• AgoraVox sur Twitter
  • RSS
  • Agoravox TV
  • Agoravox Mobile

Accueil du site > Tribune Libre > La Décroissance serait-elle un concept économique ?

La Décroissance serait-elle un concept économique ?

Comme on pourra le constater lors de la lecture ce paragraphe de « L’insurrection qui vient » est sans concession à propos de la Décroissance, tant mieux ! Toute critique est constructive puisque dans certains cas un regard différent que celui de ceux plantés au cœur de l’objection de croissance permet de faire ressortir ce que l’on pourrait appeler une intellectualisation trop forte des idées de Décroissance. Sans doute un manque de pragmatisme et une forme utopique de la Décroissance sont probablement les quelques péchés de jeunesse de ce mouvement qui commence à agiter les consciences. Cependant, avec la mise en politique de l’Objection de croissance celle-ci commence à s’épurer de ses déviances pour donner une image plus positive aux citoyens, elle devient donc de façon constructive une espérance d’avenir contrairement à ce que voudrait laisser croire les quelques lignes qui suivent...

 Chaque éclaircissement du front est ainsi marqué en France par l’invention d’une nouvelle lubie. Durant les dix dernières années, ce fut ATTAC et son invraisemblable taxe Tobin – dont l’instauration aurait réclamé rien moins que la création d’un gouvernement mondial –, son apologie de l’« économie réelle » contre les marchés financiers et sa touchante nostalgie de l’État. La comédie dura ce qu’elle dura, et finit en plate mascarade.

L’insurrection qui vient. (134/391)

 Une lubie remplaçant l’autre, voici la décroissance. Si ATTAC avec ses cours d’éducation populaire a essayé de sauver l’économie comme science, la décroissance prétend, elle, la sauver comme morale. Une seule alternative à l’apocalypse en marche, décroître. Consommer et produire moins. Devenir joyeusement frugaux. Manger bio, aller à bicyclette, arrêter de fumer et surveiller sévèrement les produits qu’on achète. Se contenter du strict nécessaire. Simplicité volontaire. « Redécouvrir la vraie richesse dans l’épanouissement de relations sociales conviviales dans un monde sain. » « Ne pas puiser dans notre capital naturel. » Aller vers une « économie saine ». « Éviter la régulation par le chaos. » « Ne pas générer de crise sociale remettant en cause la démocratie et l’humanisme. » Bref : devenir économe. Revenir à l’économie de Papa, à l’âge d’or de la petite bourgeoisie : les années 1950. « Lorsque l’individu devient un bon économe, sa propriété remplit alors parfaitement son office, qui est de lui permettre de jouir de sa vie propre à l’abri de l’existence publique ou dans l’enclos privé de sa vie. »

L’insurrection qui vient. (135/391)

 Un graphiste en pull artisanal boit un cocktail de fruits, entre amis, à la terrasse d’un café ethnique. On est diserts, cordiaux, on plaisante modérément, on ne fait ni trop de bruit ni trop de silence, on se regarde en souriant, un peu béats : on est tellement civilisés. Plus tard, les uns iront biner la terre d’un jardin de quartier tandis que les autres partiront faire de la poterie, du zen ou un film d’animation. On communie dans le juste sentiment de former une nouvelle humanité, la plus sage, la plus raffinée, la dernière. Et on a raison. Apple et la décroissance s’entendent curieusement sur la civilisation du futur.

L’insurrection qui vient. (136/391)

 L’idée de retour à l’économie d’antan des uns est le brouillard opportun derrière lequel s’avance l’idée de grand bond en avant technologique des autres. Car dans l’Histoire, les retours n’existent pas. L’exhortation à revenir au passé n’exprime jamais qu’une des formes de conscience de son temps, et rarement la moins moderne. La décroissance n’est pas par hasard la bannière des publicitaires dissidents du magazine Casseurs de pub. Les inventeurs de la croissance zéro – le club de Rome en 1972 – étaient eux-mêmes un groupe d’industriels et de fonctionnaires qui s’appuyaient sur un rapport des cybernéticiens du MIT.

