La crise accentue le phénomène, certains entreprises jouant sur l’effet d’aubaine
Une excellente enquête de JP Raillard de Syndex, dans Médiapart (extrait) :
"...dans une quinzaine d’entreprises où nous sommes intervenus, la direction en a profité pour revenir sur un certain nombre d’accords sociaux,
en particulier sur les accords de réduction du temps de travail. Il n’y
a pas d’effets sur l’emploi, mais des effets sur le salaire qui peuvent
être importants. Nous sommes ainsi intervenus dans une entreprise où,
après un plan de départs volontaires, la direction a demandé aux
salariés de travailler 4h33 de plus par semaine pour le même prix. Ils
travaillent plus tout en gagnant autant !
La
crise précipite les événements. C’est d’autant plus vrai quand il y a
la pression de l’actionnaire, et cette pression est d’autant plus forte
que le centre de décision est éloigné. Le cas célèbre d’un
sous-traitant automobile qui défraie l’actualité [Molex, ndlr],
où la direction n’a même pas essayé de se déguiser derrière une
justification économique quelconque, en est un exemple caricatural. Sur
place, les directions locales n’ont pas grand-chose à négocier, elles
n’ont pas de grain à moudre, elles ne savent pas comment s’y prendre
avec les ordres qu’elles reçoivent d’en haut. Les grandes orientations
du groupe sont traitées très loin, très haut, et souvent à l’étranger.
La financiarisation de l’économie a un effet très pervers, elle met
beaucoup l’accent sur les objectifs à court terme d’un ou deux ans – ce
qui correspond d’ailleurs en général à la durée du contrat de travail
des directions locales !...
L’horizon
de l’entreprise est borné à un, deux ans maximum, ce qui entraîne des
décisions plus brutales, moins anticipées, moins préparées, et des
salariés qui se retrouvent après un licenciement dans des conditions de
mobilité plus difficiles. On passe de la création de valeur pour
l’entreprise à la création de valeur actionnariale, la pression est
telle sur les marchés financiers pour sortir des taux de rendement que
les directions ont gratté tout ce qu’elles pouvaient gratter dans
l’appareil économique. La financiarisation a souvent supprimé les
réserves de fonds propres des entreprises, car il fallait pouvoir
servir des dividendes en rapport avec ce que le marché exigeait. On se
retrouve donc avec des sociétés fragilisées par rapport à la
conjoncture : elles ont plus de mal à résister, à gérer les bas de
cycle. C’est le cas dans les grands groupes, mais aussi chez les PME
sous-traitantes : pour obtenir des rendements élevés, les groupes
donneurs d’ordre ont évacué le risque sur l’ensemble de la filière."...