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Commentaire de Philou017

sur Cherchons l'intrus : Justice, Villepin, Présomption d'innocence


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Philou017 Philou017 30 septembre 2009 15:28

Je met ici un extrait d’un blog, fort bien envoyé ma fois, et qui éclaire bien certaines choses :

Investigation = le capitalisme le plus dur appliqué au journalisme

Pour comprendre une telle prose, il est bon de savoir comment grouille le monde des journalistes d’investigation de la presse parisienne. Ils sont une poignée à se partager des miettes judiciaires, qui font de bons titres et de gros gâteaux (ou l’inverse). Une poignée souvent plutôt bien payée (pas de problème avec ça) en échange d’une obligation de résultats : ramener du scoop. Au kilo. Sous plastique ou non, sous blister, avec ou sans alarme, mais le plus clinquant possible. Du front page, de la cover, du facing, de la tête de gondole. L’investigation, c’est le capitalisme le plus dur appliqué au journalisme : pas de quartier pour le voisin, pas de pitié pour le concurrent, je te nique, je vais vite. Tout le talent tient dans le flingage. Désormais, la boutique est ouverte 24h/24, dimanche compris. Faut que ça tourne et à plein régime avec ça ! Faut que ça abatte du boulot — et tant pis si ça abat au passage quelques voyelles et consonnes jetées en pâture. Faut être le premier sur le fournisseur (flic, juge, avocat, indic), le premier sur le client (lecteur, spectateur), à l’affût du bilan comptable (les revues de presse scrutées comme des bonus de fin d’année) et n’être pas toujours trop regardant sur la camelote (que signifie la vérité judiciaire ? Quelles sont les conditions du recueillement de la parole retranscrite ? En garde à vue ? Chez le juge ? Qui file les P.V., et pourquoi, et comment, et à qui, et pour qui ? Et pour combien de temps ? Etc). Dans l’investigation, désormais, tout n’est qu’une question de rentabilité et de plus-value express. Et de rotation : surtout, surtout, passer d’une affaire à l’autre. Ne pas creuser au delà de l’économiquement raisonnable, ne pas aimer ses sujets, ne pas douter, fureter toujours, et fourguer encore. « Et on fera une mise à jour sur le site, si on s’est planté, va... » A ce train là, l’investigation connaîtra bientôt son affaire Madoff ou Kerviel.

« La neutralité et l’objectivité sont pour moi des terres inconnues » (Roberto Saviano)

Et c’est évidemment cet univers là qu’il faut saisir dans les bassesses qu’on voit traîner ici ou là dans quelques (règlements de) comptes-rendus du procès Clearstream. Parce que, oui, Denis Robert, c’est pas tout à fait cette trempe là. C’est le genre à l’ancienne. Le genre vocation, le genre journalisme vital. Ce romantisme là permet d’aller tellement plus loin [1]. Sans Denis Robert, jamais il n’y aurait jamais eu l’Appel de Genève [2]. Qui dit mieux ?

Dans Gomorra, un autre grand romantique, sans doute, qui croit en son métier, le con, le journaliste italien Roberto Saviano, condamné à mort par la mafia napolitaine, écrit [3] : « Je pensais qu’il fallait absolument essayer de connaître les raisons du désastre à venir. Et comprendre signifiait à tout le moins en faire partie. C’est le seul choix possible, je ne crois pas qu’il y ait d’autre façon de saisir les choses. La neutralité et l’objectivité sont pour moi des terres inconnues ». Sur le blog du comité de soutien de Denis Robert, Saviano a aussi laissé un message. Ça vaut le détour.

Cette arrière-cuisine qui sent le graillon

Ce monde de l’investigation, je le connais. Je l’ai fréquenté. A Libération, à Canal +, à Mediapart. Je l’ai croisé durant de nombreuses années. Il a ses honneurs — rares — ; ces grandes heures — plus fréquentes —, il a même ses ententes illicites (exemple : quand deux journaux différents publient le même jour le même scoop, on appelle ça se partager le marché chez les libéraux ; chez les journalistes on dit « faire un bon coup »), et puis, il a ça : cette arrière-cuisine qui sent le graillon, et les ricanements, les déjeuners en ville insupportables de suffisance et de médisance. Le besoin de dénoncer des actes, rarement de comprendre un système. Le plaisir subtil à balancer des noms, et à regarder les corps bouger au bout de la corde. Promis, un jour, j’en raconterai quelques petits détails, de ce monde là. L’affaire de Tarnac, à propos de laquelle je rédige un livre, pourrait être une assez bonne entrée en matières. Bah, on verra.

En 2007, Denis Robert m’avait demandé une attestation qu’il produirait à l’occasion en justice. Dans cette attestation, j’écrivais ceci :

« J’ai eu l’occasion, comme polémiste sur RTL ou sur Canal +, d’évoquer précisément le travail de monsieur Denis Robert à plusieurs occasions. J’ai même provoqué à plusieurs reprises des débats à son sujet. J’étais parfois étonné par la jalousie et la perfidie, toutes parisiennes, de certains journalistes à son encontre. Journalistes qui, au fond, supportaient mal que le travail de Denis Robert engendre tant de débats et d’intérêt en France, quand le leur ne suscite rien, ou presque. »

Deux ans plus loin, depuis l’autre bout du monde où tant de journalistes se sont esquintés la vie et le reste contre des empires, tel Denis Robert dans cette affaire, je persiste et je signe.

David Dufresne.

http://www.davduf.net/Clearstream-A-Denis-Robert-en-ces.html



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