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Commentaire de J. GRAU

sur La Décroissance serait-elle un concept économique ?


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Jordi Grau J. GRAU 22 octobre 2009 22:53

En ce qui me concerne, je trouve le jugement des auteurs de L’insurrection qui vient à la fois intéressant et injuste. Il est injuste parce que les « objecteurs de croissance » ont raison de rappeler un fait trop souvent oublié : les ressources naturelles sont limitées. Ils ont raison également de dire que le bonheur ne consiste pas à travailler comme des dingues pour accumuler toujours plus de biens matériels. Franchement, je ne vois pas ce que le « comité invisible » (auteur de L’insurrection qui vient) peut objecter à cela, et je soupçonne de sa part un peu de mauvaise foi.

D’un autre côté, sa critique du mouvement de la décroissance n’est pas inintéressante. Quoi que vous en disiez, Michel Mengneau, la décroissance est bien un concept économique. Si on n’admet que l’économie est la science qui étudie la manière dont les hommes s’y prennent pour satisfaire leurs besoins avec des ressources rares (définition trouvée dans un bouquin d’initiation à l’économie de Jacques Généreux), alors force est de reconnaître que le discours des objecteurs de croissance est un discours économique. Que nous disent-ils en effet, sinon : « Les ressources sont rares, n’ayons pas des ambitions au-dessus de nos moyens » ?

Qu’est-ce qui est gênant, là-dedans ? A mon sens, ce n’est pas le fait de parler d’économie. L’économie - y compris au sens de « faire des économies » - il en faut, je crois que personne ne peut le nier. Ce qui est gênant, c’est de mettre d’abord en avant l’économie, et seulement en second lieu ce qui fait le sel de la vie. Le journal La décroissance a pour sous-titre : Le journal de la joie de vivre. Cet exemple illustre bien ce que je veux dire : il s’agit d’abord d’austérité, de restrictions, de calculs, et seulement ensuite de joie de vivre, de lien social, etc.

Dès lors, on comprend pourquoi le « comité invisible » stigmatise les « objecteurs de croissance » sous le nom de « petits-bourgeois ». C’est que la bourgeoisie - à l’origine en tout cas - a dû sa fortune à son talent comptable, à sa vertu d’économie, à son refus du gaspillage. Auto-contrainte, refus des passions, vie bien ordonnée et monotone : voilà le genre de qualités morales que le « comité invisible » ne veut pas, et on peut le comprendre.

Conclusion : je crois que ce n’est pas l’auto-contrainte et la peur du gaspillage qui doivent primer, mais plutôt le désir d’une autre vie, plus libre et plus créative. Vouloir commencer par la peur de détruire les ressources naturelles n’est pas une très bonne manière de changer les choses. Comme disait Deleuze et Guattari, on ne fait pas une révolution par devoir, mais par désir. Si les gens, en occident, consomment trop, c’est en grande partie pour compenser un mode de vie médiocre, stressant et terne. Rendons la vie plus joyeuse, et il deviendra alors beaucoup plus facile de faire des économies.


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