instructions, début janvier 1951, rapportées avec ferveur par Lucien Bodard, sont les suivantes : « Que toute la chasse y soit, que cela mitraille, que cela bombarde. Du napalm, du napalm en masse ; je veux que, tout autour, ça grille les Viets » (on ne disait pas, alors, Vietnamiens, c’eût été trop d’honneur, pour nommer l’adversaire).
Il n’a pas à attendre longtemps. Dès la mi-janvier, un nouveau choc a lieu avec les troupes viêt-minh, près de Vinh Yen, toujours au Tonkin. S’il faut donner une date d’apparition du napalm au Vietnam, c’est donc celle-ci : 15 janvier 1951 (nous sommes donc huit années pleines avant l’intrigue de l’Ennemi intime). Le correspondant du Monde, Charles Favrel, décrit alors le spectacle : « La bataille fait rage. Les King Cobra et les Hélicat rasent les crêtes, et le terrifiant napalm anéantit une brigade ennemie. » Terrifiant : Favrel a utilisé le mot approprié. Il suffit de lire les Mémoires des combattants vietnamiens d’alors, lorsqu’ils découvrirent les effets du napalm, pour en être convaincu.