Un mot possède le sens que l’on attribue, parfois non-évident. Quand Deleuze utilise le mot gauche, ce ne l’est pas au sens traditionnel, ainsi ma réaction à une conception traditionnelle de la politique fondée sur une citation du philosophe. Une interprétation évidemment possible mais selon moi, vis-à-vis du sens à priori original, ironique.
Gardons-nous du dualisme, des lignes droites naturellement construites par notre intellect. Si l’on prend la gauche et la droite deleuzienne ou l’individu et la société comme une ligne droite, le communisme libertaire défendu par Chomsky devient une singularité. Ceci est évité dans une conception traditionnelle de la politique, mais n’est-il pas un peu étrange de voir rassemblé à gauche tant l’anarchisme que le communisme ? Donc pas de lignes, pas de points, des idées-cap, des tendances, parfois contraires mais reliés pour obtenir des ancrages hypothétiques, des buts. Pour Deleuze l’homme est une machine désirante, il a donc toujours des buts. Donc l’idéalisme semble naturel, on ne s’en passe pas.
Ce qui sépare Foucault et Deleuze de Chomsky et Rawls, c’est l’humanisme. Tous évidemment ont pour idéal la liberté. Mais c’est la seule aspiration de l’Homme sur laquelle ils sont d’accords. « cette idée de l’Homme total, complet, heureux, désaliéné, etc... » rend Foucault sceptique, il préfère « ne jamais se donner l’Homme ni comme préalable ni finalement comme objectif. », bref « un anti-humanisme critique ». Car donner à l’Homme une définition ou des aspirations, c’est risquer la renaissance de méthodes de contrôle intrinsèques ou consécutives. Quand on n’a pas idée du bien, il n’y a aucun mal possible.
A mon sens John Rawls - du peu que j’en sais - poursuit plus qu’il évite les dérives des droits de l’Homme, celle d’un totalitarisme bienfaisant pouvant, par les moyens de contrôle qu’il nécessite, changer de visage à tout moment. Car comme Henri Laborit entre autres l’a montré, l’organisation de nos sociétés dépend pour beaucoup de celles de notre organisme, de notre système nerveux, notamment dans ses rapports de domination - elles sont plus ou moins naturelles. Qu’on s’attaque aux causes ou aux effets, cela passe donc par le contrôle, l’inhibition direct ou indirect (conscient ou non par l’homme) de ces facteurs déclarés néfastes. Totalitarisme et eugénisme en somme.