@Sisyphe
Les mouvements qui se prétendaient
anticolonialistes ont appuyé l’idéologie de l’interventionnisme
occidental. Des personnalités politiques - comme Bernard Kouchner, Cohn
Bendit, Joska Fischer - se sont cyniquement servies des droits de
l’homme et la démocratie pour des raisons opportunistes. La
responsabilité de ces va-t-en guerre n’est-elle pas d’autant plus
grande que les médias leur ont accordé toute latitude pour faire du
lavage de cerveaux ?
Jean Bricmont : Je ne veux pas trop m’attaquer à des personnes ; il
est vrai que je cite parfois dans le livre des gens qui sont
représentatifs de cette mouvance, comme Kouchner ou Havel. Mais
l’important, c’est la dérive du mouvement écologique. Quand ce
mouvement est né, il était non-violent, contre toute armée, et
maintenant il soutient une politique d’ingérence humanitaire qui
suppose une armée importante. Exiger une politique d’ingérence
humanitaire cela suppose d’avoir des moyens, une armée puissante, la
possibilité de transporter des troupes à des milliers de kms. Cette
transformation du mouvement écologique est extraordinaire ! À l’époque
de la guerre froide, il y avait vraiment une menace de guerre,
peut-être exagérée, mais l’URSS était néanmoins puissante et son armée
nous était potentiellement hostile. Pourtant, à l’époque, les
écologistes prônaient une défense civile non violente, même en cas
d’agression soviétique. Donc l’idéologie de l’ingérence a produit des
transformations profondes, irréconciliables avec la perspective
écologiste de départ, à cause justement de la militarisation que leur
nouvelle posture politique suppose. Cela s’est fait dans les années
1990, et ces mouvements opposent maintenant une résistance très faible
à la guerre en Irak, ils ne disent pas grand chose sur ce sujet, et ils
ne font pas grand chose. Ils ne disent pas par exemple : notre priorité
c’est d’exiger le retrait des troupes américaines d’Irak. Aux USA,
paradoxalement, il existe une opposition à la guerre très forte dans
certaines parties de la droite, qui n’est pas néoconservatrice, mais
qui est plus traditionnelle, ainsi que chez certains militaires et
leurs familles qui payent le coût de la guerre, en vies humaines. Cette
opposition contraste avec l’attitude des démocrates, ou de la gauche "
modérée « , qui disent : » Il faut continuer à occuper, on ne peut pas
laisser tomber les Irakiens etc ". Il n’y a pas que le gouvernement
Bush qui affaiblit le mouvement de la paix !
lisez donc l’article