L’insurrection qui vient. (137/391)

 Cette convergence n’est pas fortuite. Elle s’inscrit dans la marche forcée pour trouver une relève à l’économie. Le capitalisme a désintégré à son profit tout ce qui subsistait de liens sociaux, il se lance maintenant dans leur reconstruction à neuf sur ses propres bases. La sociabilité métro-politaine actuelle en est l’incubatrice. De la même façon, il a ravagé les mondes naturels et se lance à présent dans la folle idée de les reconstituer comme autant d’environnements contrôlés, dotés des capteurs adéquats.

L’insurrection qui vient. (138/391)

 À cette nouvelle humanité correspond une nouvelle économie, qui voudrait n’être plus une sphère séparée de l’existence mais son tissu, qui voudrait être la matière des rapports humains ; une nouvelle définition du travail comme travail sur soi, et du Capital comme capital humain ; une nouvelle idée de la production comme production de biens relationnels, et de la consommation comme consommation de situations ; et surtout une nouvelle idée de la valeur qui embrasserait toutes les qualités des êtres. Cette « bioéconomie » en gestation conçoit la planète comme un système fermé à gérer, et prétend poser les bases d’une science qui intégrerait tous les paramètres de la vie. Une telle science pourrait nous faire regretter un jour le bon temps des indices trompeurs où l’on prétendait mesurer le bonheur du peuple à la croissance du PIB, mais où au moins personne n’y croyait.

L’insurrection qui vient. (139/391)

 « Revaloriser les aspects non économiques de la vie » est un mot d’ordre de la décroissance en même temps que le programme de réforme du Capital. Éco-villages, caméras de vidéosurveillance, spiritualité, biotechnologies et convivialité appartiennent au même « paradigme civilisationnel » en formation, celui de l’économie totale engendrée depuis la base. Sa matrice intellectuelle n’est autre que la cybernétique, la science des systèmes, c’est-à-dire de leur contrôle.

L’insurrection qui vient. (140/391)

 Pour imposer définitivement l’économie, son éthique du travail et de l’avarice, il avait fallu au cours du XVIIe siècle interner et éliminer toute la faune des oisifs, des mendiants, des sorcières, des fous, des jouisseurs et autres pauvres sans aveu, toute une humanité qui démentait par sa seule existence l’ordre de l’intérêt et de la continence. La nouvelle économie ne s’imposera pas sans une semblable sélection des sujets et des zones aptes à la mutation. Le chaos tant annoncé sera l’occasion de ce tri, ou notre victoire sur ce détestable projet.

L’insurrection qui vient. (141/391)

 

 

Pour résumer, afin de laisser le lecteur se faire une opinion je n’ai pas voulu, dans le préambule présentant ce passage de « l’Insurrection qui vient », polémiquer sur la vraie question qui est posée : « la notion de l’économie en tant que science et seul moteur de nos sociétés ». A l’évidence, les auteurs de cet ouvrage collectif rejettent le principe de l‘économie marchande, tout système économique d’ailleurs, et par conséquence la Décroissance qui, à leur yeux, serrait essentiellement considérée comme une donnée économique. Si l’on va dans se sens là, est donc fait abstraction du coté humain de l’objection de croissance pour n’en voir que son aspect économique, ce qui est restrictif et ne correspond pas tout à fait aux notions que veulent apporter les membres de l’AdOC.

 Certes, le système capitaliste à fait de ce terme son cheval de bataille, c’est-à-dire que d’une société qui pourrait être d’échanges, il en a conçu un modèle où la valeur spéculatif est la pierre d’achoppement, le but servant à apporter plus encore de profit, le terme « économie de marché » résumant à peu près tout. Effectivement si l’on ne raisonne que comme cela, vouloir faire de la décroissance peut aussi être considéré comme une action s’incluant dans un principe économique. Mais c’est oublier que le profit capitaliste est aussi basé sur l’exploitation de l’homme par l’homme, le travail dans une société capitaliste est un asservissement contraint de l’ouvrier par ce leitmotiv : la rentabilité, rentabilité productiviste dans l’unique but est d’enrichir l’actionnariat, de servir le capital. Lorsque la Décroissance prône avant tout le fait de détruire le productivisme elle s’insère dans un contexte social, puisque par ce biais elle redonne une valeur morale réelle au travail, qui est celui d’une monnaie d’échange, elle fait disparaître par la même occasion la notion de profit, engendrant aussi la fin d’une marchandisation de l’inutile, l’on peut considérer alors que l’on est sorti du substrat économique traditionnel pour une société de partage et de priorités sociétales qui n’ont plus comme objet le rentable mais le bien-être de l’individu…

