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Commentaire de océan

sur Mme Royal, candidate à la présidence de la République, une énigme ?


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océan (---.---.110.47) 21 novembre 2006 17:07

oui, bien sûr......

et si nous étions devant un symptôme ? pas devant un fait concret, encore moins devant un fait politique (cela, du moins, semble clair) mais devant un signe, ou un signifiant ?

Lequel, je ne sais pas... mais par exemple, peut-être celui de l’usure de notre démocratie, usure de fond, ou usure de la forme qu’elle a prise et qui évolue ? Usure d’une parole populaire perdue, enlisée, et finalement noyée dans le droit à la parole ou dans la forme qu’a prise ce droit. Sommé de s’exprimer même lorsqu’il n’a rien à dire, le peuple a peut-être perdu la parole.

Alors, on entre dans l’ère des caricatures, des schémas, la parole (du votant) perd sa chair pour ne garder que sa structure, sa forme, son apparence : avec Ségolène, le peuple va enfin pouvoir de nouveau parler : site interactif, jurys populaires, droit de regard, écoute du peuple, réunions, débats non contradictoires, cahiers des doléances, pas d’opposition, nous rendons enfin la parole, et pas n’importe laquelle : Sa parole, au peuple qui l’a perdue.

La suite logique ? le passage du « ferme-ta-gueule » (puisque ça ne servait plus à rien de parler, de toute façon...) au « cause toujours », les commissions à la Clémenceau (« quand je veux enterrer une question, je crée une commission »), la gueule de bois d’après l’ivresse, quand on voit la fille en pleine lumière et qu’on s’aperçoit qu’elle n’était pas celle qu’on croyait dans la pénombre de la boîte, l’amertume quand on constate ce qu’on savait déjà : qu’on peut être écouté sans être entendu, ni compris, ni suivi, et que tout le monde ne peut pas avoir raison...

Ainsi, cette élection aura été à la démocratie et à la libération de la parole du peuple ce que la star ac aura été à l’art du spectacle de variété : réunis avec un cynisme particulièrement élaborés (que le peuple un jour ne pardonnera pas), tous les ingrédients de la structure, mais déserte d’âme et déserte d’humanité, ce qui est un signe de mort clinique.

Absolument virtuelle, l’élection de Mme Royal nous met devant deux réalités : la mort de la démocratie et de la libre parole du peuple telle qu’elle pouvait s’exprimer jusqu’à présent (car elle s’exprimait), et un choix difficile à faire entre soit l’acceptation par le peuple de son état de votant absolument passif, jouet des communiquants, état qui vient de se manifester, soit une ré-invention de la démocratie, la vraie, celle où le peuple non pas s’exprime, mais dit quelquechose.

Ce dernier choix pourrait bien passer par la fin du suffrage universel (combien de votants sont capables de différencier les politiques des candidats en face des grands problèmes de l’heure ?), et par des élections par collèges d’élus.

Cela nous éviterait le pathétique désagrément de voir des candidats éminents se commettre dans la pitoyable flagornerie pour séduire les marges. Prince s’il en est, M. Fabius aurait-il paru col ouvert sur sa moto s’il devait être élu par les sénateurs ?

La mort de cette démocratie, signifiée par l’impossibilité où elle est arrivée d’élire autre chose qu’une image, comme par réflexe, n’est-elle pas reliée en profondeur à d’autres menaces qui touchent - est-ce un hasard - d’autres aspects de la démocratie : islamisme, intégrismes identitaires, démangeaisons hégémonistes et totalitaires des fragments de l’empire (soviétique), expansionnismes naissants en Orient ou au Proche-Orient, tyrannies africaines...

Si grisée soit-elle, Mme Royal n’ignore pas que ce ne sont pas les princes qui nourriseent les peuples mais les peuples qui nourrissent les princes. Lady Di est morte avant que le peuple se rende compte qu’elle n’était pas la princesse qu’on croyait (on l’aurait su : tout se sait) ; si Ségolène n’a pas cette chance, le masque tombera et le peuple ne lui pardonnera pas de ne pas être le rêve auquel elle aura fait croire.

Mais peu lui importe : dans cet étrange ballet de la démocratie mourante, elle sait qu’elle aura pris tout ce qu’elle aura pris.


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