Notre
ami Happy Peng (HP) conclut : « Ce n’est pas
une question morale, c’est une question technique : vous ne pourrez
plus empêcher l’enfant de voir. » Je le remercie de
m’offrir l’occasion de préciser qu’en ce qui concerne les
médias, y compris et surtout les jeux vidéo de meurter, la technique ne nous
permet pas de voir, au contraire. Elle nous donne l’ILLUSION de voir ; en fait, elle nous empêche de voir. La première
définition que donne Larousse au mot écran est : « ce
qui empêche de voir ».
Et c’est justement à
cet écran qui cache la réalité que l’éducation
peut pallier. L’éducation peut rendre des humains désireux
et capables de voir au-delà des écrans. Des humains non
éduqués ne voient (et se satisfont de) que ce qui
paraît à l’écran. Les humains éduqués
voient les écrans avec des rayons X. Ils doutent, jugent,
questionnent, discutent, fouillent, et découvrent ce qu’ils
cachent, au lieu d’aider les jeunes à utiliser n’importe quoi pour se distraire, y compris des technologies aux moyens de séduction modernes et
puissants. Ici, il faut lire « distraire » comme dans
« éloigner de la réalité ».
HP rend le
mot « éducation » synonyme de « contrôle ».
Éduquer, c’est le contraire de contrôler.
Éduquer c’est rendre capable de voir, et non pas empêcher
de voir. C’est rendre capable d’échapper aux contrôles, de refuser l’esclavage. Éduquer c’est rendre capable de prendre des décisions en
connaissance de cause, sans se laisser éblouir par la
technique des écrans utilisés pour amuser (abuser) des
enfants.
HP
juge assimile l’éducation à un « refoulement des
pulsions », un réflexe presque « chrétien ».
Il lui reproche de vouloir inhiber ces pulsions stimulées par
les écrans de jeux vidéo. Je sais pertinemment qu’en
permettant à des jeunes, enfants et ados, de découvrir
les impacts de la consommation médiatique sur leur cerveau,
sur leur santé personnelle, physique et mentale, et sur la
santé de la société, on les rend capables (comme dans POUVOIR) de COMPRENDRE ce que cache cette consommation, ses effets secondaires,
on leur permet de découvrir à qui profite de
cette consommation, on les rend capables (et non obligés) de
consommer de façon éclairée, avisée,
clairvoyante et responsable.
L’empressement de HP à condamner
mon plaidoyer en faveur de l’ÉDUCATION aux médias
révèle qu’il me prête des intentions
évangélisatrices, inquisitoires. Serait-il devenu accro
de sa propre consommation ? Serait-il devenu intégriste de la
religion cathodique ?
Éduquer
c’est aussi démolir des mythes, que ça plaise ou non aux personnes qui les chérissent ou aux industries qui les nourrissent.
J’imagine que Darwin a du rencontrer plusieurs sarcasmes en son temps
quand il a douté que l’homme ait été créé
par dieu le 7e jour de la création. Voici un mythe
véhiculé au sujet des jeux vidéo : « Un
jeune qui a en lui une violence importante imputable au contexte dans
lequel il vit pourrait la libérer en exprimant son fantasme
dans les jeux videos, au lieu de la laisser s’accumuler jusqu’au
passage a l’acte réel ? » C’est un mythe commun, un des
premiers que des scientifiques sérieux, objectifs, prudents, chrétiens
ou pas, ont investigué, scruté, analysé et
réduit en poussière. Les jeunes criminels qui se
« soulagent » en tuant des personnes virtuelles, en
assassinant des policiers (comme dans Grand Theft Auto) ou en violant
des femmes ne font qu’augmenter leurs frustrations et les risques de
passage à l’acte. Ces divertissements cruels ne guérissent
pas, ils alimentent le pouvoir des abuseurs et les justifient dans
leurs préjugés : « je suis une victime et les
« autres » sont la cause de mes malheurs, ou s’en moquent.
J’ai donc raison de les détester et de vouloir me venger. »
Je
voudrais citer le réputé Craig
A. Anderson, professeur et chercheur au Département de
Psychologie à l’université de l’État d’Iowa. L’exposition
à la violence virtuelle peut-elle avoir un effet cathartique
(thérapeutique) sur le comportement
agressif ? « Research
psychologists have extensively studied this issue for many years. A
clear answer emerged over thirty years ago, and has been confirmed
many times since then. The
answer is NO.
Observing violence (e.g., violent television shows) or behaving
aggressively in symbolic ways (e.g., playing violent video games)
generally increases later aggressive behavior. It
does not reduce it. »
http://data.edupax.org/precede/public/Assets/divers/documentation/7b4_jeux_ video/7b4_015_CATHARSIS.pdf
Je
suggère une autre lecture en anglais que je voudrais bien
avoir le temps de traduire en français. Il s’agit d’un extrait
d’article publié dans le New York Times et rapportant les
travaux du Professeur Brad Bushman. « Over the past three
decades, psychologists have tested the catharsis theory and
found virtually no evidence for it. Catharsis has enjoyed a run of
support in the popular media that far outstrips its support in the
research literature. »
http://www-personal.umich.edu/ bbushman/nytimes.htm
Souhaitons
que l’enthousiasme de ceux qui se portent à la défense
des bienfaits des jeux vidéo se transforme un jour prochain en
doute scientifique ; cela ferait d’eux des concitoyens au pouvoir d’empathie enrichi.