 Doit-on alors inclure cette vision de nos sociétés dans un principe économique, je ne le crois pas. C’est pourquoi je ne classerai pas la Décroissance en tant que concept économique, mais en tant que concept sociétal et moral !

http://le-ragondin-furieux.blog4ever.com

Par Michel MENGNEAU

 


Moyenne des avis sur cet article :  4.27/5   (11 votes)




Réagissez à l'article

15 réactions à cet article    


  • Robert Biloute Robert Biloute 22 octobre 2009 12:57

    Ces passages de « l’ insurrection qui vient » mettent bien en relief les écueils potentiellement énormes sur lesquels peut s’échouer le concept de décroissance.

    Il me semble que les représentants en vue de ce mouvement reconnaissent systématiquement et en premier lieu ce fait : l’idée de décroissance est « sur le fil du rasoir », toujours prête à sombrer dans les pires abus si elle est mal utilisée.

    Reste que :
    - C’est le lot des idées fortes, comme des outils performants : leur capacité de nuisance est au moins proportionnelle à leurs avantages
    - le mouvement décroissant est à mon sens un des seuls, sinon le seul milieu qui se pose actuellement les bonnes questions, celles qu’on ne peut plus cacher sous le tapis plus longtemps. Parmi elles bien sûr, la question de la croissance comme guide, qui n’est JAMAIS remise en cause sauf par quelque commission floue (commission stiglitz) et, dans les bons jours, par le parti de gauche.

    Je vous conseille la revue Entropia, qui réunit régulièrement quelques textes autour de la décroissance, débat très instructif et vivifiant.


    • stephane 22 octobre 2009 12:57

      @ l’auteur,

      dommage que vous consacriez une partie importante de l’article aux critiques émises dans le texte « l’inserruction qui vient ».

      Je m’intérresse aussi au concept de décroissance et j’aurais apprécié que vous développiez plus sur le thème sociétal, moral mais aussi économique car le principal reproche que l’on fait à ce concept c’est son côté utopique.

      Pour le reste, je suis -j’imagine- d’accord avec vous : pour moi, la décroissance -économique en tout cas- va s’imposer à nous du fait de la déplétion pétrolière qui a déjà commencé. Le déclin de cette « richesse » ne peut qu’entrainer celui d’une économie qui lui doit tant : dans ces conditions, il serait bon que la décroissance revête le caractère sociétal et moral que vous avez défendu.


      • Mengneau Michel Mengneau Michel 22 octobre 2009 13:17

        Mon but est de démystifier des idées reçues, des perceptions incomplètes sur la Décroissance. Cest pourquoi j’ai pris l’exemple de ces quelques lignes de « l’insurection qui vient » car à travers celles-ci ressortent des critiques souvent superficielles...

        Par contre, si vous voulez des précisions sur les propositions de l’AdOC (association d’Objecteur de Croissnce) il suffit d’aller sur le site adoc info ou mieux encore sur celui d’Europe Décroissance où une plate-forme de travail est proposée, avec possibilité de débat


      • Montagnais .. FRIDA Montagnais 22 octobre 2009 17:26

        #1) Jusqu’à quand pourrait-on assigner des objectifs de croissance à un système contenu dans un espace fini ? (Croissance durable.. un oximore exemplaire..).

        #2) Que se passe-t-il demain, si, comme c’est leur fantasme quotidien, quelques milliards de dévots du capitalisme et de la société de surconsommation vivent comme les ricains ? 4X4 quarante soupapes, SUV petrophages, yacht de luxe, avions, serviteurs, puits sans fond de goinfrages, d’empifrages jusqu’à l’absurdité et l’obésité..

