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Commentaire de Jacques Brodeur

sur Protéger les enfants contre les matériels qui nuisent à leur bien-être


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Jacques Brodeur Jacques Brodeur 21 novembre 2009 20:12

Notre ami Happy Peng (HP) conclut : « Ce n’est pas une question morale, c’est une question technique : vous ne pourrez plus empêcher l’enfant de voir. » Je le remercie de m’offrir l’occasion de préciser qu’en ce qui concerne les médias, y compris et surtout les jeux vidéo de meurter, la technique ne nous permet pas de voir, au contraire. Elle nous donne l’ILLUSION de voir ; en fait, elle nous empêche de voir. La première définition que donne Larousse au mot écran est : « ce qui empêche de voir ».

Et c’est justement à cet écran qui cache la réalité que l’éducation peut pallier. L’éducation peut rendre des humains désireux et capables de voir au-delà des écrans. Des humains non éduqués ne voient (et se satisfont de) que ce qui paraît à l’écran. Les humains éduqués voient les écrans avec des rayons X. Ils doutent, jugent, questionnent, discutent, fouillent, et découvrent ce qu’ils cachent, au lieu d’aider les jeunes à utiliser n’importe quoi pour se distraire, y compris des technologies aux moyens de séduction modernes et puissants. Ici, il faut lire « distraire » comme dans « éloigner de la réalité ».

HP rend le mot « éducation » synonyme de « contrôle ». Éduquer, c’est le contraire de contrôler. Éduquer c’est rendre capable de voir, et non pas empêcher de voir. C’est rendre capable d’échapper aux contrôles, de refuser l’esclavage. Éduquer c’est rendre capable de prendre des décisions en connaissance de cause, sans se laisser éblouir par la technique des écrans utilisés pour amuser (abuser) des enfants.

HP juge assimile l’éducation à un « refoulement des pulsions », un réflexe presque « chrétien ». Il lui reproche de vouloir inhiber ces pulsions stimulées par les écrans de jeux vidéo. Je sais pertinemment qu’en permettant à des jeunes, enfants et ados, de découvrir les impacts de la consommation médiatique sur leur cerveau, sur leur santé personnelle, physique et mentale, et sur la santé de la société, on les rend capables (comme dans POUVOIR) de COMPRENDRE ce que cache cette consommation, ses effets secondaires, on leur permet de découvrir à qui profite de cette consommation, on les rend capables (et non obligés) de consommer de façon éclairée, avisée, clairvoyante et responsable.

L’empressement de HP à condamner mon plaidoyer en faveur de l’ÉDUCATION aux médias révèle qu’il me prête des intentions évangélisatrices, inquisitoires. Serait-il devenu accro de sa propre consommation ? Serait-il devenu intégriste de la religion cathodique ?

Éduquer c’est aussi démolir des mythes, que ça plaise ou non aux personnes qui les chérissent ou aux industries qui les nourrissent. J’imagine que Darwin a du rencontrer plusieurs sarcasmes en son temps quand il a douté que l’homme ait été créé par dieu le 7e jour de la création. Voici un mythe véhiculé au sujet des jeux vidéo : « Un jeune qui a en lui une violence importante imputable au contexte dans lequel il vit pourrait la libérer en exprimant son fantasme dans les jeux videos, au lieu de la laisser s’accumuler jusqu’au passage a l’acte réel ? » C’est un mythe commun, un des premiers que des scientifiques sérieux, objectifs, prudents, chrétiens ou pas, ont investigué, scruté, analysé et réduit en poussière. Les jeunes criminels qui se « soulagent » en tuant des personnes virtuelles, en assassinant des policiers (comme dans Grand Theft Auto) ou en violant des femmes ne font qu’augmenter leurs frustrations et les risques de passage à l’acte. Ces divertissements cruels ne guérissent pas, ils alimentent le pouvoir des abuseurs et les justifient dans leurs préjugés : « je suis une victime et les « autres » sont la cause de mes malheurs, ou s’en moquent. J’ai donc raison de les détester et de vouloir me venger. »

Je voudrais citer le réputé Craig A. Anderson, professeur et chercheur au Département de Psychologie à l’université de l’État d’Iowa. L’exposition à la violence virtuelle peut-elle avoir un effet cathartique (thérapeutique) sur le comportement agressif ? « Research psychologists have extensively studied this issue for many years. A clear answer emerged over thirty years ago, and has been confirmed many times since then. The answer is NO. Observing violence (e.g., violent television shows) or behaving aggressively in symbolic ways (e.g., playing violent video games) generally increases later aggressive behavior. It does not reduce it. »
http://data.edupax.org/precede/public/Assets/divers/documentation/7b4_jeux_ video/7b4_015_CATHARSIS.pdf

Je suggère une autre lecture en anglais que je voudrais bien avoir le temps de traduire en français. Il s’agit d’un extrait d’article publié dans le New York Times et rapportant les travaux du Professeur Brad Bushman. « Over the past three decades, psychologists have tested the catharsis theory and found virtually no evidence for it. Catharsis has enjoyed a run of support in the popular media that far outstrips its support in the research literature. »
http://www-personal.umich.edu/ bbushman/nytimes.htm

Souhaitons que l’enthousiasme de ceux qui se portent à la défense des bienfaits des jeux vidéo se transforme un jour prochain en doute scientifique ; cela ferait d’eux des concitoyens au pouvoir d’empathie enrichi.


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