Monsieur Amenis,
Sur M3, je vous ai déjà dit mon sentiment à savoir que pour les financiers qui ont une influence sur le cours du Dollar, la M3 est souvent aussi utile qu’un dentier pour manger de la soupe. Sa publication peut entraîner des fluctuations à court terme dues à la spéculation, comme on en trouve classiquement partout pour les publications d’indicateur, mais sur le moyen et long terme n’a pas grand effet. Le spécialiste du forex dont j’ai parlé m’a avoué que depuis 20 ans qu’il trade, il n’a jamais eu besoin de la M3 (qui représente la masse de liquidité) . Je dis « il » mais en fait ça représente parfaitement la communauté financière entière car personne n’est assez succidaire pour se permettre de faire une politique d’investissement contrarienne (investir à contre-tendance). Publier avec précision un indicateur aussi difficile à calculer alors que ça ne sert pas tant que ça, ce serait sans doute du gaspillage de moyen selon le Trésor américain ? Nul ne sait ce qui se passe dans la tête de Greenspan comme je l’ai dit précédemment. Je ne connais pas précisément cet indicateur économétrique, mais chercher sa définition avec Google et vous verrez que ce n’est pas coton à déterminer, même avec les énormes moyens de Trésor US, ne serait ce que pour estimer les offshore deposits (cherchez ce mot sur google et vous verrez l’ampleur de la tâche).
Si je dois faire une analogie pour illustrer mon propos, c’est comme si je décide du jour au lendemain de vous supprimer votre crème de nuit de marque M3 sans daigner vous donner une justification. Si vous ne connaissez rien en dermatologie et que vous excellez en hystérie et en délire de persécution, vous allez crier que bien que « vous le valez bien », je veux vous nuire, que je veux vous rendre frippé comme une vieille pomme pour vous humilier, pour vous rendre fou et au final vous envoyer à l’asile. Si vous êtes un pro de la dermatologie, vous vous direz, bof, elle ne sert pas à grande chose cette crème hors de prix sauf à me rendre poisseux et intouchable pour la nuit. Vous vous contenterez d’une simple crème hydratante à 2€/dl acheté chez Lidl (l’équivalent économique de notre indicateur dérivé de la M3 dont j’avais parlé plus haut).
Quant à l’affirmation comme quoi « les banques US se dégagent de la dette américaine », je vous laisse la responsabilité du mot « se dégager » qui a une connotation NON neutre, impropre à une discussion économique. Les banques arbitrent en fonction de multiples facteurs, le fait qu’elles détiennent moins d’actif américain ne veut rien dire, en tout cas surtout pas que l’économie américaine serait moins attractive, car sinon, pourquoi les étrangers chercheraient à en détenir plus d’actif en proportion ? Il y a mille explications, mais pourquoi y voir des signes avec cet indicateur, alors que d’autres sont à mon avis bien plus important, du genre croissance, le taux de chômage, l’indice de confiance des ménages, les dépenses en R&D, le gain de productivité...
Si j’adoptais l’attitude de l’auteur, à savoir ne garder dans la masse d’informations disponibles uniquement celles qui appuient ma thèse, je m’en arrêterais là.
Mais je me dois être honnête et citer quelque chose de dérangeant, que tout le monde reconnaît, à savoir que la masse de liquidité US (la M3) voire mondiale est très, trop importante. Pour l’instant, cet excès de liquidité se retrouve dans les « assets » (la dette extérieure par exemple) au lieu de déclencher le schéma classiques d’augmentation de salaire puis inflation. Tant mieux, ça permet aux EU de maintenir encore des taux intérêts très bas et la marge de mainoeuvre américaine est très large (contrairement à la France qui est enfoncé dans ses problèmes structuraux et le carcan du critère de convergence, 3% de déficit max, 60% de pib de dette max).
Croire qu’en cas de problème, Bernanke, successeur estimé de Greenspan restera bras croisé sans rien faire, c’est méconnaître entièrement la politique monnétaire et financière. Par exemple, un levier possible, c’est actuellement la déductibilité d’impôt pour des intérêts d’emprunt immobilier, ce qui maintient la « bulle » (n’allez pas interpréter de manière cataclysmique ce mot hein) immobilière aux EU (ces fameux assets dont j’ai parlé précédemment) et contribue à absorber cet excès de liquidité. Et cette bulle immoblière entretient la confiance, les foyers américains voyant leur patrimoine s’apprécier encourage la consommation qui est un des moteurs de l’économie, avec comme contre réaction négative un déficit de la balance commerciale. Il y a plein d’autres leviers pour la régulation que je suis loin de connaître, non pas parce que je suis ignare (quoique), mais parce que la politique monétaire est d’une complexité inouie !
Je sais, c’est dense, c’est ennuyeux à mourrir, rien de sensationnel, aucun scoop publiable dans Paris Match ou Voici, mais c’est ainsi, si on veut essayer d’aborder l’économie dans son exaustivité.