        #3) Jusqu’à quand l’homme devra-t-il crouler sous des prothèses de plus en plus nombreuses, emmerdantes et coûteuses : sonnettes sophistiquées avec chargeurs secteurs et cendriers.. bloutouffes et blaque-brebis, CD, CDD, DVD, Rolex et Armani, spectrons, claviots oui-fi, PC, Mac, jeux et manettes, ail-pod, ail-phone, live-phone, lunettes, skidoos, polandroïdes, HDX caméras, homme-cinéma, vibreurs, vibromasseurs, buzeurs, GPS, tamtam, tintouins, auto-cuiseur, lecteurs, baladeurs, compteurs, enduiseurs... J’en passe et des meilleurs, en masse.

        Elle est là la modernité, il est là le supplément d’âme, la jouissance.. couper un grand nombre des fils à la patte par lesquels vous accroche l’omnipotente industrie de la réclame et de la finance.

        La décroissance relève d’abord d’une exigence d’ordre esthétique. Tout le reste n’est qu’inutile casuistique.

        Tiens, à propos... Vous êtes au courant pour le 8 février 2010 ?


        • Montagnais .. FRIDA Montagnais 22 octobre 2009 17:30

          Ooops ! Oublié.. Illustration pour mon billet :

          https://www.adbusters.org/


          • ddacoudre ddacoudre 22 octobre 2009 17:35

            bonjour michel

            la décroissance est un sujet qui me plait bien, et j’en conviens il n’est pas un concept économique mais social. je n’ai pas eu l’occasion de lire l’insurrection qui vient, mais je suis persuadé qu’elle vient, car l’enchevêtrement des événements qui s’entrechoque y conduisent. j’ai eu l’occasion d’écrire sur ce média que la pollution enterrerai définitivement l’axiome d’Adam Smith, comme elle va de la même manière mettre un terme à la croissance exponentielle de cette société capitaliste. ce n’est jamais en conscience que les transformations s’opèrent.
            à l’examen de nos désirs il existe un marché de croissance sans limite pour plus de 6 milliards d’individus et demain plus de 9. sur la base de nos indicateurs de croissance en une année nous aurions épuisé toutes nos ressources et pourri la planète au point d’en affecter la vie biologique.

            de fait le futur sera fait d’une décroissance éthique qui posera un problème existentiel, que feront de leur existence les individus s’il ne peuvent s’épuiser à consacrer une partie de leur vie à produire.
            je me suis interrogé un jour sur ce sujet en constatant que l’on avait pas besoin du travail de tout le monde compte tenu de notre technologie, et que plutôt que d’inventer des service et des productions futiles pour maintenir une croissance pourvoyeuse de revenu pour les uns et de profit pour les autres, il serait plus judicieux de modifier notre relation au travail et de préparer nos esprits à faire face au défi du futur qui sera la disparition des ressources sur lesquelles repose notre croissance.

            pour ce faire il ne reste que le même moyen que celui qui a prévalu au développement du capitalisme, le développement du savoir, car c’est de lui que nous retirons notre prospérité, sur laquelle des gens avides se sont endormi laissant après eux le déluge.

            faire de l’enseignement tout au long de l’existence une occupation existentielle, est un moyen d’avoir une activité rémunératrice, et trouver dans l’esprit des enseignés les solutions qui pérenniseront la vie de notre espèce et de la diversité du monde.
             la matière et l’esprit ne sont pas dissociable.
            la pollution montre les limites du matérialisme, puisque c’est l’esprit qui est capable de déceler avec ses instruments ce que nos sens ne peuvent voir ou sentir.

            il semblerait pourtant au regard de l’histoire que nos prédécesseurs n’aient pas su construire solidement la tour de Babel. ce qui démontre que notre problème n’est qu’une énième représentation, dont le pire n’est pas la décroissance mais la regression et le cloaque.

            cordialement.


            • tvargentine.com lerma 22 octobre 2009 19:16

              Cette idéologie est extrèment dangereuse pour la société et elle a d’ailleurs été développé par les marxistes dans les années 70 (et même Chevenement soutenait cette idée en 74)

              C’est vous dire si « la décroissance » est vraiment une vieille idée d’ex gauchiste devenu réactionnaire

              http://www.tvargentine.com


              • Le péripate Le péripate 22 octobre 2009 19:46

                Si ce n’est un concept économique, mais un concept moral (je perçois mal le sens de « sociétal »), ce n’est guère différent du choix du saddhu, et du moine ou de l’ermite.

