Un autre point de vue qui n’invalide pas ma critique mais qui dévoile un autre aspect du problème.
Thomas LEGRAND / Schizophrénie autour de la taxe carbone
*
*Confusion autour de la taxe carbone !
*
Oui et je ne sais pas si vous avez remarqué mais en écoutant tous les
protagonistes du débat on a l’étrange impression qu’ils s’écharpent en
s’envoyant les mêmes arguments à la figure. C’est-à-dire que les pros et
les antis taxe carbone, si vous les prenez à part et un par un, disent à
peu près la même chose ! L’idée largement partagée est la suivante… Il
faut changer les habitudes de consommation et la fiscalité est une arme
incitative efficace. Le bonus malus sur les voitures propres l’a encore
montré. La taxe carbone, dans son principe ne gêne donc pas grand monde.
Mais il ne faut pas que cet impôt nouveau creuse les inégalités et c’est
pour ça que la charte de Nicolas Hulot comme les propositions de Michel
Rocard envisagent le chèque vert ou d’autres systèmes de dédommagement,
la partie bonus, comparable à ce qui se fait pour l’achat d’une voiture
sobre. Pour l’instant, c’est vrai, on ne sait pas ce que le gouvernement
a prévu pour soulager les ménages qui seraient obligés d’utiliser leur
voiture. Mais globalement, à part quelques ultra libéraux qui
considèrent que l’impôt est à la politique budgétaire ce que la gégène
est à l’art de la conversation, à part quelques khmers verts qui
estiment que prendre sa voiture pour aller au boulot équivaut à un
dégazage de tanker en pleine mer, toute la classe politique est
maintenant d’accord : il faut taxer la pollution et investir dans les
solutions alternatives. La violence des arguments entre les socialistes,
entre les socialistes et le gouvernement et entre une partie de l’UMP et
le gouvernement ne souligne donc pas une différence d’approche !
*Alors pourquoi se disputent-ils autant sur le sujet ?
*
D’abord, bien sûr parce que c’est une taxe ; c’est toujours rentable de
critiquer une taxe. Mais comme on est pour, on dit qu’elle est mal
faite. En réalité, il y a une raison plus profonde. Ils se disputent
entre eux pour la simple et bonne raison, que -à part les écologistes
qui sont cohérents sur cette question- tout le reste de la classe
politique est pris dans une contradiction insoluble. Je m’explique : La
taxe carbone est faite pour réduire la consommation de carbone. Donc
elle vise une diminution. Mais l’ensemble de la politique économique
vise une augmentation de la consommation et de l’investissement pour
sortir de la crise. D’un coté, à gauche comme à droite, on dit, «
polluez moins, roulez moins, achetez moins gros ». D’un autre coté on
dit « travaillez, faites des heures supplémentaires et surtout consommez
» ! Martine Aubry veut que le PS réfléchisse à une société, je cite, «
post-matérialiste » mais demande au gouvernement de relancer la
croissance par le biais de la consommation. Le gouvernement est atteint
de la même schizophrénie ! Ainsi dans Le Monde du weekend dernier,
Christine Lagarde expliquait qu’elle voulait alléger la fiscalité sur
les salaires et les investissements et l’augmenter sur la pollution !
Les mots sont choisis avec soin. « Taxe » égale « méchant », comme la
pollution. « Salaire et investissement » égale « gentil ». Il faut les
sauver. Mais en taxant la pollution on taxe les transports et la
mobilité, pourtant « gentil » ! La contradiction n’est résolue que
sémantiquement. Parce qu’évidemment « travailler plus pour gagner plus
pour rouler moins et consommer moins » ça ne tient pas debout. Les
grands partis de gouvernement de droite comme de gauche, le savent mais
n’arrivent pas encore à envisager une société de modération et de sobriété.
Je ne voudrais pas faire de la psy de cuisine politique… mais je suis
tenté quand même : quand on n’arrive pas à résoudre ses propres
contradictions c’est toujours sur les autres que l’on rejette la faute.
On accuse les autres parce qu’on ne peut pas se disputer avec soi-même !
C’est ce qui arrive aujourd’hui à toutes les grandes voix de l’UMP et du
PS sur le sujet.