Jean-Claude MichéaL’enseignement de l’ignorance et ses conditions modernes
En dépit des efforts de la propagande officielle, il est devenu
difficile, aujourd’hui, de continuer à dissimuler le déclin continu de
l’intelligence critique et du sens de la langue auquel ont conduit les
réformes scolaires imposées, depuis trente ans, par la classe dominante
et ses experts en « sciences de l’éducation ». Le grand public est
cependant tenté de voir dans ce déclin un simple échec des réformes
mises en œuvre. L’idée lui vient encore assez peu que la production de
ces effets est devenue progressivement la fonction première des
réformes et que celles-ci sont donc en passe d’atteindre leur objectif
véritable : la formation des individus qui, à un titre ou à un autre,
devront être engagés dans la grande guerre économique mondiale du XXIe
siècle. Cette hypothèse, que certains trouveront invraisemblable,
conduit à poser deux questions. Quelle étrange logique pousse les
sociétés modernes, à partir d’un certain seuil de leur développement, à
détruire les acquis les plus émancipateurs de la modernité elle-même ?
Quel mystérieux hasard à répétition fait que ce sont toujours les
révolutions culturelles accomplies par la Gauche qui permettent au
capitalisme moderne d’opérer ses plus grands bonds en avant ?