                Pourquoi pas. Chacun est libre de choisir sa vie, et la pauvreté choisie est aussi un délice d’oisiveté.

                Mais, bien sûr, s’il s’agit d’imposer aux autres sa vision de la vie, ça devient une autre question.


                • ddacoudre ddacoudre 23 octobre 2009 10:03

                  salut péripate

                  je lis souvent tes commentaires, et souvent je suis surpris, avec la bonne perception que tu as de l’existence, que tu puisses dire que chacun choisi sa vie. je ne suis pas souvent d’accord avec toi, mais cela ne signifie pas que ce que tu dis soit faux, car c’est une vue sous un autre angle. et en l’espèce si nous disposions effectivement, nous nous sortirions de la mélasse à laquelle nous avons participé en croyant dur comme fer assurer la prospérité du monde.

                  cordialement.


                • pseudo 22 octobre 2009 20:16

                  La crise s’est la décroissance forcer pour les pauvres et les classes moyennes, non merci ? 

                  Il est peu être possible d’envisager une société écologique, solidaire avec une relocalisation des producteurs, des fabricants de produit 100% recyclable et non toxique. 
                  Il faut taxer les produits en fonction du kilométrage parcouru et du poids, une taxe carbone intelligente qui protège nos entreprises et nos emplois. 
                  Malheureuse l’intérêt des entreprises Française et l’emploie ne sont pas des priorités pour les fonctionnaires ni pour les politiciens. Comme ils le disent très bien le chômage et les entreprises se n’est pas leur problème car ils ont la garantie de l’emploie ou des indemnités à vie. Les Français élisent des politiques et payent des fonctionnaires qui ont strictement rien à fiche du secteur privé. 



                  • Jordi Grau J. GRAU 22 octobre 2009 22:53

                    En ce qui me concerne, je trouve le jugement des auteurs de L’insurrection qui vient à la fois intéressant et injuste. Il est injuste parce que les « objecteurs de croissance » ont raison de rappeler un fait trop souvent oublié : les ressources naturelles sont limitées. Ils ont raison également de dire que le bonheur ne consiste pas à travailler comme des dingues pour accumuler toujours plus de biens matériels. Franchement, je ne vois pas ce que le « comité invisible » (auteur de L’insurrection qui vient) peut objecter à cela, et je soupçonne de sa part un peu de mauvaise foi.

                    D’un autre côté, sa critique du mouvement de la décroissance n’est pas inintéressante. Quoi que vous en disiez, Michel Mengneau, la décroissance est bien un concept économique. Si on n’admet que l’économie est la science qui étudie la manière dont les hommes s’y prennent pour satisfaire leurs besoins avec des ressources rares (définition trouvée dans un bouquin d’initiation à l’économie de Jacques Généreux), alors force est de reconnaître que le discours des objecteurs de croissance est un discours économique. Que nous disent-ils en effet, sinon : « Les ressources sont rares, n’ayons pas des ambitions au-dessus de nos moyens » ?

                    Qu’est-ce qui est gênant, là-dedans ? A mon sens, ce n’est pas le fait de parler d’économie. L’économie - y compris au sens de « faire des économies » - il en faut, je crois que personne ne peut le nier. Ce qui est gênant, c’est de mettre d’abord en avant l’économie, et seulement en second lieu ce qui fait le sel de la vie. Le journal La décroissance a pour sous-titre : Le journal de la joie de vivre. Cet exemple illustre bien ce que je veux dire : il s’agit d’abord d’austérité, de restrictions, de calculs, et seulement ensuite de joie de vivre, de lien social, etc.

                    Dès lors, on comprend pourquoi le « comité invisible » stigmatise les « objecteurs de croissance » sous le nom de « petits-bourgeois ». C’est que la bourgeoisie - à l’origine en tout cas - a dû sa fortune à son talent comptable, à sa vertu d’économie, à son refus du gaspillage. Auto-contrainte, refus des passions, vie bien ordonnée et monotone : voilà le genre de qualités morales que le « comité invisible » ne veut pas, et on peut le comprendre.

