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Commentaire de Jean-Michel Pierral

sur Ma mise en examen est programmée


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Jean-Michel Pierral (---.---.111.129) 27 novembre 2006 12:53

Cher Monsieur Robert,

Vous faites honneur au journalisme. Ma compagne est journaliste également et me décrit avec effroi son dégout de la façon de travailler dans les rédactions actuelles. Informations de dépêches coupées, tronquées, information filtrée, orientée, biaisée, concentrée et soumise à la volonté de ses annonceurs avant celle de ses lecteurs. Journalisme de simplisme et de raccourcis, qui se donne bonne conscience avec quelques tribunes d’opinions. Fin de partie pour le watchdog journalism, le journalisme d’investigation.

On nous dit « si l’affaire du 11 septembre était vraie, il y aurait une cohorte de journalistes pour se pencher sur ce problème, car ils se feraient beaucoup d’argent ». C’est en réalité le contraire. Le journaliste qui voudrait se pencher sur ce sujet, briser ce tabou, ce mensonge collectif, entrarait en conflit avec sa hiérarchie, et la hiérarchie de sa hiérarchie, celle-ci craignant d’ouvrir des boites de pandaores trop dangereuses.

Alors le journalisme d’investigation se meurt. Les journalistes vous trouveront de très bonnes raisons, en privé, pour justifer cela. Mais le résultat est là. Vous êtes Monsieur Robert, l’un des derniers journalistes d’investigation digne de ce nom. Les obstacles que vous avez connu et connaissez sont nombreux et illustratifs. On veut vous manipuler, certains écriront des bouquins sur vous pour vous discréditer (tactique facile mais qui, devenant habituelle, devient de moins en moins opérante), maintenant on tâche de vous poursuivre judiciairement (rien de plus simple d’attaquer quelqu’un qui s’interesse de trop près aux outils des grands pouvoirs financiers, recel d’abus de confiance). Je me souviens d’ailleurs d’une discussion sur un autre forum que je ne citerai pas, où des personnes (de droite) s’insurgaient du fait que l’un de vos informateurs, le consultant auditeur dont j’ai oublié le nom ait eu le toupet de briser l’omerta de la confidentialité. « Le premier qui dit la vérité, il faudra l’exécuter ». Votre tort est donc d’avoir révélé des informations confidentielles. Certes, le secret des affaires doit rester confidentielle dans une certaine mesure, pour protéger la concorrence sur un marché. Mais lorsque ces informations révelent des ratiques illégales, elles doivent être prise en compte.

Va-t-on poursuivre pour recel d’abus de confiance un journaliste qui déciderait de révéler des compositions d’aliments contenant des ingrédients illégaux (même si le secret s’applique sur les recettes et la composition d’un produit commercial ou industriel) ?

Voilà le monde dans lequel nous baignons, et chacun, isolé, crois ne rien pouvoir, crois percevoir, dans sa myopie, son impuissance. Pourtant, nous tous, citoyens, en nous unissant, en délibérant, en nous engageant pour la vérité dans le monde politique, nous pourrions, tous ensemble briser ces chaînes du mensonge.

Je pense pour ma part qu’une mobilisation est nécessaire pour empecher votre mise en examen. Nombre de juriste, les cheveux dressés sur la tête me rétorqueront un couplet habituel sur l’indépendance de la justice, indépendance qui en l’espèce est dévoyée, retombant dans son habituelle collusion entre le parquet et le siège.

L’argument de l’indépendance judiciaire ne tient plus lorsqu’une mise en exament intervient de façon aussi visible, aussi délibérée, à l’avantage du pouvoir politique et financier, eux-mêmes les premiers impliqués dans cette affaire.

En même temps, mise en examen ne signifie pas condamnation. MAis cela signifie dépenses lourdes que ne peut pas se permettre un journaliste d’investigation.

Alors quelle doit être notre conclusion ? Peut-on conclure de façon cynique « maintenant, c’est clair pour tout le monde, tout journaliste d’investigation devra assumer seul les risques qu’il prend pour offrir au plus grand nombre l’externalité positive que constitue la diffusion d’informations essentielles sur le fonctionnement concret du monde dans lequel nous vivons. Il devra se confronter seul aux intérêts des immenses puissances financières mondiales. Ca ne nous regarde pas. »

Ou bien devrions nous au contraire conclure qu’il y a un enjeu clair de service public à protéger ceux qui s’engagent à enquêter, pour le compte du monde entier, afin de diffuser ces informations capitales (même si celles-ci peuvent par la suite être détournées (façon barbouzarde) à des fins politiques.

Bon courage.


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