Madame,
J’apprécie en général ce que vous faites, votre fraîcheur et votre démarche humaniste, alors continuez dans ce sens. Mais je trouve que cet entretien était mauvais dans la forme comme dans le fond, et je ne peux m’empêcher de soupçonner qu’une blanche colombe ne devienne un noir corbeau à force de chercher à « être quelqu’un ». C’est alors que les bonnes intentions s’effacent derrière l’ambition et que le don de soi devient le don pour soi. Je vous parle par expérience sans vous en révéler plus.
Pourquoi observons-nous une montée de la pensée antisystème ?
D’abord parce que le pourcentage de la population instruite a considérablement augmenté, qu’une majorité de gens est capable de se forger sa propre opinion au travers de ses lectures. Cela nous conduit à revendiquer avec d’autant plus d’intransigeance le droit à la vérité, le droit en tant que citoyen d’exiger de ceux qui nous gouvernent ou nous informent de ne pas nous prendre pour des demeurés, de mettre fin aux différentes parodies qui se jouent ici ou là.
Ensuite, ceux qui nourrissent et se nourrissent du système composent une caste homogène qui verrouille tout et laissent à leur amertume ceux qui ont envie de construire. Vous ne pouvez nier que l’ascenseur social est en panne, que de nombreux talents ne pourront éclore.
Enfin, le système ne vit plus que pour lui, et les hommes et femmes capables de se mettre honnêtement au service de la communauté, en oubliant leurs intérêts particuliers n’ont guère de chance de se faire entendre. N’est-il pas plus inquiétant de conserver ce système ?
Pourquoi les élites, les médias et les politiques sont-ils tous pourris ?
D’abord parce que la valeur première est l’argent, qu’elle les a touchés en priorité. C’est même devenu quasiment la seule référence chez une part incroyable de nos concitoyens, et nous serons conduits, comme aux Etats-Unis, à n’exister aux yeux des autres que par nos comptes en banque. Cela m’apparaît à la fois triste et dangereux et je ne peux me résoudre, en tant qu’humain, à n’être qu’un producteur et un consommateur. Or, nous tendons à être réduits à ce double rôle.
Ensuite parce que les élites, les médias et les politiques sont confrontés aux tentations du pouvoir et qu’il faudrait faire preuve d’une sagesse surhumaine pour ne pas y céder. La sagesse humaine commande donc de ne pas y accéder. Même la physiologie réagit au pouvoir en faisant monter l’adrénaline ou en sécrétant plus d’opioïdes. Comment se sentir comme les autres quand on est au-dessus des autres ? Ecoutez un peu les interventions d’un Rocard ou d’un Léotard.
Enfin parce que pour devenir un homme politique ou un businessman de premier plan, il faut soit hériter, soit ne pas hésiter à adopter un comportement que la morale réprouve. Une blanche colombe n’a aucune chance d’y arriver si elle ne se métamorphose pas.
Concernant le 11/09 et autres informations cachées. Vous ne pouvez nier ni les secrets de familles, ni les secrets d’entreprises, ni les secrets d’Etat. Il est dans la nature de l’Homme de cacher un certain nombre d’informations ou de manipuler ses semblables, pour des objectifs divers. L’intention n’est pas toujours mauvaise et cela peut s’appeler tout simplement la responsabilité. Elle permet en tout cas à des corps sociaux d’exister au-delà des individus qui la composent. Autrement dit, si nous savions toute la vérité au sujet de tout ce que l’on nous raconte, alors je pense que la révolution serait en marche. Or l’anarchie n’est pas non plus une solution. Un Etat ou une entreprise ne peuvent calquer leur comportement et leurs actions sur ceux d’un citoyen modèle. Parce que les pressions, les objectifs, les partenaires et les responsabilités auxquels ils sont confrontés sont d’un tout autre niveau que ceux du simple citoyen. Alors oui, même si cela paraît monstrueux, un Etat démocratique est capable de sacrifier 3000 de ses membres. Parce qu’un Etat ne peut enfanter, et même des mères tuent le fruit de leur chair.