                    Conclusion : je crois que ce n’est pas l’auto-contrainte et la peur du gaspillage qui doivent primer, mais plutôt le désir d’une autre vie, plus libre et plus créative. Vouloir commencer par la peur de détruire les ressources naturelles n’est pas une très bonne manière de changer les choses. Comme disait Deleuze et Guattari, on ne fait pas une révolution par devoir, mais par désir. Si les gens, en occident, consomment trop, c’est en grande partie pour compenser un mode de vie médiocre, stressant et terne. Rendons la vie plus joyeuse, et il deviendra alors beaucoup plus facile de faire des économies.


                    • Robert Biloute Robert Biloute 23 octobre 2009 11:10


                      Bien vu.


                    • Jordi Grau J. GRAU 22 octobre 2009 22:55

                      Erratum

                      Au deuxième paragraphe, je voulais écrire :

                      « Si on admet que l’économie est la science qui étudie la manière dont les hommes s’y prennent [...] »


                      • BA 23 octobre 2009 00:44

                        Jeudi 22 octobre, le même jour, trois informations hallucinantes  :

                        1- Première information  :

                        Selon le rapport «  Vaccins et vaccination : la situation dans le monde  », publié par l’Organisation mondiale de la santé (OMS), l’UNICEF et la Banque mondiale, le taux de vaccination chez les tout-petits n’a jamais été aussi élevé avec 106 millions d’enfants vaccinés en 2008. Malgré cette hausse, le rapport déplore qu’un bébé sur cinq ne soit toujours pas protégé contre les maladies graves. Il faudrait en effet un milliard de dollars supplémentaire par an pour garantir des vaccins à tous les enfants de 0 à 1 an des 72 pays les plus défavorisés.

                        http://www.famili.fr/,la-vaccination-en-hausse-dans-les-pays-pauvres,363,53909.asp

                        2- Deuxième information  :

                        Etats-Unis  : le nombre de pauvres est situé entre 40 et 47 millions. En pourcentage, la pauvreté touche entre 13,2 % et 15,8 % d’Américains.

                        http://www.msnbc.msn.com/id/33395012/ns/us_news-life/

                        3- Troisième information :

                        Le Congrès des Etats-Unis a adopté jeudi, après un vote au Sénat, le texte final du projet de budget 2010 de la Défense, quasi-conforme aux demandes de l’administration et autorisant celle-ci à dépenser jusqu’à 680 milliards de dollars.

                        http://www.boursorama.com/infos/actualites/detail_actu_marches.phtml?num=a285d615612e9422d8c863b18f0fd23c


                        • lechoux 23 octobre 2009 10:50

                          En considérant la globalité des différents désirs d’avenir, qu’il soient politiques ou tribaux(possédants, bourgeois, éthniques), chacun retranscrit à sa manière le changement qu’il ressent et les confronte aux autres. Pour mon compte, je crois que la décroissance souhaitée annonce le développement de l’économie immatérielle, plus numérique donc et moins consommatrice de matières. Je rejoins Ddacoudre dans son analyse, que sera la vie sans travail ? Sommes-nous prêts à ce paradigme ? Concernant l’évolution de notre économie, oui nous pouvons optimiser notre consommation sans pour cela être extrémiste et vouloir devenir un ermite ou ne plus sortir de chez soi, ou jeûner. Bien que le jeûne ne soit pas si mauvais que cela pour l’âme !! :) Voyez par exemple les tonnes de carburant dépensés dans les 6 heures hebdomadaires en moyenne approximative de bouchon, au niveau mondial !!!! Ne croyez vous pas que l’on est capable de faire mieux. Et lorsque l’on se rue sur la côte, quelle joyeuse promenade d’y aller en transport en commun, pour retrouver sur place un véhicule écologique en libre accès ! Cela ne vous plairait-il pas ?

                          Il est certain que cet objectif sera atteint en premier au niveau des idées politiques, comme par exemple accepter un colcause pour les ressources vitales, et laisser le marché des loisirs aux libéraux. Un mille feuille politique en quelque sorte, comme au Vénézuela d’aujourd’hui...

Ajouter une réaction

Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page

Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.


FAIRE UN DON







Palmarès